[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans cette vidéo, on va parler cette fois du diagnostic différentiel entre la déficience intellectuelle et le TSA, ou entre le retard global de développement et le TSA. Surtout dans une population consultante avec des jeunes enfants, ça va vraiment être une des situations qu'on va le plus fréquemment rencontrer. Par exemple, on peut prendre l'exemple du jeune Lucas qui a deux ans, qui vient en consultation avec ses parents, et ses parents sont très inquiets parce qu'il n'a pas encore commencé à développer de langage et donc ils se demandent quelle peut être la difficulté que présente Lucas. Ça, ça va vraiment être un exemple de situation prototypique où on va s'intéresser à la question de est-ce que Lucas va présenter un retard global du développement ou un TSA, ou est-ce que, comme dans la vidéo que je vous présentais tout à l'heure, a une comorbodité entre ces deux diagnostics? Si on prend l'exemple de Lucas qui a deux ans, on va parler ici éventuellement de retard global du développement et non de déficience intellectuelle. Pourquoi est-ce qu'on fait cette distinction? C'est que chez les enfants qui sont très jeunes ou de moins de cinq ans, on considère que c'est un diagnostic qui va être transitoire et qui peut être associé à des trajectoires de développement qui sont très différentes d'un enfant à l'autre. Et donc, l'objectif n'est évidemment pas de figer un enfant dans une trajectoire particulière qui serait relativement stable dans le temps comme c'est par exemple le cas dans la déficience intellectuelle. Donc le retard global du développement, c'est aussi un diagnostic qui existe dans les manuels diagnostiques comme le DSM et qui se définit par un certain nombre de critères. Le premier critère, ça va être que l'enfant doit présenter un décalage qui est significatif dans au moins deux domaines du développement. Le premier domaine, ça pourrait être par exemple la motricité globale, donc la capacité d'un enfant à se déplacer, à marcher, à grimper, à monter les escaliers. Un second domaine, ça pourrait être la motricité fine, donc la capacité d'un enfant à réaliser des activités motrices qui nécessitent par exemple la coordination entre le pouce et l'index. Un autre grand domaine va être évidemment le langage et la communication. Et puis finalement, un autre domaine pourrait être les prémices de la cognition ou ce qu'on appelle la cognition préverbale chez les enfants qui n'ont pas encore développé de langage. Ou enfin, un dernier domaine serait l'autonomie dans la vie quotidienne, donc le fait de pouvoir par exemple s'habiller, se déshabiller, manger de manière autonome. Et donc, dans ces différents domaines, l'enfant, comme je disais, doit avoir un décalage qui est significatif par rapport aux enfants du même âge, et donc à des tests qui vont évaluer le développement chez des jeunes enfants, ces enfants, pour rencontrer les critères d'un retard global du développement, doivent avoir un score qui se situe en-dessous de deux écarts types par rapport à la moyenne des enfants du même âge. Dans la littérature, il y a relativement peu d'études qui se sont intéressées justement aux symptômes qui permettent de différencier au mieux les jeunes enfants qui ont un TSA des jeunes enfants qui ont un retard global du développement. Il y a une étude qui a été effectuée en 2007 qui s'est justement intéressée à cette question, et pour ça, elle a évalué des enfants qui avaient entre 16 et 32 mois au moment de l'évaluation. C'étaient tous des enfants qui étaient référés dans une consultation pour une suspicion de troubles du spectre de l'autisme mais qui ne rencontraient pas tous les critères d'un TSA. Certains rencontraient plutôt les critères pour un retard global du développement. Et donc à ce moment-là , ils ont vraiment comparé les enfants qui rencontraient les critères pour un TSA des enfants qui rencontraient les critères pour un retard global du développement. Et ce qu'ils ont observé dans cette étude, c'est qu'il y avait un certain nombre de symptômes qui avaient trait plutôt aux capacités de communication et d'interaction qui permettaient de différencier au mieux ces deux groupes d'enfants. Et en particulier, un facteur qui semblait être particulièrement discriminant c'était la qualité de ce qu'on appelle l'attention conjointe dont vous avez déjà entendu parler dans les vidéos précédentes. Et donc, chez les enfants qui avaient un TSA, l'attention conjointe était significativement moins bonne que chez les enfants qui