[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans notre différent tour d'horizon des différents examens complémentaires qui sont nécessaires et indiqués une fois qu'on a posé un diagnostic de TSA, je vous propose maintenant qu'on se penche sur l'apport de la génétique médicale. Pour ça nous sommes venus en cabinet rencontrer la doctoresse Emmanuelle Ranza qui est spécialiste en génétique médicale et qui s'intéresse particulièrement aux troubles du développement. Bonjour Emmanuelle. >> Bonjour. >> Est-ce que tu peux nous dire un petit peu pourquoi est-ce qu'on fait un bilan génétique chez un enfant, un adolescent ou un adulte qui aurait reçu un diagnostic? >> On sait que le TSA a des bases génétiques. On distingue classiquement les formes mendéliennes, c'est-à -dire les formes qui sont liées à un facteur génétique fort, invariant, avec un impact important. Par exemple, les différents types de variants qu'on peut trouver sont les variations du nombre de copies, ce qu'on appelle en anglais Copy Number Variants, ou des variants ponctuels dans un gène qu'on appelle single-nucleotide variants. Par opposition, il y a certaines formes de TSA qui sont d'origine complexe, c'est-à -dire polygénique avec une sorte de terrain génétique, une multitude de variants d'impact faible qui combinés à des facteurs environnementaux vont mener à des symptômes. Cliniquement c'est difficile de faire la distinction entre les deux. Donc c'est aussi les tests génétiques qui nous permettent de voir si on peut retrouver une cause, un facteur unique. >> OK. Mais ça veut dire que concrètement tu fais un bilan génétique chez tout le monde ou plutôt chez une personne plutôt qu'une autre? >> Alors c'est quelque chose qu'on discute avec tous les patients. Après ce qui change, c'est la probabilité de trouver une variation. Les tests qu'on a actuellement permettent de détecter les formes mendéliennes. On n'a pas de test qui permet de rechercher les variants polygéniques. Donc c'est chez les patients chez qui on a des signes associés, un trouble du spectre autistique plus une déficience intellectuelle, des signes physiques particuliers, des malformations, des signes neurologiques, une épilepsie, s'il y a une micro, une macrocéphalie, s'il y a une histoire familiale fortement positive, la probabilité de détecter une cause mendélienne est plus grande. Après l'histoire familiale positive, ça c'est aussi quelque chose qui est important à souligner, n'est pas forcément nécessaire dans le sens ou les troubles du développement d'origine mendélienne sont le plus fréquemment nouveaux chez l'enfant. C'est ce qu'on appelle de novo en génétique et ne sont pas présents chez les parents. Donc il n'y a pas forcément une histoire familiale positive. >> OK. Concrètement comment ça se passe quand tu reçois les familles? Comment est-ce que ça se passe une consultation génétique médicale? >> D'abord, on commence toujours par une histoire de la famille. Ensuite on fait une anamnèse personnelle de l'enfant ou de la personne atteinte. On fait un examen clinique où on voit si on peut trouver des petites particularités morphologiques qui peuvent nous orienter vers une cause ou une autre. Après on passe au vrai conseil génétique où on discute avec les familles quels tests on peut réaliser, quels types de variations on peut trouver, quelles sont les implications personnelles, familiales si on découvre un variant. On parle aussi des possibilités de découvrir des prédispositions pour d'autres maladies, ce qu'on appelle des variants fortuits ou la possibilité de trouver des variants difficiles à interpréter qu'on appelle de signification clinique inconnue. À la fin de la consultation, on fait signer un consentement si les parents souhaitent procéder avec la démarche diagnostique. >> La démarche diagnostique c'est quoi? Comment ça marche? >> Depuis dix ans, il y a eu d'énormes changements en génétique et c'est vrai qu'on commence toujours par faire ce qu'on appelle un array CGH, c'est-à -dire qu'on recherche ces fameuses variations du nombre de copies. Ensuite, on fait en général aussi une recherche du syndrome de l'X fragile. Si on n'a pas retrouvé de cause et que les parents souhaitent poursuivre alors on propose l'analyse par séquençage à haut débit d'un panel de gènes impliqués dans les troubles du développement et du spectre autistique. >> C'est quoi le