[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans la dernière leçon, nous avons détaillé un petit peu l'évolution des classifications diagnostiques de l'autisme, et dans cette leçon nous allons vraiment prendre le temps de détailler tous les symptômes et la manière dont l'autisme se manifeste. Alors, la première chose qu'on va regarder, c'est le critère qui est les difficultés dans le domaine de l'affect social, c'est-à-dire dans le domaine de la communication, et des interactions sociales. On va détailler ensemble tous ces critères, mais avant ça, je voulais vous dire que c'est important de savoir que ces critères peuvent se manifester de manière différente, en fonction de l'âge de l'enfant, en fonction de son niveau de développement, son niveau de développement intellectuel, de son niveau de développement du langage, et puis aussi en fonction des différents traitements qu'il peut avoir reçus et des stratégies de compensation. Donc il y a vraiment une grande variété, c'est pour ça qu'on va prendre le temps de regarder tous ces symptômes les uns après les autres. C'est aussi important de savoir que ces symptômes, on peut les recueillir soit selon ce qu'on appelle l'anamnèse, c'est-à-dire en interrogeant les parents ou la personne elle-même sur comment est-ce qu'elle voit ses difficultés par rapport à son entourage social, soit selon l'observation clinique c'est-à-dire soit ce qu'on voit, nous, dans le cabinet de pédopsychiatrie, ou alors ce qu'on peut voir quand on va observer la personne dans son milieu quotidien c'est-à-dire à domicile, en crèche, ou à l'école. Alors, on va détailler ensemble quatre points qui sont dans cette lignée du domaine de l'affect social. Le premier point qu'on va regarder ensemble, c'est vraiment le langage. Le langage est souvent altéré chez les personnes qui ont un trouble du spectre de l'autisme et ça c'est quelque chose qui rentre dans les deux critères. Ce premier critère de difficulté dans le domaine de l'affect social, et qui rentrera aussi pour la partie répétitive dans le deuxième critère que verrons dans la leçon suivante, qui est la partie du caractère restreint et répétitif de certaines activités ou de certains comportements. Pour ce qui est de ce premier critère diagnostique, la manière dans laquelle le langage rentre en cause, c'est comment est-ce que le langage est utilisé comme un outil de communication? Alors, ce que les parents nous racontent souvent quand l'enfant a un an et demi, deux ans, c'est que finalement leur enfant utilise encore très peu de mots pour communiquer. Ou alors si l'enfant est un peu plus grand, à trois, quatre ans, qu'il commence tout juste à combiner quelques mots, ou qu'il apprend encore à développer le langage. Donc ici, on peut voir qu'il y a soit une absence de langage, soit un retard de langage, et que c'est vraiment l'utilisation du langage comme un outil de communication qui est altéré. C'est-à-dire que certaines fois, certains parents nous racontent que leur enfant connaît énormément de mots, mais n'utilisent pas ces mots pour demander. Par exemple, il peut connaître des génériques entiers, des chansons entières, mais au moment où il a faim ou soif, il ne va pas réussir à utiliser le mot à boire, biberon, eau, pain, ou manger, ou quoi que ce soit, pour vraiment se faire comprendre et puis, qu'il puisse effectuer cette demande auprès de ses parents ou de son entourage. Pour certains enfants, ces difficultés dans le développement du langage, elles peuvent persister quand l'enfant grandit, c'est-à-dire que certains enfants vont finalement développer quand même un registre très limité de langage. Ces enfants que l'on appelle en anglais [ETRANGER], donc qui ont très peu de langage, restent une proportion peu importante. On n'a pas de chiffres exacts, mais on espère qu'avec toutes les méthodes d'intervention précoce en autisme qui vraiment soutiennent le développement des compétences de communication et du langage, la proportion