[MUSIQUE] [MUSIQUE} Dans la continuité de la séquence précédente, nous avons aujourd'hui, comme invité, le professeur Joaquin Fuentes. Le professeur Joaquin Fuentes est professeur en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à Saint-Sébastien au Pays basque. Il est également expert en autisme sur le Board de la Société européenne de pédopsychiatrie et affilié à Autisme Europe. Joaquin pourriez-vous nous expliquer les principaux changements survenus entre les DSM-IV et 5 en ce qui concerne le diagnostic des TSA ? Oui, bien sûr. Merci pour l’opportunité de partager ces sujets avec vous. Je pense qu’il y a plusieurs aspects très importants. L’un d’entre eux est que les symptômes du diagnostic ont changé, ils n’ont pas été modifiés dans leur globalité, mais ils ont été regroupés. Il y avait essentiellement les mêmes symptômes. Au lieu d’avoir trois différents groupes de symptômes, ils ont été mélangés en deux groupes, un qui concerne la communication et l’interaction sociale, et l’autre concerne les comportements restreints et répétitifs, ainsi que les stimulations et intérêts sensoriels. C’est une classification plus simple en ce qui concerne le fait d’avoir seulement deux groupes de symptômes. Je pense que c’est important d’autant que, le DSM-5 vous permet de spécifier la sévérité du trouble avec une échelle de 1 à 3. Le niveau 3 regroupe les personnes qui ont le plus besoin de soutien, 2 est un niveau intermédiaire, et le 1 concerne les personnes qui ont le moins besoin de soutien. Finalement, vous avez l’occasion de préciser si la personne a un déficit intellectuel, un retard de langage, ou un autre problème médical ou syndrome génétique. C’est une façon très cohérente, je pense de faire du diagnostic de l’autisme, un Trouble du spectre de l’autisme. Nous sommes vraiment passés d’une constellation de troubles, dont le syndrome d’Asperger et les troubles envahissants du développement à un seul diagnostic. Quelle était la raison principale de ces changements du DSM-IV à 5 ? Fondamentalement, la raison était d’augmenter la spécificité du diagnostic. Le problème, était que quelqu’un pouvait être diagnostiqué comme ayant le syndrome d’Asperger à Bilbao, l’autisme à Paris, et un trouble envahissant du développement à Genève. Alors qu’il s’agit de la même personne, et cela a été prouvé. Il s’est avéré qu’il y avait un impressionnant manque de stabilité du diagnostic. L’idée principale était d’augmenter la spécificité et de diminuer les faux positifs, et ils ont été capables de le faire. Ils ont eu du succès de l’avoir fait car les études qui ont suivi ont prouvé que c’était le cas. C’est bien sûr un avantage énorme pour accroître l’uniformité et la fiabilité du diagnostic. Y avait-il d’autres avantages escomptés ? Eh bien, je pense qu’il y a un autre avantage et il est très important. La manière dont les symptômes sont présentés maintenant est similaire à celle de la future CIM-11. En d'autres termes, les gens diagnostiqués avec le DSM-5 seront diagnostiqués exactement de la même manière avec la CIM-11 en 2020. C'est là qu'ils ont commencé, et c'est très important parce qu'il y a de nombreux pays qui officiellement suivent la classification CIM-10,11. Au lieu d'avoir deux classifications dans le monde entier, nous allons en avoir une similaire. Je pense que ça sera bénéfique Pour les patients, chercheurs, et cliniciens. Il y a un débat à ce sujet. Donc vous nous avez parlé des avantages. Pensez-vous qu'il y ait certaines limitations ou certains coûts liés à ces changements ? Oui. Honnêtement, je pense qu'il y a des problèmes qui ont été laissés de côté. L'un d'eux est le syndrome de Rett. Le syndrome de Rett sera bientôt inconnu de la plupart de nos jeunes collègues, parce que maintenant il ne figure plus dans le manuel des classifications. Tant qu’il était dans le manuel, les gens le connaissaient. L'autre est le trouble désintégratif, qui a aussi été éliminé. C’est peu fréquent mais Il y a toujours des personnes qui peuvent être diagnostiquées et très souvent, ils ont des problèmes très graves de troubles épileptiques. Il y a donc