[MUSIQUE] [MUSIQUE] Vous avez vu dans cette leçon comment, à Genève, on a vraiment implémenté tous les centres d'intervention précoce, et puis, vous avez vu aussi les aspects financiers, les aspects administratifs, les aspects de formations qui ont été nécessaires pour rendre cet effort possible. Une des autres particularités du contexte genevois, c'est qu'on a tout un projet de recherche qui est attenant à ces centres d'intervention précoce, qui vise à répondre à la question de comment l'intervention précoce permet à l'enfant de progresser, répondre aussi à la question de : est-ce qu'il y a certains enfants qui vont répondre mieux à un type d'intervention plutôt qu'à un autre, pour qu'on puisse à la fin avoir des réponses qu'on puisse donner aux parents au moment où on annonce le diagnostic. À Genève, on a ce projet de recherche qui a commencé il y a plusieurs années, dans lequel on suit presque tous les enfants qui sont dans nos centres d'intervention précoce, au CIPA, et puis, on suit aussi des enfants qui reçoivent un traitement dans la communauté, c'est-à-dire un traitement qui est peut-être moins spécifique, mais qui correspond à de la logopédie, de la psychomotricité, différentes interventions telles qu'elles sont disponibles et choisies par les parents. Ce projet de recherche vise à suivre de manière ce qu'on appelle longitudinale, c'est-à-dire de suivre de manière répétée ces enfants-là pour voir quels sont les progrès qu'ils font au cours des mois et au cours des années. Et on utilise à la fois des outils structurés pour mesurer leurs symptômes d'autisme, pour mesurer leur développement cognitif, mais on utilise aussi des outils de neurosciences un peu plus spécifiques, comme par exemple l'eye-tracking, que je vais vous illustrer, ou alors encore l'IRM, donc l'imagerie cérébrale, ou l'EEG, L'électroencéphalographie cérébrale, pour voir l'activité de leur cerveau. Tous ces outils de neurosciences, je ne vais pas rentrer dans les détails ici. Si c'est quelque chose qui vous intéresse, vous pouvez aussi vous référer à notre MOOC précédent qui est: Biologie et neurosciences de l'autisme. Cet effort, c'est vraiment un effort qui a été permis par le Fonds national suisse, qui est ancré dans un projet de recherche qui s'appelle Synapsy, qui vise à avoir des liens très forts entre les groupes qui s'intéressent aux modèles animaux de maladies psychiques, et des groupes qui s'intéressent à des cohortes cliniques. On travaille main dans la main avec des personnes qui s'intéressent à des modèles fondamentaux d'autisme ici aussi à Genève et dans la région lémanique. Ce que je voulais vous montrer aujourd'hui, c'est un exemple un petit peu concret du type de projet qu'on a à Genève en utilisant l'eye-tracking. L'eye-tracking, c'est une technique qui permet de regarder exactement ce que l'enfant est en train de regarder, c'est-à-dire de voir le monde, entre guillemets, à travers ses yeux. Pour ça, on le met derrière un écran d'ordinateur, et puis, il y a une technique de lumière infrarouge qui permet de savoir exactement ce qu'il est en train de regarder, alors même qu'il ne porte pas de lunettes ou rien de particulier. On peut utiliser divers stages pour comprendre comment l'enfant comprend les relations sociales, des choses relativement simples comme des photos, des photos de visages, des photos d'objets, jusqu'à des choses de plus en plus complexes avec des vidéos, des vidéos plus ou moins standardisées, ou alors des vidéos qui illustrent des scènes sociales du quotidien. Et ça permet de voir dans une scène du quotidien, d'imaginer comment l'enfant réagirait aussi, et qu'est-ce qu'il regarderait dans cette scène du quotidien si elle était présentée en dehors du moment d'eye-tracking. Une tâche que je voulais vous montrer ici en particulier, c'est une tâche qu'on a désignée relativement au début de notre projet, parce qu'elle permettait de mesurer l'orientation sociale, c'est-à-dire combien l'enfant va porter son regard sur des stimuli sociaux, combien il va être attiré par les personnes en comparaison avec des objets qui peuvent être des objets géométriques. Pour