[MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous venons de voir dans la leçon précédente comment on peut faire una anamnèse complète qui investigue tous les différents domaines du développement pour retrouver tous les signes et les symptômes de l'autisme afin de poser un diagnostic. En général, un clinicien spécialiste qui connaît bien ces domaines peut poser le diagnostic simplement sur la base d'une anamnèse qui est extrêmement complète ainsi que sur l'observation de l'enfant, de l'adolescent ou de l'adulte mais dans certaines circonstances, il peut être utile d'avoir un outil structuré sur lequel on peut s'appuyer pour être sûr d'avoir couvert l'ensemble des domaines du développement et de pouvoir finalement quantifier ces symptômes d'une personne à l'autre ou même d'un centre à l'autre si l'on est en train de parler d'un outil qu'on utilise à but de recherche. Pour ce qui est de l'anamnèse, nous avons un outil qui existe qui s'appelle l'ADI, Autism Diagnostic Interview, qui est un outil structuré et pour lequel nous avons la chance d'avoir aujourd'hui Chiara Fiorentini qui est avec nous. Chiara est psychologue et formatrice pour l'outil de l'ADI. Chiara, merci d'être avec nous aujourd'hui. >> Merci à vous. >> Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus par rapport à qu'est-ce que c'est que cet outil de l'ADI? >> Alors comme tu viens de le dire, l'ADI est un outil structuré et plus précisément un outil semi-structuré. C'est un entretien qui a à peu près 90 questions et il est mené avec les parents ou une personne qui s'occupe d'un patient qui est potentiellement atteint d'autisme et qui vise à repérer un maximum de signes qui sont potentiellement associés avec un trouble de spectre autistique. Donc l'ADI en gros est un canevas avec toute une série de questions qu'on va poser de la manière dont elles sont écrites mais avec une marge de manoeuvre pour s'adapter à la situation et qui vise à éliciter chez les parents des exemples de comportement qui pourraient nous amener à détecter un TSA chez leur enfant. >> Mais alors du coup, si c'est un canevas avec un certain nombre de questions, est-ce que ça veut dire que n'importe qui peut le faire passer cet outil? >> Pas vraiment, parce que comme tout outil dans le diagnostic d'un trouble, il faut d'abord connaître très bien ce qu'on cherche. Donc le clinicien doit connaître suffisamment bien l'autisme et les signes associés. Ensuite il doit être aussi un clinicien qui connaît l'outil donc entraîné à administrer et analyser les données de l'ADI et c'est bien cela qui permet au clinicien d'être flexible et d'adapter l'outil en fonction de la situation. >> OK. Alors je te propose qu'on regarde un moment quand tu expliques à ces parents comment est-ce que tu vas faire cet outil à cet entretien. >> Parfait. OK. Alors bonjour. Comme on a discuté, on se voit aujourd'hui pour l'ADI. Vous vous souvenez? On a dit que c'était cet entretien assez long. On va beaucoup parler d'Elie. Vous verrez c'est un entretien qui porte sur plusieurs aspects de son développement et de son comportement. Donc je vais en gros vous poser des questions sur son langage, sa communication, les choses qu'il aime faire, ses jeux, ses activités préférées, comment il est avec les autres enfants. On va vraiment essayer de se souvenir d'un maximum d'exemples de son comportement, des choses que vous avez observées. D'habitude ça nous prend à peu près trois heures, donc je comprends que ça va être assez fatigant et assez long mais ne vous inquiétez pas parce qu'on peut faire des pauses. Donc n'hésitez pas à me dire quand c'est trop ou quand il faut vraiment s'arrêter. Il y a de l'eau si besoin et vous verrez aussi que les questions sont assez précises voire même un peu techniques des fois mais si vous ne comprenez pas, si ce n'est pas clair, n'hésitez pas à demander. Moi je vais expliquer d'une autre façon. Aussi, je vais être peut-être obligée à vous rediriger des fois, si je vois qu'on ne trouve pas exactement ce que je cherche donc je vous demande à l'avance pardon. >> OK. >> Alors on y va. >> On réalise bien que c'est un entretien qui assez long dans lequel tu vas poser un certain nombre de questions. 90 questions, c'est assez détaillé. Ça prend trois à quatre heures. Est-ce que tu peux nous donner un exemple de quelques questions que tu vas poser aux parents? >> Alors l'ADI inclut trois gros axes d'investigation. On a tout ce qui a à voir avec la communication et le comportement social, inclus le jeu. Puis on a les comportements qu'on appelle comportements restreints et répétitifs et ensuite il y a aussi des questions sur le développement précoce et sur tout autre comportement qui pourrait questionner les parents ou les cliniciens. Alors par exemple dans le domaine de la communication, je peux demander si l'enfant d'habitude répond quand on appelle son prénom ou si c'est facile d'obtenir son attention. Dans le domaine du jeu, je peux demander quels sont les jeux préférés de l'enfant, comment il joue, si c'est varié, si c'est approprié à son âge, s'il sait s'organiser tout seul ou bien s'il y a quelques comportements particuliers où les parents le voient revenir et revenir de manière répétitive. Alors on a un peu discuté tout à l'heure, Elie a quelques mots qu'il n'utilise pas très souvent. Donc