du nombre d'enfants qui ont un problème de langage va diminuer. Cela étant dit, c'est une réalité et c'est quelque chose qui reste chez certains adolescents ou adultes qui ont très peu de moyens pour communiquer sur le plan du langage. Pour les autres enfants ou adolescents qui développent un langage, c'est des fois la manière dont ils utilisent le langage qui peut être un petit peu différente, c'est-à-dire qu'il peut avoir plus de difficulté à en comprendre le sens parfois, et en particulier si ce sens il a une certaine dose d'implicite, c'est-à-dire qu'ils ont vraiment besoin que ce langage soit explicité de manière littérale. Par exemple de la peine à comprendre quand il y a de l'ironie dans une proposition, ou alors des expressions qui peuvent être relativement imagées, qui sont difficiles à comprendre pour eux, parce que ils les comprennent vraiment sur le sens littéral. Des choses qui sont plus nuancées peuvent être aussi difficiles à comprendre pour ces enfants ou ces adolescents ou encore ces adultes qui sont sur le spectre. On peut d'ailleurs trouver certaines personnes sur le spectre dont on a vraiment l'impression qu'elles utilisent un langage qui est vraiment châtié, c'est-à-dire comme dans un livre, et qu'elles parlent d'une manière qui est comme s'ils étaient entrain d'écrire, qui n'est pas forcément toujours adapté par rapport au contexte et aux interactions sociales qu'ils peuvent avoir avec les autres à ce moment-là. Alors, avant de passer à un autre symptôme dans la lignée du domaine de l'affect social, je voulais vous montrer une vidéo d'un enfant qui a trois ans, et qui est dans le contexte de l'évolution avec un psychologue, et on peut voir vraiment le développement de son langage. Vous allez voir que dans cette séquence, la psychologue introduit une activité que l'enfant aime beaucoup, c'est-à-dire qu'elle gonfle un ballon et puis ensuite elle le lâche. Regardez bien comment est-ce que cet enfant va faire pour redemander cette activité qui lui plait. >> Donne. >> Merci Balyan >> Encore. >> [ETRANGER] [BRUIT] [BRUIT] >> Encore. >> Attention. >> Encore! >> Prêt? >> Encore. [BRUIT] >> Partez! [INCOMPREHENSIBLE] Tombé. >> Donne. [INAUDIBLE] >> Alors, ce qui me frappe sur cette vidéo d'un enfant qui a tout juste trois ans, c'est finalement qu'il utilise relativement peu de langage. Vous avez vu qu'il utilise très peu de mots et commence tout juste à les combiner. Donc ça c'est quelque chose qu'on voit sur cette vidéo, mais c'est aussi quelque chose que ses parents nous rapportent, et une des raisons pour lesquelles ses parents consultent. L'autre chose qui frappe c'est que dans sa manière d'utiliser le langage, il utilise par exemple une intonation qui est un petit peu particulière, quand il répète plusieurs fois encore, encore, avec une voix comme ça assez montante, on sent qu'il y a quelque chose de répétitif et d'un petit peu étrange dans l'intonation. Et puis finalement, une autre chose qui est frappante, c'est qu'au moment où il redemande l'activité, il va ramener le ballon vers la psychologue pour qu'elle le relance, mais au lieu de dire tient, vous avez vu qu'il lui dit donne. C'est comme si finalement à chaque fois qu'on demande à cet enfant de donner quelque chose il entend le mot donne, on lui tend la main, et donc lui finalement c'est le mot qu'il reproduit au moment où lui-même fait cette activité c'est-à-dire que au lieu de dire tient, il dit donne. Alors le deuxième point dans cette ligne de symptômes, les difficultés de l'affect social, c'est vraiment la réciprocité dans les échanges et dans les émotions. La première chose que les parents peuvent nous raconter quand ils viennent nous voir, c'est que par exemple ils ont l'impression que leur enfant initie peu les interactions c'est-à-dire qu'il va peu aller vers eux pour leur montrer des choses, pour leur demander, et c'est aussi un enfant qui parfois va peu aller vers les autres, par exemple au parc pour jouer, ou dans