de vraies conséquences pour eux. Pour moi, le plus délicat c'est qu'ils ont inventé un nouveau diagnostic appelé le Trouble de la communication sociale pragmatique, ce qui représente 50 pourcents des symptômes de l'autisme. Honnêtement, je pense qu'ils appartiennent à la même limite. Ce qui me préoccupe, c'est que c’est positif pour la recherche, parce que c'est plus spécifique, et il y aura moins de faux positifs, ce qui signifie que les personnes atteintes de ce Trouble de communication sociale pragmatique ne bénéficieront pas, et n'auront pas accès au méthodologies dont nous savons qu'elles sont efficaces pour les Troubles du spectre de l’autisme. C'est donc à nous de décider, mais vous devez être conscients de ces limitations. Nous sommes donc au DSM-5. Qu'est-ce que vous imaginez pour l'avenir, et si vous étiez appelé à la conception du DSM-6 ? Eh bien, je pense que cela prend beaucoup de temps parce qu'à chaque fois qu’il y a un changement les Américains font des changements rapides mais pour l’Organisation Mondiale de la Santé, il faut des années pour appliquer ces changements parce que tous les pays doivent être d'accord là -dessus. J'espère qu'il n'y aura pas de changements dans un avenir proche. Je pense qu'il y aura des possibilités d’apporter plus de précisions, d’ajouter différentes spécificités génétiques et médicales associées. Je pense qu'il n’y aura peut-être pas beaucoup de changements. J'espère qu'ils ne vont pas tout changer tout de suite, parce que c'est compliqué pour la recherche, lorsque vous faites de la recherche et vous essayez d'établir des conclusions sur une étude de groupes classés avec une classification, et que vous l'appliquez à une autre qui est différente, les choses commencent à être instables. Je trouve qu'on a besoin de sécurité. Autre chose à laquelle nous devrions penser lorsque nous parlons de diagnostic et de question d'éthique et de morale clinique ? Eh bien, je pense que oui. Je pense que l’aspect le plus important sera d'aller au-delà du diagnostic, pour personnaliser la réflexion. Les personnes avec un Trouble du Spectre de l’autisme partagent des symptômes, mais ils sont différents pour tout le reste. Il est très important d’individualiser après le diagnostic, le diagnostic ne vous dit pas quoi faire. Il vous rend attentifs à certains aspects chez cette personne, il faut évaluer l'impact des caractéristiques personnelles, les besoins éducatifs, la situation familiale, tous ces différents aspects, et ensuite vous préparez le menu. Ce n'est pas le menu du jour. Chaque personne a un menu différent. C'est vraiment important. Un problème qui arrive souvent c'est que maintenant vous voyez la classification comme des instruments. Disons que l’ADI est positif, l’ADOS est positif, et vous vous dites que c'est de l'autisme. Ce n'est pas vrai. Ces instruments sont pour la recherche, et ils ne donnent pas le diagnostic. Le diagnostic d'autisme c’est un clinicien qui fait un diagnostic clinique. Les instruments sont donc excellents, mais le savoir, l'expérience et la connaissance du clinicien est essentiel. Nous devons donner de l'importance à cela, pas seulement au DSM, mais à l'expérience et la responsabilité que nous avons. Finalement, je pense qu'il y a deux domaines qui ne sont pas très bien couverts. l'un est le diagnostic à l'âge adulte. Nous savons que les personnes atteintes de troubles autistiques changent tout au long de leur vie, et très souvent, les symptômes diminuent avec l’âge. Nous n'avons pas de critères pour les adultes. Donc je pense que ce serait important de développer des critères pour les adultes et également des critères pour les femmes. Nous avons de nouvelles études qui montrent que les Troubles du spectre de l’autisme pourraient être différents chez les femmes que chez les hommes. Cette classification est faite pour les hommes. Ce qui ne veut pas dire qu’elle s'applique facilement aux femmes. Donc je pense que nous devons être vigilants à ce sujet. Joaquin, merci pour vos commentaires très perspicaces et contributions. C’est mon plaisir, c’est mon plaisir, merci beaucoup.