[MUSIQUE] [MUSIQUE] Si vous vous intéressez à l'autisme, d'autant plus avec une population avec d'importantes difficultés de compréhension, vous avez entendu les mots qui y sont parfois associés : troubles du comportement, crises, ou comportements-défis. Nous résumerons tout ça par comportements-défis, car ces comportements représentent un défi pour la personne et son entourage. Le comportement-défi est un comportement non adapté aux attentes sociales. Pour bien qu'on se mette d'accord, définissons un comportement. Trois exemples : il n'a pas arrêté de crier ; aujourd'hui, il était agité et anxieux ; il a crié quatre fois pendant le temps du repas. Il n'a pas arrêté de crier, on ne connaît pas la fréquence, la durée, l'intensité. Ce n'est pas un comportement observable. Aujourd'hui, il était agité et anxieux, c'est une interprétation. Ça dépend de la personne qui observe. Donc seul le troisième, il a crié quatre fois pendant le temps du repas, est un comportement observable. Quand on va parler de comportement-défi, c'est important de bien se mettre d'accord sur quel était ce comportement, pour l'analyser. Pour nous accompagner, nous allons utiliser la métaphore d'Éric Schopler, l'un des fondateurs du TEACCH, la métaphore de l'iceberg, qui propose la face visible de l'iceberg, que ça soit le comportement observable, le comportement-défi en l'occurence ; et dans la face immergée, il y a le traitement, le fonctionnement autistique et donc notre intervention. On va se faire accompagner aussi par deux exemples : Sarah. Sarah trouve ce son, mettons un son de ventilateur, insupportable. Non seulement le bruit est insupportable, mais en plus, il fonctionne parfois, et parfois il ne fonctionne pas. En plus de ça, elle a un manque de communication, donc elle ne sait pas le dire. Qu'est-ce qu'elle peut faire pour reprendre un semblant de contrôle sur cette situation? Peut-être qu'elle peut se boucher les oreilles, peut-être qu'elle peut se taper les oreilles, peut-être qu'elle peut fuir, peut-être qu'elle peut crier. Et nous, ce qu'on verra c'est la face visible de l'iceberg, une fille qui hurle, et nous ne verrons pas l'autisme, cette hypersensibilité neurosensorielle auditive, son manque de communication et ce besoin de prévisibilité. Prenons un autre exemple, Bob, à qui on a appris à mettre sa veste quand il sort. Peut-être qu'on ne lui aura pas appris, ou qu'il n'aura pas compris le lien logique entre je mets ma veste parce qu'il fait froid. Et viennent les beaux jours, et les parents demandent à Bob de sortir sans sa veste. Ainsi, on brise sa règle, et donc on augmente son anxiété. Qu'est-ce qu'il peut faire pour reprendre le contrôle? Peut-être un comportement où on ne voit pas le lien. Peut-être que Bob va tirer les cheveux de sa sœur pour vérifier une autre règle : quand je tire les cheveux de ma sœur, mes parents crient, ma sœur pleure, j'ai au moins repris un sentiment de contrôle. Et donc nous, ce qu'on va voir, la face visible : un garçon agressif, et ce qu'on ne va pas voir c'est l'énorme anxiété qui a été causée par les difficultés à comprendre pourquoi est-ce qu'on doit briser sa règle, et un manque de communication. Vous l'avez compris, l'émotion de base qui est liée à un comportement-défi est toujours l'anxiété. Pour faire cette analyse, qu'on appelle analyse fonctionnelle, il nous faut comprendre quels sont les antécédents, analyser le comportement et les conséquences, et donc faire une hypothèse sur la fonction de ces comportements. Pour Sarah, la fonction c'est éviter : je veux éviter ce bruit. Pour Bob, la fonction c'est obtenir : je veux non seulement obtenir une réaction mais je veux aussi obtenir la réassurance qu'au moins une de mes règles fonctionne toujours. Nous n'en parlerons pas dans les exemples aujourd'hui, mais une troisième fonction possible c'est de démontrer l'impact d'un [INCOMPRÉHENSIBLE] interne : je suis malade, je me sens mal, j'ai faim, par exemple. Commençons par l'analyse des antécédents. Il faudra pour ça analyser le contexte global, mais aussi les déclencheurs. Parfois, l'analyse doit être fine. Parfois, elle se fait sur plusieurs jours, surtout avec des personnes qui ne sont pas en état de communiquer. Mais c'est très important parce que c'est seulement ça qui va nous permettre de mettre en place les bons aménagements. Peut-être qu'un premier aménagement pour Sarah, ce sera de lui mettre un casque pour diminuer l'impact du bruit, ou peut-être simplement d'éviter cette pièce où il y a ce ventilateur. Beaucoup de familles vous le diront : en autisme, on choisit ses batailles. Non seulement parfois c'est presque impossible pour la personne, et pour d'autres, mettons que Sarah dépense 50 % de son énergie de la journée à passer cinq minutes dans cette pièce extrêmement