Bonjour Dr. Stahmer, merci de vous joindre à nous aujourd'hui. Je suis si heureuse d'être ici. Nous avons beaucoup parlé dans nos modules de la pratique fondée sur des données empiriques et l'importance de l'utilisation de ces “bonnes pratiques”, mais nous avons également abordé le fait que ces pratiques peuvent être très coûteuses et nécessitent une formation spécialisée. Vous avez récemment écrit un article, et vous avez fait beaucoup de recherches quant aux moyens qui permettraient d’accroître l'accès aux meilleures pratiques en intervention précoce et aussi quant aux éléments qui pourraient faire obstacle à l’accès à ces pratiques dans les communautés. Pouvez-vous nous en dire un peu plus quant à ces obstacles et ces facteurs facilitants ? Oui, les éléments qui favorisent la mise en place de bonnes pratiques d'intervention et les obstacles à ces efforts peuvent varier selon le pays dans lequel vous vivez, ou le système de santé de votre région, mais en général, nous devons penser aux personnes qui vont appliquer la pratique. Sont-ils des professionnels ? Sont-ils des para-professionnels ? sont-ils des parents ? et quel type de formation auront-ils besoin et comment vont-ils faire pour l’obtenir ? Avant, c'était : « Les éducateurs, allez vous former et revenez appliquer la méthode ».¨, mais nous avons vraiment appris que ce n'est pas suffisant. Ils ont besoin d'un soutien continu et d'accompagnement, même si cela signifie qu'ils doivent apprendre en groupe de personnes qui apprennent ensemble, s'il n'est pas possible de payer pour une supervision individuelle avec un professionnel externe. Aussi, le soutien de ceux qui dirigent l'équipe, le département gouvernemental responsable de ces services, par exemple. Bien sûr, le financement est toujours un problème quand il s'agit de savoir qui va financer la formation et les services, mais ce qui est encore plus important, est de veiller à ce que les éducateurs soient reconnus pour avoir appliqué l’intervention correctement, et qu'ils apprennent à mesurer s'ils appliquent correctement l’intervention ou non. Il faut savoir comment adapter une intervention dans votre pays ou dans votre région, dans votre communauté, et avec les familles avec lesquelles vous travaillez, d'une manière qui n’en diminuera pas l’efficacité de cette approche thérapeutique. Je pense que c'est là que parfois le défi réside, parce que, bien sûr, nous avons besoin d'adapter les choses à différentes cultures et à différents paramètres, qu'il s'agisse d'une école, que ce soit à la maison, qu'il s'agisse d'une place de jeu, et nous devons nous assurer que nous n'éliminons aucune stratégie clé des outils d'intervention. Je suppose que les obstacles sont le manque d'engagement à tous les niveaux : du gouvernement, des institutions, des prestataires de services d'intervention, et des familles, et les facteurs facilitant seraient le partenariat et le travail en commun à tous ces mêmes niveaux. Et de trouver des moyens d'avoir ces partenariats dans nos régions. Un des points que vous avez abordés, et que j'ai vraiment apprécié, était le rôle des parents et la défense des droits des enfants TSA par les parents. Vous avez mentionné que, ces parents sont vraiment ceux qui sont à l’origine de la mise en œuvre de ces bonnes pratiques dans leurs communautés. Ça m'a touché, parce que ici en Suisse, nous n'aurions pas beaucoup de programmes sans ces associations de parents. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos recherches sur l'implication et la mobilisation par les parents pour rendre ces services plus accessibles? Et bien, aux États-Unis, les parents ont vraiment fait avancer le débat sur l'intervention précoce en autisme. La plupart du temps, honnêtement, les procédures judiciaires ont joué un rôle important. Les écoles ont appris que c'était plus avantageux financièrement, d'apprendre à utiliser des pratiques d’intervention bien validées, que de voir quelqu'un les poursuivre en tribunal pour ne pas avoir utilisé les bonnes pratiques. Aujourd’hui, ils sont convaincus et impliqués et normalement les éducateurs reçoivent