un contexte à la crèche ou à l'école. Donc il va vraiment avoir moins d'initiation et d'envie d'entrer en contact avec les autres personnes. Chez un enfant plus grand, ça peut se manifester ou chez un adolescent ou un adulte par des difficultés finalement à entamer une conversation avec l'autre, ne pas savoir quoi dire pour commencer une conversation, et puis comment la continuer. Un autre symptôme encore selon la ligne de cette réciprocité sociale et émotionnelle c'est vraiment le partage des émotions. Par exemple, les parents peuvent des fois nous raconter qu'ils ont des difficultés à lire les différentes émotions sur le visage de leur enfant. C'est comme si l'enfant avait un visage plus lisse et qu'il n'arrivait pas à reconnaître des émotions subtiles, comme par exemple la surprise, le dégoût, la colère, des choses comme ça. Ça ne veut pas dire qu'ils n'arrivent jamais à voir des émotions sur le visage de leur enfant, mais que ces émotions peuvent parfois être plus extrêmes, ou plus difficiles à identifier dans leur subtilité. Encore une fois, il ne s'agit vraiment pas de quelque chose que tous les parents rapportent et chacun des symptômes qu'on discute ensemble sont vraiment des choses qui peuvent se manifester de manière différente d'une personne à l'autre, mais qui sont des choses que nous devons rechercher chez l'ensemble des personnes qui consultent pour un trouble du spectre de l'autisme. De la même manière que le partage des émotions est quelque chose qui peut être difficile pour ces personnes qui sont sur le spectre, on a aussi un partage des intérêts qui est quelque chose qui peut être altéré. C'est-à-dire que chez le petit enfant, ça va se manifester probablement par des difficultés ou moins de capacités à montrer des choses, par exemple pointer pour montrer son intérêt, et puis chez des enfants qui grandissent et qui développent une communication, ça va être peut-être une conversation qui va tendre à être plus unilatérale avec moins de réciprocité, moins d'aller-retour dans les sujets entre les deux personnes. Et finalement, chez les adolescents ou les adultes qui ont développé un bon langage, ce qu'on peut encore voir comme difficulté dans la réciprocité socio-émotionnelle, c'est aussi des difficultés à comprendre les implicites selon les règles sociales, c'est-à-dire ne pas savoir toujours comment se situer dans les contextes sociaux compliqués. Par exemple, autour de conversations, qu'est-ce qu'on peut dire, qu'est-ce qu'on ne peut pas dire? Quelles sont les choses qui ne sont pas toujours explicitées dans notre vie de tous les jours mais qui paraissent intuitives pour les personnes qui ne sont pas sur le spectre, ou que les personnes qui sont sur le spectre doivent commencer à apprendre, développer des stratégies de compensation pour pouvoir finalement avoir des conversations qui soient plus fluides et des interactions avec les autres qui seront finalement plus typiques. Alors, le troisième point dans cette lignée de symptômes du domaine de l'affect social, c'est vraiment quelque chose qui est dans l'intégration entre le langage corporel et puis le langage parlé, et puis aussi le contact visuel. Quand on parle, il y a vraiment tout un langage qui est aussi un langage du corps, de comment est-ce que notre corps soutient ce qu'on est en train de dire sur le plan des émotions, sur le plan finalement de l'affect et du domaine affectif qui passe au moment d'une conversation. Alors ça, ça se manifeste de plusieurs manières. D'une manière, ça pourrait être sur le plan du contact visuel. Donc c'est vraiment quelque chose qui est souvent rapporté par les personnes qui pensent que finalement l'autisme, c'est juste ne pas regarder dans les yeux. Alors, ça peut être vrai. Certaines personnes avec autisme regardent moins dans les yeux, mais c'est surtout dans la subtilité de la modulation du regard qu'il peut y avoir quelque chose qui est différent, c'est-à-dire que le regard peut être difficile