anxiogène pour elle, elle n'aura plus cette énergie pour les apprentissages, et alors peut-être qu'il faut simplement éviter cette pièce. Et parfois ce n'est pas possible, ou on décide autre chose, on décide alors de structurer, de rendre prévisible quand le ventilateur va se mettre en marche, ou dans quelle pièce il y a un ventilateur, et comment Sarah pourrait communiquer à ce sujet, et comment on pourrait communiquer auprès de Sarah. Toutes ces structures visuelles sont bien décrites dans le programme TEACCH. Prenons maintenant l'exemple de Bob, où on pourra mettre en place une différente stratégie. On pourrait l'aider à constater le champ des possibles : parfois je sors avec ma veste ; parfois je sors sans ma veste ; parfois je suis à l'intérieur avec ma veste ; parfois je suis à l'intérieur sans ma veste. Aider à constater le champ des possibles permet d'avoir de nouveau un sentiment de contrôle. Ce genre de stratégie est extrêmement bien défini dans le langage conceptuel SACCADE. Il est également décrit dans les ouvrages de ses créatrices, Brigitte Harrisson et Lise St-Charles. Elles vont aussi nous encourager à rendre la situation prévisible. Par exemple, tu es à la maison sans ta veste, tu vas sortir sans ta veste, tu reviendras à la maison sans ta veste. Finalement, utiliser le visuel c'est la chose que tout le monde fait lorsqu'on est en situation de stress. Si on a un problème en avion, il y a des supports visuels à terre pour savoir où aller, et les hôtesses vont nous proposer une gestuelle plutôt que de nous parler. Donc, des outils tels que les scénarios sociaux sont en ce sens utiles lors de situations où il faut être explicite et gérer ce stress. Passons à l'analyse du comportement lui-même. En fait, supprimer le comportement, non seulement c'est déjà très difficile, mais en plus, si on arrive à supprimer la pointe de l'iceberg, un autre comportement-défi apparaîtra. Puisque supprimer un comportement n'est pas la bonne stratégie, on pourra proposer d'enseigner un comportement alternatif fonctionnel équivalent, l'acronyme CAFE. Par exemple, lorsque Bob prend les cheveux de sa sœur, on pourra lui prendre la main, l'encourager à caresser les cheveux tout en le renforçant. Un comportement alternatif. Ensuite, le fonctionnel, caresser les cheveux, ça peut être fonctionnel, et ça peut même avoir la même fonction puisque il va obtenir la réaction, c'est-à-dire obtenir que la règle soit : quand tu caresses les cheveux, que tu es sympa, tout le monde va faire waouh, super, c'est ce qu'on attend de toi. On pourra même mettre beaucoup d'emphase pour que ce soit équivalent, donc avec beaucoup d'émotion : Waouh! Vraiment, c'est ce que j'aimerais que tu fasses. Tu caresses les cheveux, c'est tellement sympa! Et au contraire, lorsque Bob tirerait les cheveux de sa sœur et on le stopperait, mais avec peu d'émotions, afin que le côté équivalent soit pondéré. On n'est pas uniquement en train de parler de l'analyse du comportement maintenant, on parle aussi de l'analyse des conséquences, et les conséquences de maintien à chaque comportement. Et là, il est important de s'atteler à bien comprendre et bien analyser quelles sont les conséquences immédiates, qui sont très importantes en autisme. Les conséquences immédiates, c'est souvent les conséquences qui font que le comportement est maintenu. Je te vois faire ça et je crie, et alors peut-être que la personne avec autisme sera excitée ou aura obtenu la réaction et va maintenir ce comportement. A contrario, les conséquences différées, par exemple tu seras privé de sortie ou tu seras privé de tablette, ont beaucoup moins d'importance. Avec cette stratégie du CAFE, peut-être qu'un souci c'est que c'est très dépendant de l'environnement. Alors, si on reprend l'exemple de Sarah, à Sarah on aurait envie de lui enseigner un geste, un pictogramme, un son, pour demander une pause sensorielle quand le son est trop fort. Rappelons-nous de quelque chose. Il y a des personnes avec autisme qui jouent dans des groupes de hard rock, où il y a des stimulations énormes, mais c'est sous contrôle, c'est prévisible. Ces mêmes personnes avec autisme qui jouent dans les groupes de hard rock peuvent se retrouver dans une salle presque silencieuse avec des sons qui les dérangent beaucoup. Pourquoi? Rappelons-nous que quand on va mettre du visuel, on va mettre du sens, de l'explication, on va augmenter le sentiment de contrôle des personnes avec autisme, on va diminuer le stress, et donc diminuer les comportements-défis. Vous l'aurez compris, la remédiation de la gestion émotionnelle et des comportements-défis en autisme est possible uniquement lorsqu'on prend en compte la face cachée de l'iceberg : le fonctionnement autistique. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]