[MUSIQUE] Dans ce MOOC, on va vous parler beaucoup d'interventions précoces, et dans cette séquence, je voulais particulièrement insister sur pourquoi est-ce qu'il est important d'intervenir précocement. Bien sûr, vous allez entendre qu'il y a aussi différents types d'interventions, et c'est quelque chose qui va faire l'objet des prochaines séquences, c'est-à-dire est-ce qu'il y a plutôt de Early Start Denver Models, de ABA ou tout autre type d'intervention qui peut être utilisée pour des enfants qui sont sur le spectre de l'autisme. Mais une des choses qui est vraiment la plus importante quand on parle de cette intervention-là, c'est l'aspect de la précocité, c'est-à-dire l'idée qu'il faut commencer le plus tôt possible, dans les premières années de vie, en général on dit pendant la période préscolaire, idéalement avant l'âge de trois ans. Ça c'est quelque chose qu'on sait maintenant depuis une quinzaine d'années, toutes les études scientifiques le montrent, plus on intervient précocement et meilleur sera le bénéfice sur le long terme. C'est quelque chose qui est maintenant ancré vraiment dans les bonnes pratiques cliniques. La plupart des sociétés professionnelles et les pays ont établi des recommandations qui montrent vraiment qu'il est important d'intervenir avant l'âge de trois ans ou 36 mois. Ce qu'on sait, c'est que le bénéfice est vraiment multiple. Il y a déjà un bénéfice sur les symptômes d'autisme, c'est-à-dire qu'on arrive à diminuer l'intensité des symptômes d'autisme si on intervient précocement. On arrive aussi à donner aux enfants des outils de communication pour qu'ils puissent mieux communiquer, mieux échanger. On arrive à leur donner des outils sur le plan de différents apprentissages, à permettre par exemple le développement des compétences cognitives. Ce sont des choses qu'on peut mesurer avec des indices vraiment structurés de développement, et on voit qu'il y a un gain cognitif net chez ces enfants qui reçoivent une intervention dans leurs premières années de vie. Et puis, au-delà de ces outils structurés qui sont vraiment des outils de consultation ou de laboratoire, on voit que dans leur quotidien il y a aussi un bénéfice qui est extrêmement net dans le fonctionnement au quotidien, par exemple aussi avec des indices tels que la scolarisation de ces enfants, quel type de scolarisation ils arrivent à suivre, comment est-ce que ça se passe au niveau de leur quotidien aussi dans le domaine familial ou social. Donc, vraiment, toutes ces études-là nous montrent qu'il y a un bénéfice qui est très important si on commence tôt. Ce que je voulais vous montrer maintenant, c'est si on regarde par exemple uniquement le gain cognitif, c'est-à-dire combien est-ce que ces enfants peuvent gagner en termes de potentiel cognitif si on intervient tôt, on voit qu'il y a une relation que vous voyez sur cette figure, qui est linéaire entre l'âge au début de l'intervention et le nombre de points qui sont des points de développement cognitif mais quelque chose qui est assimilable au QI si on parlait d'enfants plus âgés, le nombre de points de développement cognitif que ces enfants vont gagner dans l'année qui suit le diagnostic. Donc, vous voyez que vraiment, si on regarde les tout jeunes enfants, avant l'âge de deux ans, on peut avoir un gain qui est en moyenne d'environ une vingtaine de points de développement cognitif ou de QI, ce qui est quelque chose qui est assez important et qui peut déterminer aussi le fait que certains de ces enfants sortent vraiment de la limite qui est la limite du retard mental. En tout cas, pour tous ces enfants, il y a un bénéfice très net sur le long terme, puisque c'est vraiment quelque chose qui la plupart du temps est acquis. Vous voyez maintenant que la relation, comme elle est linéaire, plus on s'approche d'un âge plus avancé, plus on s'approche de l'âge scolaire de quatre, cinq ans, et moins le bénéfice est important. Donc, autour de l'âge de trois ans, vous avez un bénéfice