[MUSIQUE] Est-ce que les personnes avec autisme sans difficultés de communication peuvent aussi présenter des difficultés dans la gestion émotionnelle et les comportements défis? Bien sûr. Si on reprend la métaphore de l'iceberg, il y a aussi le fonctionnement autistique à prendre en considération. Par contre, dans le soutien, ce qui pourrait être intéressant, c'est faire l'analyse fonctionnelle ensemble. On aura par exemple accès aux pensées de la personne, à ses émotions, etc. On reprend un exemple, Evan. Evan a 11 ans, il est à l'école, il est en situation d'évaluation. Et il voit un de ses camarades qui prend une calculatrice alors que les règles sont que l'évaluation doit se faire sans calculatrice. Il dénonce la triche. Peut-être que ça va susciter beaucoup de réaction chez ses camarades, et peut-être qu'à la récréation ils en viendront même aux mains. Peut-être que le soir, Evan va dire à ses parents, moi je ne veux plus jamais aller à l'école. Et là, qu'est-ce que ses camarades voient? À la pointe de l'iceberg, ils voient un camarade qui n'est pas loyal et qui les dénonce. Ils ne prennent pas en considération le fonctionnement autistique. On va le décrire sur trois points. Un, un manque de flexibilité ou en tout cas quelque chose qui est associé à une pensée logique. Peut-être que dans cette situation, Evan et sa pensée logique peut-être autistique manque un peu de flexibilité, pourquoi? Parce qu'il doit faire face à des injonctions contradictoires. La règle c'est qu'on n'a pas le droit de prendre la calculatrice, la règle sociale c'est qu'on ne se dénonce pas. Et autant c'est un apprentissage qui a lieu pour toutes les personnes, tous les enfants neurotypiques ou autistiques, autant là pour un enfant avec autisme, faire face à cette contradiction est très difficile. Ce qu'on peut faire alors c'est peut-être apprendre une nouvelle règle dans cette situation. À l'avenir, voilà ce que tu pourrais faire. Peut-être qu'on pourra faire quelque chose de plus générique, apprendre ce que c'est dénoncer, parce qu'il n'y a pas de danger lorsque ça ne nous concerne pas directement, et signaler lorsqu'il y a un danger lorsque ça nous touche directement. Dans la même lignée, il peut s'agir aussi d'une pensée un peu en tout ou rien. Autant des personnes, d'autres élèves peut-être de la classe s'arrangent avec leurs propres règles internes, et peut-être que pour Evan on pourrait faire une échelle de gravité liée au non-respect des règles. Peut-être que là, on serait à du 2/3 ou du 1/3, et ce ne serait pas si grave. En tout cas, tout cela permettrait à Evan de comprendre aussi un peu mieux le fonctionnement neurotypique. Et là on arrive à notre deuxième point, un manque de théorie de l'esprit. Les personnes avec autisme ont de l'empathie oui, mais elles ont parfois des difficultés avec l'empathie cognitive, c'est-à-dire se mettre à la place de l'autre, comprendre les intentions d'autrui. C'est bizarre en fait que toute la classe trouve inadéquat de dénoncer un camarade alors qu'ils ne sont pas directement concernés. Là encore, on pourra aider Evan à expérimenter d'autres points de vue, de nouveau avec les bulles de pensée par exemple ou même en situation avec l'aide de l'enseignant. Il arrive aussi que nos jeunes se disent, non mais vraiment, moi je pense qu'il faut dénoncer. Malgré le fait que j'ai tout compris au reste, il faut dénoncer cette situation. Eh ben, pourquoi pas? Le mode de pensée autistique n'est pas inférieur, il est juste socialement plus difficile à être accepté. Prenons l'exemple de [INCONNU] qui elle-même présente un diagnostic de trouble du spectre autistique. Elle est la première à dire que si elle avait eu un mode de fonctionnement neurotypique, elle n'aurait jamais eu la conviction de s'opposer entre guillements aux grandes personnes ou aux grands de ce monde, et de pouvoir manifester une telle conviction. Ce qui est important, c'est de soutenir l'expérimentation auprès de ces personnes et de veiller qu'il y ait une bonne compréhension et une bonne maîtrise. Finalement, parlons des particularités attentionnelles. Peut-être que dans cette situation, ça m'est arrivé pour un de mes jeunes, l'enseignant