cette tâche, on s'est inspiré d'un paradigme qui avait été publié il y a plusieurs années par Karen Pierce et ses collaborateurs. Et comme vous allez voir, il y a d'un côté de l'écran des objets géométriques qui bougent, et puis de l'autre côté de l'écran, il y a des enfants qui sautent et qui bougent. Et avec l'eye-tracking, ce qu'on peut, c'est voir exactement qu'est-ce que l'enfant regarde. Là, le premier exemple que je vous montre, c'est un enfant de deux ans qui a un développement typique. Ce que vous voyez, le point rouge sur cet écran, c'est exactement ce que l'enfant regarde. Si le point rouge s'agrandit, c'est qu'il est en train de fixer cette région. Si vous voyez le point rouge qui bouge, c'est qu'il regarde les différents endroits de cette vidéo. Ce que vous voyez chez cet enfant, c'est qu'il est primairement attiré vraiment par les stimuli sociaux, c'est-à-dire par les enfants qui bougent. C'est la première chose qu'il regarde, et c'est la chose qu'il regarde le plus longtemps. Il y a vraiment quelque chose qui nous montre que nous, on est, en tant que personne qui a un développement typique, attiré principalement par des stimuli sociaux, quelque chose qui s'ancre dans l'hypothèse de la motivation sociale qu'on a déjà discutée à d'autres endroits. Si vous regardez maintenant un enfant qui a un diagnostic de trouble du spectre de l'autisme qui a exactement le même âge, 24 mois, et que vous regardez qu'est-ce qui l'intéresse sur cette même vidéo, vous voyez ici que le point rouge, la première fixation apparaît vraiment sur les objets géométriques. Et cet enfant va passer la plupart de son temps à regarder les objets géométriques. Là, on a quelque chose qui est relativement simple. C'est une tâche qui dure une minute, qui est très facile à faire passer à un enfant, et qui nous permet de mesurer de manière quantitative, de manière un peu simplifiée, son niveau d'intérêt pour les objets entre guillemets sociaux, versus des objets géométriques. Et ça, c'est quelque chose que nous avons démontré, mais comme d'autres personnes aussi dans le monde, comme étant quelque chose qui prédit l'évolution de cet enfant-là. C'est-à-dire que si un enfant est plus ou moins intéressé par les objets sociaux, plus il est intéressé par les objets sociaux, et plus il va aussi progresser dans l'année à venir. C'est une illustration de comment on peut utiliser des outils des neurosciences pour peut-être nous soutenir dans nos diagnostics, mais aussi essayer d'avoir des prédicteurs qui nous permettent de comprendre comment ces enfants vont évoluer à moyen terme. Autre chose qu'on fait aussi à Genève, c'est qu'évidemment, on s'intéresse à savoir : est-ce que l'intervention précoce intensive est plus efficace qu'une intervention qui serait peut-être moins précoce et moins intensive? Pour ça, je vous l'ai dit, on a des familles qui sont dans le bassin genevois. Certaines ont accès au Centre d'intervention précoce, le CIPA, que vous venez de voir dans les séquences précédentes, et puis d'autres ont une intervention plus disponible dans la communauté. Ce qui nous a intéressés, c'est de voir : est-ce que ces enfants ont des évolutions différentes à moyen et à long terme? Nos résultats jusque-là, après un an, nous montrent clairement que les enfants qui vont au CIPA tendent à faire plus de progrès, en particulier sur le plan cognitif, c'est-à-dire qu'ils vont avoir un meilleur gain de leurs compétences cognitives, mais aussi sur le plan de leurs symptômes d'autisme, et en particulier les symptômes sociaux. C'est ce que vous voyez sur ces figures ici. Ce qui nous intéresse aussi, c'est de savoir s'il y a un lien entre des paramètres qui sont propres à l'enfant, et puis le type d'intervention que cet enfant va recevoir. Par exemple, une chose qu'on a essayé de regarder, c'est de voir : est-ce que les enfants qui vont au CIPA vont avoir une meilleure évolution selon qu'ils étaient intéressés ou non par les objets sociaux ou les objets géométriques dans la tâche d'eye-tracking que je vous ai montrée auparavant? Puisque je vous ai dit que cette tâche d'eye-tracking prédisait