qui est en moyenne autour de 10 points, et puis quand vous passez à autour des quatre ans, là on voit que le bénéfice n'est plus si significatif. Ça ne veut pas dire que ces enfants n'apprennent pas. Concrètement, ils continuent à apprendre, mais ils apprennent au même rythme que les autres enfants, donc ils ne rattrapent pas l'écart entre les deux, et ça veut dire que finalement, on a quelque chose qui est en général plus figé sur ces indices structurés de développement, et vous voyez qu'il y a peu de gain après l'âge de quatre ans. Donc, de manière très concrète, ça nous montre qu'il y a vraiment une fenêtre très précoce pour intervenir. Et ce qui est intéressant dans ces données que je viens de vous montrer, ce sont donc des données qu'on a collectées dans la région genevoise avec des familles suisses et des familles françaises, et là c'était indépendamment de l'intensité de traitement que ces enfants recevaient. Certains enfants recevaient une à deux heures de traitement, mais d'autres pouvaient recevoir jusqu'à 20 heures de traitement par semaine. Ce que nous on a vu, bien sûr l'intensité de l'intervention est un facteur important, mais le facteur le plus important que je vous ai illustré c'est vraiment l'âge de début. Concrètement, ça veut dire qu'il vaut mieux intervenir précocement même avec peu d'heures d'intervention, si on a peu d'heures d'intervention disponibles, que d'intervenir plus tardivement en attendant d'avoir plus d'heures. Potentiellement, c'est aussi parce qu'au moment où on annonce aux parents un diagnostic d'autisme, au moment où on leur dit, votre enfant a des besoins spécifiques, voilà ce qu'il faudrait mettre en place, il y a tout un système qui se mobilise autour de cet enfant, des professionnels autour de cet enfant et de ses parents. Il y a beaucoup de choses qui sont à adapter aussi dans leur quotidien qui fait que même avec peu d'heures d'intervention, le fait de recevoir ce diagnostic et de savoir qu'il va falloir aider cet enfant a un impact qui est vraiment substantiel. Donc, c'est pour ça que nous, on est vraiment des avocats de pouvoir faire un diagnostic le plus précocement possible en disant, comme ça, ça va vraiment permettre à tout le monde autour de cet enfant de se mobiliser pour lui donner toutes les chances sur son développement. Donc, pourquoi est-ce que c'est important d'intervenir si précocement? Ce que les neurosciences nous disent, c'est qu'en fait, notre cerveau est plus plastique quand il est plus jeune, donc il est plus réceptif aux apprentissages. Un exemple concret c'est que par exemple, c'est beaucoup plus difficile d'apprendre à faire du vélo ou à parler chinois quand on est adulte que si on avait été exposé à ça depuis le plus jeune âge. Et ça, c'est concrètement parce qu'il y a un âge pendant lequel notre cerveau, il est plastique, il est réceptif aux apprentissages. C'est quelque chose qu'on a étudié de très longue date en neurosciences. On sait qu'il y a ce qu'on appelle des périodes critiques, donc des périodes pendant lesquelles il est très important qu'une expérience soit là pour qu'on puisse développer cet apprentissage. Par exemple, on sait que des études qui ont été faites chez des animaux, pour lesquels les paupières étaient fermées, donc qui n'ont jamais vu avec leurs yeux, passé un certain âge, même si on arrive à ouvrir les paupières, finalement, leur cerveau restera aveugle, c'est-à-dire que malgré le fait que l'œil est capable de voir, comme le cerveau n'a jamais reçu de stimulation visuelle, il est incapable, il est devenu complètement aveugle et incapable de voir l'information qui lui est envoyée. Il y a d'autres études cette fois chez des enfants qui montrent que par exemple, on a plus de peine à reconnaître certains sons auxquels on n'a jamais été exposés quand on était petits. Un exemple typique, ce sont les personnes qui cherchent à apprendre le chinois, dans lequel il y a plusieurs intonations, et alors c'est difficile si on n'a jamais