avait autorisé la personne concernée à utiliser la calculatrice, et Evan ne l'avait juste pas perçu. Et donc, sa dénonciation était en plus non liée à une règle. Vous l'aurez compris, dans cette gestion des conflits ou cette gestion sociale, l'émotion est toujours l'anxiété. L'anxiété vient quand il y a une émotion trop intense pour fonctionner. Et donc, lorsque l'anxiété est trop grande, c'est là o`on va voir des rigidités de pensée ou la mise en place de routines qui ne sont rien d'autre que des tentatives pour limiter l'inattendu et donc des tentatives de régulation de l'émotion. Prenons encore un exemple, Anna, qui est une jeune qui a très, très peur de l'autonomie. Quand on lui dit qu'elle va faire des choses seule, dans son mode de fonctionnement, elle pense, je vais faire des choses seule, ça veut dire qu'un jour je ne serai plus à la maison, ça veut dire qu'un jour mes parents vont mourir, ça veut dire qu'un jour moi je vais mourir. Et donc, simplement quand on lui dit j'aimerais bien que tu prennes le bus seule, alors qu'elle a 14 ans, c'est très menaçant, très anxiogène pour elle. Première chose dans la gestion de l'émotion, c'est identifier sa propre émotion. Et là, une méthode comme le langage conceptuel SACCADE nous encourage à amener la personne à faire des constats sur sa propre émotion, aussi souvent que possible, pour être bien à l'aise et bien comprendre ce qui arrive à l'état interne, Je vous recommande d'éviter autant que possible les smileys qui sont sujets à différentes interprétations et qui changent en fonction des contextes. Mieux vaut rester sur des choses très simples, les quatre émotions de base, et faire des constats. Ensuite, une fois cette étape intégrée, on pourra aller plutôt sur l'intensité. Non seulement on pourra avoir une échelle visuelle sur l'intensité de l'émotion, mais aussi verbale. C'est très utile dans les familles quand le jeune ou la jeune en l'occurence dit, ce que tu es en train de me demander c'est du 3/3 ou ce que tu es en train de me demander c'est du 1/3. Pour Anna par exemple, le 3/3 correspondra à quelque chose de trop anxiogène, et donc impossible. Le 2/3 serait peut-être sa zone de travail où elle ne pourrait pas faire la chose seule. Par exemple, 3/3 serait prendre le bus seule, un 2/3 ce serait de prendre le bus avec quelqu'un d'autre avec elle et le 1/3 ce serait juste d'imaginer prendre le bus, et le 0/3 ce serait de rester à la maison. Mais juste avoir un code comme ça, ça permet la communication, la flexibilité, et ça permet une exposition progressive aux éléments anxiogènes. Une fois ceci effectué, on pourra aller plus sur les techniques de régulation émotionnelle, des techniques internes comme la relaxation, la méditation, des techniques de régulation aussi dans la communication. Par exemple, on va anticiper. On va se mettre d'accord que quand tu me dis que tu es à 3/3, en séance par exemple, moi en tant que papa, je te laisse tranquille, je te laisse aller t'auto-réguler dans ta chambre, je te laisse simplement avec une pause sociale. Ça redonne de nouveau un sentiment de contrôle, c'est moi qui dis 3/3, c'est moi qui dis 2/3, c'est moi qui dis 1/3, c'est moi qui gère un petit peu ça. Finalement, quand ça commence à être intégré, ce qui est très intéressant c'est de mettre en place un système de gestion émotionnelle. Certaines personnes avec autisme se connaissent et savent quel est le coût énergétique demandé pour telle ou telle situation sociale. Et en contrepartie, elles vont se mettre des moments où elles vont se ressourcer en énergie. Par exemple, de manière individuelle, en faisant de la méditation, de la lecture, ou des intérêts restreints et répétitifs, ou même des mouvements stéréotypés, ou bien des fois c'est aussi un soutien social, c'est-à-dire je parle avec papa, je parle avec maman, etc. En conclusion, nous comprenons que l'analyse fonctionnelle est toujours nécessaire quel que soit le niveau en autisme, mais peut-être que pour les personnes qui sont à même de le faire, faire cette analyse ensemble, faire faire cette analyse fonctionnelle à la personne peut le rendre encore plus acteur et donc plus en sentiment de contrôle. [MUSIQUE] [MUSIQUE]