combien l'enfant progressait, mais je vous ai aussi dit que les enfants qui étaient au CIPA progressaient plus que les autres, on s'est dit, on va essayer de combiner ces deux variables et puis de voir si vraiment il y a quelque chose qui nous permet de mieux comprendre quel enfant réagit mieux à quel type de traitement. Et effectivement, ce qu'on a trouvé, c'est que le fait d'être plus intéressé par l'information sociale avec cette tâche d'eye-tracking que je vous ai montrée avant, était vraiment un facteur qui potentialise le traitement, l'intervention précoce au CIPA, dans lequel il travaille, bien sûr, sur les compétences sociales. Le fait d'avoir un intérêt préalable pour les aspects sociaux fait que ce traitement était encore plus efficace. Et vous voyez sur ce graphique que ce sont ces enfants-là qui ont eu le meilleur gain après un an de traitement. On essaie aussi maintenant de savoir si le traitement de Early Start Denver Model tel qu'il est délivré au CIPA pourrait aussi aider ces enfants à les réintéresser sur les stimuli sociaux. Et les résultats préliminaires montrent que c'est le cas, mais c'est quelque chose qu'on a encore besoin d'investiguer un petit peu plus en avant. Là, je vous ai montré un petit peu comment on pouvait commencer à développer notre compréhension de comment on veut essayer d'individualiser les traitements, puisque c'est quelque chose qui est extrêmement précieux. Quand on annonce un diagnostic à une famille, on aimerait pouvoir avoir les moyens de dire à cette famille, je sais que votre enfant va répondre à tel type de traitement ou à tel autre type de traitement, d'une part parce que c'est un investissement énorme des familles, d'autre part parce que ça permettrait vraiment de potentialiser les ressources, c'est-à-dire de donner les ressources d'un type de traitement à un enfant dont on sait qu'il va réagir, et puis un autre traitement, on sait qu'il y a un autre enfant qui va réagir mieux. Ça permettrait d'être plus efficace pour tout le monde et pour toutes les familles, qui finalement vont investir beaucoup d'heures et beaucoup d'énergie dans ces traitements-là. Mais ça, ce sont des choses qu'on est en train de développer dans notre recherche, mais comme beaucoup d'autres groupes de recherches à travers le monde. Une autre chose qui nous intéresse aussi à Genève, c'est de voir comment ces interventions précoces modifient aussi les trajectoires de développement cérébral. Et pour ça, on utilise différentes techniques. On utilise par exemple l'IRM, l'imagerie par résonance magnétique, qui nous permet d'avoir une photo du cerveau, et puis aussi de son activité à un moment donné. C'est quelque chose qu'on a pu développer au cours des années et que maintenant on fait dans le sommeil naturel. C'est-à-dire, pendant que l'enfant dort, il ne bouge pas, et on arrive à avoir ces IRM cérébrales, quelque chose qu'on a développé avec l'Université de UC Davis en collaboration. Et puis, on fait aussi un EEG. L'EEG, c'est quelque chose qui nous permet d'avoir l'activité électrique cérébrale. Finalement, tous ces groupes dans le monde s'intéressent aussi à savoir comment l'intervention précoce va avoir un effet sur le développement du cerveau. Il commence à y avoir quelques résultats vraiment prometteurs qui montrent que c'est le cas, en particulier avec des études d'électroencéphalogramme, qui montrent qu'on peut durablement modifier l'activité électrique du cerveau quand on a des interventions qui sont précoces, et que c'est d'autant plus vrai quand elles sont très précoces. Mais c'est un champ qui est complètement en développement, et ce sont des données qui sont très importantes parce que ça va nous permettre d'améliorer les interventions, comme je vous l'ai dit aussi, de l'individualiser, c'est-à-dire de mieux comprendre quels sont les types d'enfants qui réagissent mieux à un traitement ou à un autre. Et c'est quelque chose dont on a beaucoup besoin dans le domaine de l'autisme pour pouvoir donner des réponses qui soient plus concrètes aux parents sur les années à venir. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]