[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bienvenue dans cette leçon où nous allons nous pencher dans un premier temps sur la contribution de Leo Kanner dans les années 40, sur son travail au cours des 30 années qui ont suivi pour faire reconnaître l'autisme infantile, et enfin toute l'ère post Kanner dans les années 70, où on a vraiment vu l'avènement des critères diagnostiques de l'autisme infantile. Qui était donc Kanner? Kanner est un jeune médecin austro-hongrois qui a fait ses études de médecine à Berlin, et en 1924, il a émigré aux États-Unis. Et c'est seulement aux États-Unis qu'il a commencé à s'intéresser à la pédiatrie et à la psychiatrie. Il a attiré l'intérêt de ses supérieurs tellement qu'il a été nommé chef du premier centre pédopsychiatrique de l'hôpital Johns Hopkins à Baltimore. S'en est suivi un écrit sur la psychiatrie de l'enfant. Aujourd'hui, Kanner est reconnu aux États-Unis comme le père de la pédopsychiatrie. Kanner est un militant dans l'âme qui voulait vraiment adapter un soin spécifique aux enfants. Par ailleurs, au cours des années 30, il a développé un intérêt particulier pour les enfants qu'il nommera autistes de l'enfance. Dans ce module, vous avez comme lecture proposée la description des 11 cas décrits par Kanner en 1943. Et j'aimerais avec vous souligner un certain nombre de signes pathognomoniques, un mot très compliqué pour dire des signes qui sont spécifiques à une maladie, signes donc que Kanner avait proposés comme étant spécifiques à cette nouvelle entité qu'il proposait, jusque-là jamais décrite, disait-il, l'autisme infantile. Mais prenons notre loupe contemporaine pour examiner ses propositions, et divisons ses propositions en observations qui ont trait à la communication, en observations qui ont trait aux interactions sociales, et enfin aux observations qui ont davantage trait aux aspects des intérêts restreints. Commençons par la communication. Qu'est-ce que Kanner nous dit dans la description de ces cas? Il nous dit qu'il y a des particularités de cette communication, qu'il y a des répétitions, des actes et des paroles qui sont monotones, ou qu'il y a de l'écholalie retardée, cette répétition retardée des sons et des paroles. Kanner avait bien identifié l'inversion des pronoms personnels, du je pour le tu, et du tu pour le je chez certains de ces patients. Il avait aussi dégagé que dans la communication, à l'individu avec autisme infantile, la compréhension des fois était très littérale chez l'enfant. On peut penser à un exemple comme : si on demandait à un enfant de lire un passage à voix haute, l'enfant lirait le passage en criant, avec une voix très haute, donc une compréhension littérale au niveau de la sphère de la communication. Ensuite, penchons-nous sur la description des interactions sociales particulières des 11 cas décrits par Kanner. Dans un premier temps, j'aimerais souligner le titre qui est une difficulté à établir un lien affectif avec l'autre, et Kanner conceptualise l'autisme comme un problème affectif d'abord et avant tout. Et c'est dans sa description des interactions sociales qu'on peut le voir aussi, quand il dit par exemple que ces enfants ont une incapacité à établir des relations, qu'ils ont un échec à adopter une attitude anticipatrice lors de l'initiation d'une interaction. Prenez l'exemple suivant. Un enfant est dans sa chambre. Il entend son parent arriver, passer la porte, se diriger vers lui, et l'enfant ne se retourne pas, ne fait pas de geste d'anticipation de l'entrée en communication. C'est quelque chose que Kanner avait décrit. Il avait décrit effectivement aussi que ces enfants avaient un mode de relation avec les personnes qui était pour lui totalement différent des autres. Il donne l'exemple de la peur de l'épingle. Un enfant qui va chez un médecin et le médecin qui veut prélever un peu de sang va utiliser une épingle pour obtenir une goutte de sang. L'enfant à développement typique va ensuite développer une peur du médecin. Tandis que chez l'enfant avec autisme, Kanner avait observé que l'enfant avec autisme va développer une peur de l'épingle, comme si elle était dissociée de la personne qui avait utilisé cette épingle. Donc, il décrit de manière assez claire toutes les particularités des interactions sociales de l'enfant, qui pour lui mènent à ce problème d'établissement d'un lien affectif avec autrui. En troisième lieu, Kanner avait observé la restriction de la sphère d'intérêt des enfants qu'il a décrits, notamment autour de la limitation, dit-il, dans la variété de l'activité spontanée, qui signifie finalement un manque de curiosité ou d'intérêt pour la nouveauté, peut-être une fixation plus grande autour d'intérêts plus spécifiques. Il a aussi souligné ce qu'il appelait l'obsession anxieuse de la permanence, c'est-à-dire cette sensibilité très importante qu'ont les individus avec autisme à la permanence des objets qui structurent leur environnement perceptif et à l'émotionalité que génère un changement par exemple dans la décoration de leur chambre ou de leur appartement ou de leur maison. Bien sûr, toutes les observations de Kanner ne sont pas justes. Il avait estimé notamment qu'ils avaient tous d'excellentes facultés de mémorisation, de bonnes facultés cognitives, ce qui, on le sait aujourd'hui, est faux. Il avait aussi estimé que ces enfants étaient d'emblée dans un repli autistique. Or aujourd'hui, nous savons effectivement que ces signes vont apparaître peut-être dans la première année, mais surtout entre la première et la deuxième année. Il avait certaines phrases un peu peut-être exagérées. Il disait, leur visage donne à la fois l'impression d'une grande profondeur d'esprit, et lorsqu'ils sont en présence d'autrui, d'une tension anxieuse. Ils sont tous issus de familles extrêmement intelligentes. Encore une fois, ce qui est faux. Mais Kanner, comme plusieurs dans sa position très hiérarchique, avait finalement un biais de recrutement. C'est-à-dire que pour avoir accès au docteur Kanner, il fallait faire en tant que famille toute une série d'entretiens préliminaires pour pouvoir finalement être reçu par le docteur Kanner, et c'est souvent les familles les plus aisées qui pouvaient se permettre de franchir toutes ces étapes pour finalement arriver dans sa consultation. Pour conclure, peut-être avez-vous perçu que l'approche de Kanner était différente de celles de ses contemporains soit psychanalystes, soit bleulériens. Kanner adopte une approche qu'on pourrait nommer de clinique phénoménologique, c'est-à-dire qu'il va observer les phénomènes et les comportements pour en dégager les signes spécifiques. Il va s'interdire de présumer que l'autisme a une activité hallucinatoire. Il va aussi proposer que cette souffrance est présente d'emblée, dès le début de la vie. Et donc, son approche se distingue de l'approche traditionnelle en psychiatrie, et de par son influence en pédopsychiatrie, il aura une énorme influence sur ses pairs, sur les recherches aussi qui seront menées au cours des années 50, 60 et 70. Ainsi, avec cette publication en 1943, il lance un intérêt particulier pour l'autisme infantile, et le travail qui suivra sera un travail de caractérisation des différences entre la schizophrénie infantile et l'autisme infantile. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]