été exposé à ces intonations. On n'arrive même presque plus à les reconnaître à partir d'un certain âge. Et de la même manière, les Chinois ont plus de peine à reconnaître le son L et R puisqu'ils ont été très peu exposés à ça dans leur culture, dans leurs premières années de vie. Donc, ce sont des exemples un petit peu extrêmes des neurosciences qui vous montrent que sur des compétences très spécifiques, s'il n'y a pas eu une stimulation spécifique à un moment donné, la fenêtre d'apprentissage se referme et ça devient plus difficile d'apprendre. Quand on parle de l'autisme, on parle de compétences beaucoup plus larges que ça bien évidemment, on parle de compétences sociales qui sont des compétences plus complexes. Donc, on n'est pas dans une période critique qui est un petit peu binaire, on est plus dans des périodes sensibles. On sait que la communication, les compétences sociales sont des choses qui se développent beaucoup pendant les quatre, cinq premières années de vie. Donc, on a une période qui est vraiment sensible, pendant lequel notre cerveau est prêt à recevoir des stimulations pour développer ces compétences-là. Et on sait que si on passe cette période-là, on va avoir un petit peu plus de difficultés à les apprendre et c'est comme ça qu'on comprend actuellement le fait qu'il est important d'intervenir le plus précocement possible. Donc, là, bien évidemment, il y a beaucoup de recherches qui essaient de comprendre de manière plus spécifique. Mais sur le plan global, c'est vraiment l'idée que notre cerveau est plus plastique, plus réceptif pendant ces premières années de vie, et qu'il est important du coup de profiter de cette fenêtre-là sensible pour pouvoir intervenir le plus précocement possible. En ce qui concerne l'autisme en particulier, il y a aussi une autre hypothèse qui nous explique comment est-ce que les personnes avec autisme apprennent plus les stimulations sociales pendant cet âge-là, c'est l'hypothèse de la motivation sociale. Je ne vais pas rentrer ici dans les détails parce que c'est quelque chose qu'on a détaillé beaucoup plus dans le MOOC 2, donc si ça vous intéresse, je vous laisserai vous référer à ce MOOC 2. Mais l'idée est que les personnes qui ont un autisme, depuis les premiers mois de vie, ils s'intéressaient moins à regarder les stimulis sociaux, moins à regarder dans les yeux, moins à regarder les personnes et qu'est-ce qu'elles font, et que du coup par un effet de cascade, pendant ces mois-là, ils n'apprennent pas toutes ces compétences sociales. Ça c'est l'hypothèse de la motivation sociale. Et comme on apprend en étant en lien avec les autres, c'est aussi quelque chose qui empêche de développer pleinement le potentiel cognitif. C'est une hypothèse qui est aussi intéressante parce qu'elle nous permet d'analyser sur le point des neurosciences comment est-ce qu'on pourrait intervenir sur cette cascade avec par exemple des interventions précoces intensives, pour essayer d'éviter finalement d'avoir un déficit cognitif qui est associé ou d'éviter d'avoir des symptômes sociaux qui restent proéminents à l'âge avancé. Donc, là vous voyez un petit peu que les études de neurosciences au cours des dernières années se sont vraiment développées pour pouvoir commencer à répondre à ces questions avec l'idée de comprendre pourquoi est-ce que intervenir précocement c'est le plus important. Maintenant, ce qui est très clair du côté de la clinique, donc des études qui ne s'intéressent pas forcément à comment le cerveau se modifie mais qui s'intéressent juste à voir combien l'enfant fait des progrès, ce qui est extrêmement clair c'est qu'il faut intervenir le plus tôt possible pour le plus de progrès. Et puis, vous allez voir dans les prochaines leçons de ce module et du module suivant quels sont les types de techniques, et comment maintenant on peut individualiser ces types de techniques pour espérer qu'un enfant fasse plus de progrès avec une technique plutôt qu'une autre. [MUSIQUE] [MUSIQUE]