maintenant j'aimerais savoir comment il vous fait comprendre qu'il veut quelque chose. OK. Alors je vous pose maintenant une autre question. Imaginons que vous entrez dans une pièce. Vous êtes chez vous vous entrez dans une pièce et vous commencez à parler à Elie, sans l'appeler par son prénom. Qu'est-ce qu'il fait là? >> Il me regarde. Je pense. Il sait que j'arrive. Des fois il vient jouer avec moi. Des fois il reste. Il continue ce qu'il était en train de faire. Non? >> Pas tout le temps quand même, sans l'appeler par son prénom. >> Oui. Mais il est un peu petit. C'est normal. >> Alors ce que je veux dire, imaginons que vous ne l'appelez pas. Vous dites quelque chose mais c'est plutôt quelque chose de neutre, comme par exemple, il fait chaud, je vais ouvrir la fenêtre. Donc vous ne vous adressez pas directement à lui. Vous ne lui demandez pas de faire quelque chose. Donc dans ce cas, est-ce qu'il lève les yeux et il vous prête attention? Si on est dans un contexte comme ça? >> Non. Là c'est plus difficile. Non. Je ne pense pas. >> C'est-à-dire? >> Si on ne l'appelle pas par son prénom, et parfois même pas ça, d'insister il ne paie pas attention à nous. Il continue de faire son activité qu'il fait. >> Donc après tout ça, tu as fait presque trois, quatre heures d'entretien qui sont assez complexes avec beaucoup de questions. Tu as toute une série de réponses. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu plus qu'est-ce que tu en fais de ces réponses? >> Donc l'ADI a un algorithme qui va avec, c'est-à-dire que une certaine série de questions ont été identifiée comme les plus parlantes pour emmener à un diagnostic clinique de TSA et ce que nous faisons c'est de prendre les réponses à ces questions de convertir ces réponses dans des scores et d'analyser les scores à l'interne de cet algorithme. Donc évidemment, il y a des manipulations quantitatives et on va finalement voir si l'ensemble de ce comportement dépasse ou pas le seuil clinique pour un TSA. >> Mais du coup, si tu as un certain nombre de scores, tu as un chiffre. Est-ce que ça permet de quantifier la sévérité des symptômes d'autisme? >> Pas vraiment parce que l'ADI n'étais pas conçu de cette manière pour restituer un score de sévérité mais c'est vrai qu'on peut toujours dire que beaucoup de comportements nous parlent d'un TSA assez exprimé, donc assez prononcé probablement chez l'enfant et c'est toujours l'analyse des comportements spécifiques et d'autres paramètres comme le fonctionnement intellectuel, le fonctionnement au quotidien qui donne une mesure de la sévérité du trouble chez l'enfant. >> Mais ce que tu est en train de nous dire aussi c'est que l'algorithme il n'utilise pas l'ensemble des réponses. Tu n'utilises que certaines questions pour pouvoir arriver à ton critère seuil de autisme ou pas d'autisme. Pourquoi on pose toutes ces questions si on n'en utilise que quelques unes à la fin? >> Ça c'est aussi une question que les professionnels se posent parce qu'évidemment c'est un entretien très long à faire passer mais quand elle a été développée et surtout validée, elle a été validée pour l'ensemble des questions et ce n'est pas possible de la raccourcir parce qu'évidemment c'est comme ça que l'outil a montré être efficace et valide. Ça c'est une première raison. La deuxième raison, c'est qu'il y a aussi eu des études scientifiques qui montrent que l'ordre et l'ensemble des questions peut influencer la réponse qui est donnée par les parents. Notamment si une question porte sur l'attention dans la voix et amène le parent à réfléchir à si son enfant répondait ou pas quand on essayait d'attirer son attention, cette réponse aidera ou guidera aussi le parent d'une certaine manière à donner la réponse à des questions successives. >> J'ai une dernière question pour toi Chiara. On parle beaucoup de diagnostiquer très précocement l'autisme, on essaie de pouvoir dire dans les deux premières années de vie, en tout cas entre la première et la deuxième année de vie de pouvoir avoir déjà des signes qui nous permettent d'intervenir plus précocement. Cet outil de l'ADI, tu nous l'as dit, il focalise beaucoup plus sur la période de trois à cinq ans. Comment on fait quand on a un enfant qui est plus jeune que trois ans? >> Oui. Ça c'est une bonne question. Alors lorsque l'ADI a été développé il n'y avait pas autant de diagnostics précoces comme aujourd'hui. Je dirais que l'âge moyen de diagnostic était justement quatre ans, voire plus. Donc sûrement c'est un outil daté qui mérite et qui est en train d'être révisé pour s'adapter au diagnostic précoce. Toutefois, il y a aussi des adaptations qu'on peut faire dans le cadre clinique si on connaît bien le développement des tout-petits. Par exemple, plutôt que dire est-ce qu'il y a des intérêts restreints chez un tout-petit ou des préoccupations particulières, ça va être la manière dont le petit joue ou dans la manière dont il regarde les objets, les touche et les manipule. Ça c'est une première possibilité. La deuxième possibilité, c'est aussi d'utiliser un algorithme développé spécifiquement pour les plus petits qui baisse un peu l'âge pour établir un seuil clinique et que si je ne me trompe pas est déjà valide à partir de deux ans. >> Très bien. Merci beaucoup Chiara. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]