à soutenir ou au contraire il peut être très direct et finalement peu modulé. C'est aussi comme par exemple quand on discute ou quand on fait des demandes, une intégration de ce regard avec tout le langage gestuel, vraiment la manière dont ils utilisent les gestes pour soutenir la conversation et puis avec ce qu'on est entrain de dire. Donc chez le petit enfant, ça peut se manifester par le fait que par exemple un petit enfant quand il pointe quelque chose, il va regarder la personne, regarder ce qu'il pointe, et parfois aussi vocaliser, donc c'est vraiment une intégration de ces trois choses entre elles. Le regard, les gestes et puis aussi vraiment la vocalisation qui va avec, qui fait que on arrive à avoir quelque chose qui finalement a une vue cohérente à un moment donné. C'est des personnes qui sont sur le spectre, quand elles grandissent, cette intégration est toujours difficile pour eux, en tout cas difficile pour la plupart d'entre eux. Et c'est ça qui peut donner l'impression que finalement il y a quelque chose de non coordonné entre les deux qui peut paraître un petit peu plaqué ou exagéré dans cette intégration entre l'aspect du corps et puis finalement de ce qui est dit, donc le contenu du langage. Finalement le dernier point dans ce domaine de l'affect social ça peut être la difficulté à comprendre et à maintenir des relations sociales. Donc, ce que les parents peuvent parfois nous dire quand ils consultent pour la première fois avec leur enfant de un an et demi, deux ans, deux ans et demi, c'est que cet enfant il rentre moins dans les routines de jeux. À cet âge là, les enfants adorent certains jeux de coucou caché, de comptines dans lesquelles on est en train de chanter une chanson et vous initiez ces choses-là en venant vers l'adulte pour redemander un jeu qui leur plaît. Donc ça c'est quelque chose qu'on peut voir chez le petit, et puis c'est quelque chose qu'on peut voir après chez l'enfant et l'adolescent comme je vous l'ai dit auparavant, moins d'initiation des conversations, moins aller vers les autres pour jouer, on peut aussi voir que le jeu finalement manque de flexibilité, c'est-à-dire qu'à partir de l'âge de deux, trois ans, on s'attend à voir un certain jeu de faire semblant, et et puis qu'après plus l'enfant grandit, plus ce jeu de faire semblant évolue dans son contenu et dans ses scénarios, et on voit que les personnes qui sont sur le spectre, ce n'est pas qu'ils n'ont pas de jeu de faire semblant, mais il peut y avoir moins de flexibilité là-dedans c'est-à-dire que le jeu peut être plus répétitif, avec moins de créativité dans son scénario. On peut aussi voir que quand les enfants jouent entre eux, finalement ils ont besoin de plus de rigidité dans les règles. Les règles sont toujours les mêmes. Il y a plus de difficultés à rentrer dans un jeu qui soit fluide en acceptant les règles des autres enfants. Et puis finalement chez des personnes qui grandissent, des adolescents ou des adultes, c'est de nouveau toute cette difficulté à comprendre les relations subtiles sociales, les relations sociales subtiles, pardon, et puis tout ce qu'il se passe au niveau de l'implicite dans le domaine social. En conclusion, nous avons vu que les symptômes selon le domaine de l'affect social, sont finalement des symptômes qui se manifestent de manières extrêmement variées dans plusieurs domaines. On peut les observer dans des contextes vraiment variés aussi, que ce soit dans le quotidien de la personne, dans ses interactions avec sa famille, avec ses proches, dans ses interactions au niveau professionnel ou au niveau scolaire si c'est un enfant plus jeune. Donc il y a vraiment quelque chose qui est extrêmement varié qu'il est important de rechercher auprès de la personne elle-même, auprès de ses parents, et de pouvoir quantifier aussi d'une certaine manière. La manière dont on va quantifier ces difficultés sociales sont quelque chose qu'on pourra voir dans le module suivant. [MUSIQUE] [MUSIQUE]