une bonne formation, avec le soutien de leurs directeurs, mais il a vraiment fallu cette action légal pour obtenir ce changement au niveau du système. Les enseignants agissaient individuellement mais les systèmes scolaires et de la petite enfance sont lents et difficiles à changer. Les règles politiques, du moins aux États-Unis, sont difficiles à changer, et donc il faut quelqu'un qui comprenne vraiment l'autisme et qui soit vraiment passionné pour en parler avec les décisionnaires politiques, avec les gouvernements, avec les responsables, concernant les changements qui sont nécessaires. Je pense que les parents sont le groupe clé qui représente ce moteur, et dans l'autisme, nous avons vraiment vu que cela a créé un grand changement. Aujourd’hui, nous avons des personnes autistes elles-mêmes qui plaident vraiment pour de nouvelles formes de traitement et de nouvelles façons d'aborder les interventions qui sont plus compatibles à la manière dont les personnes autistes veulent être vues, et donc je pense que c'est un changement important maintenant. C'est très intéressant. Vous avez également mentionné, et je pense que c'est dans le même ordre d’idée, comment au cours des 30 dernières années, beaucoup de ces programmes d'intervention précoce ont été développés dans des contextes de recherche, des environnements hautement contrôlés, où ce n'était pas nécessairement représentatif des personnes concernées. Vous avez parlé de combler ce fossé entre la recherche et le contexte communautaire. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ? Oui, je pense que, bien sûr, nous développons les interventions traditionnellement dans des contextes très contrôlés parce que nous voulons voir s'ils fonctionnent avant de commencer à les déployer. C'est tout à fait logique. Donc, nous avons un ensemble de d’interventions fondées sur des preuves qui ont ont été testées dans des contextes contrôlés, puis nous avons des personnes de partout qui commencent à utiliser ces outils. Il faut donc penser à adapter l’intervention pour ces nouveaux contextes. Je pense que la meilleure façon d’adapter ou de développer de nouvelles interventions est en collaborant. Nous avons besoin d'interventions qui fonctionnent à l'endroit où se situe l’intervenant. Par exemple, un chercheur peut s'associer aux professionnels qui réalisent l’intervention, aux familles, et aux communautés de personnes qui bénéficieront de l’outil, en partenariat avec les personnes qui financeront l'intervention, et ils peuvent décider ensemble du meilleur niveau d'intensité du traitement, de la meilleure stratégie de formation pour leur groupe, et décider quelles stratégies d’intervention doivent réellement être mises en œuvre et peuvent être utilisées dans ce contexte spécifique. Je pense que c'est vraiment la façon que nous devrions adapter et développer de futures approches, dans les endroits qui sont encore en train de développer leurs programmes d'intervention précoce. Ce partenariat est essentiel. Travailler avec des chercheurs qui ont développé une approche d'intervention précoce que vous souhaitez utiliser, et ces chercheurs sont prêts à réfléchir ensemble aux modifications qui peuvent être apportées à leur approche de traitement, afin que le modèle puisse être mis en œuvre dans votre contexte, sans limiter l'efficacité de l'intervention. En fait, je pense que c'est ça toujours l’équilibre à trouver. Nous pouvons faire quelque chose de suffisamment simple pour que tout le monde puisse l'utiliser, mais nous voulons que ça fonctionne aussi. oui. Je pense donc que le partenariat est essentiel. Cela va être vraiment intéressant pour beaucoup de nos participants qui vivent dans des pays qui n'ont pas encore accès à ces services d’intervention précoce, et cela offre beaucoup d'idées sur comment, grâce aux actions des parents et à la recherche en partenariat, nous pouvons améliorer l'accès aux programmes d'intervention précoce dans les régions du monde qui n’en disposent pas actuellement. Merci beaucoup d'avoir partagé votre expertise sur le sujet avec nous aujourd'hui. Merci de m'avoir reçu