séquençage à haut débit? >> Le séquençage à haut débit, c'est une technologie qui a révolutionné la génétique clinique. On peut au cours d'un seul test analyser simultanément un grand nombre de gènes. Avant, on avait besoin d'avoir une hypothèse diagnostique pour pouvoir avancer et on faisait les analyses gène après gène ce qui prenait du temps, ce qui était coûteux. Avec le séquençage à haut débit, on peut faire en une analyse l'analyse parfois de plus de 1 500 gènes et ça a diminué les coûts de l'analyse, les temps de la démarche et ça a augmenté le rendement diagnostique parce qu'on peut analyser beaucoup de gènes en un seul temps. >> Rendement diagnostic, ça veut dire quel est le pourcentage d'enfants chez qui on retrouve quelque chose? >> Oui. >> Chez toi, tu dirais de ton expérience tu retrouves quelque chose chez combien d'enfants, adolescents ou adultes ?>> La littérature dit que quand on a un trouble du spectre autistique associé aux signes que j'ai mentionnés précédemment la probabilité de trouver quelque chose à l'array CGH est à peut près 10 à 15 % et celle de retrouver un variant pathogénique, c'est-à -dire causatif au séquençage à haut débit est de 25 à 30 %. Quand on a un trouble du spectre autistique isolé, sans déficience intellectuelle, la probabilité de trouver est moins grande parce qu'on postule que les bases génétiques de ce type de trouble de spectre autistique sont plutôt multifactorielles, polygéniques et environnementales. >> Mais quand tu ne trouves rien, est-ce qu'on s'arrête là ? Ça veut dire qu'on ne trouvera jamais rien? >> Non. On propose toujours quand il y a un résultat positif ou négatif, on propose toujours de suivre les familles parce que c'est vrai qu'on voit qu'il y a eu des progrès énormes autour des dix dernières années. Ça va être le cas dans les années futures. Donc on propose toujours de revoir les familles tous les 18 mois à peu près pour refaire le point sur ce qui est possible de faire en plus. >> Concrètement à la fin qu'est-ce que ça apporte à ces familles? >> Ce que ça amène c'est, ça permet de fournir un diagnostic, ce qui est important pour adapter la prise en charge de l'enfant. Ça permet d'adapter la prise en charge au sens large. On voit maintenant qu'en fonction du gène, de la mutation et de quel gène est impliqué, il peut y avoir des traitements par exemple pour les troubles du comportement qui peuvent être plus efficaces que d'autres. Tu as vu l'exemple de SHANK3 et du lithium. On sait aussi que certains gènes peuvent être associés à des symptômes qui apparaissent plus tard. Par exemple le gène PTEN peut faire un trouble du spectre autistique et une prédisposition à certains cancers. Donc ça vaut la peine ensuite d'instaurer un suivi spécifique. Ça permet aussi d'arrêter les investigations complémentaires. C'est vrai que quand il y a un trouble du développement, les enfants ont beaucoup d'examens, soit de sang ou radiologiques, IRM. Le fait d'avoir un diagnostic, ça permet aussi de canaliser ces examens-là et d'éviter de répéter ces examens qui peuvent être parfois invasifs et coûteux. >> Pour la famille, j'imagine que c'est aussi une réponse importante. >> C'est vrai que c'est crucial pour les familles d'avoir ce type d'information. On a très souvent lors de la consultation génétique des parents qui disent mais est-ce qu'on a fait quelque chose de particulier? Il y a des questions par rapport à la grossesse, par rapport à l'accouchement et souvent quand on annonce un diagnostic, les familles sont quelque part rassurées quand au fait que ce n'est pas quelque chose qu'elles ont fait ou pas fait et que c'était déjà présent chez l'enfant de manière constitutionnelle dès la conception. >> Mais ça ça veut dire que concrètement il y a un risque plus élevé pour les les enfants suivants? >> C'est aussi une question qui est posée par les parents. Le fait d'avoir un diagnostic moléculaire nous permet de dire s'il y a un risque plus important pour un futur enfant. Quand on a la cause moléculaire, la mutation, on peut ensuite proposer si on a identifié un risque augmenté, un diagnostic prénatal ou préimplantatoire si le risque est élevé. >> OK. Donc c'est vraiment important tu nous l'as dit de pouvoir faire ce bilan parce que ça apporte beaucoup de choses pour les familles. En tout cas merci pour toutes ces informations. >> Merci. [MUSIQUE] [MUSIQUE]