avaient un retard global du développement. Ça pouvait se traduire par différentes manifestations. Par exemple, c'était des enfants qui avaient moins tendance à initier des comportements d'attention conjointe, donc par exemple de pointer en direction d'un objet qui les intéressait pour attirer l'attention de l'autre personne. C'était aussi des enfants qui avaient tendance à moins bien répondre quand un adulte qui était présent dans la salle essayait d'attirer leur attention sur un objet d'intérêt. Il y avait aussi des comportements de pointage qui différenciaient beaucoup les deux groupes. Les enfants avec TSA avaient moins tendance à pointer et puis ils avaient tendance à avoir un moins bon contact visuel avec l'adulte qui était présent dans la salle avec eux par rapport aux enfants qui avaient un retard global du développement. Et finalement, une dernière manifestation qui permettait de distinguer les deux groupe c'était la capacité des enfants à partager leur plaisir pendant un moment d'interaction. Et dans cette étude, les enfants avec un diagnostic de TSA avaient davantage de difficultés à partager leur plaisir que les enfants avec un retard global du développement. Une chose qui est importante à relever c'est que le niveau de langage expressif et réceptif des enfants dans cette étude dans les deux groupes était comparable, c'est-à -dire que les deux groupes d'enfants avaient un retard qui était significatif à la fois dans ce qu'ils pouvaient exprimer que dans ce qu'ils pouvaient comprendre au niveau verbal. Pour vous illustrer ce point spécifique qui est montré dans cette étude, à savoir que c'est vraiment la qualité de l'attention conjointe qui est un bon facteur discriminant pour le diagnostic différentiel entre le TSA et le retard global du développement, j'ai choisi de vous présenter une vidéo du jeune Quentin qui a deux ans et qui présente un retard global du développement. Vous voyez maintenant Quentin à l'image, et comme vous le constaterez tout au long de la vidéo, Quentin présente un retard global dans son développement. En particulier, vous verrez qu'il est encore peu à l'aise au niveau de sa motricité et qu'il ne présente pas encore de mots reconnaissables au niveau de son langage. Cependant, Quentin ne présente pas de signe d'un trouble du spectre de l'autisme, et comme vous le verrez dans cette vidéo, il présente un certain nombre de comportements qui communiquent bien son attention sociale et que je vais décrypter avec vous. [BRUIT] >> La la, quelles bulles! Tu as vu ça? Tac, tac, tac, tac. [BRUIT] Tac. Boum! Oui, c'est là . Tac! Bravo! Bravo! >> À ce moment de la vidéo, vous voyez que Quentin manifeste son intérêt en coordonnant son regard, tantôt en direction de l'examinateur et tantôt en direction de l'objet qui l'intéresse. [BRUIT] [BRUIT] Quentin se tourne également vers sa mère qui est hors du champ de la vidéo pour manifester son intérêt vis-à -vis de cet objet. Quentin va également donner des objets à plusieurs reprises à l'examinateur pour signifier son intérêt à continuer l'activité. [BRUIT] >> Ça aussi? Je prends. Je fais encore? Waouh! >> Vous voyez ici que Quentin a du plaisir lors de cette activité et qu'il dirige son sourire en direction de l'examinateur. [BRUIT] >> Regarde. Ils sont où? [RIRE] [BRUIT] >> Vous voyez également que Quentin présente un bon contact visuel direct avec l'examinateur. >> Qu'est-ce que je fais? [BRUIT] Qu'est-ce que je fais, Quentin? Encore? Encore une fois? Encore une fois? [BRUIT] Une dernière fois, d'accord? [BRUIT] Waouh! Regarde toutes les bulles! Super! Éclate. Oui, bravo Quentin! >> Enfin, vous pouvez voir que Quentin fait un geste communicatif, le fait d'applaudir au moment où l'examinateur lui dit bravo. >> Super! Comment tu as fait? >> Tous ces comportements nous rassurent donc quant à l'absence d'un trouble du spectre de l'autisme chez Quentin. Si on s'intéresse au diagnostic différentiel chez des enfants plus âgés, donc cette fois entre la déficience intellectuelle et le TSA, on observe à nouveau qu'il y a un certain nombre de symptômes qui permettent de discriminer au mieux ces deux conditions. Et donc, cette fois, contrairement aux études chez les jeunes enfants, on voit que c'est un spectre un peu plus large de symptômes qui permettent de mieux différencier les deux groupes. En particulier, ce qu'on observe c'est que la qualité de la communication non-verbale tend à être moins bonne chez les enfants avec TSA que chez ceux avec déficience intellectuelle. On observe aussi une moins bonne réciprocité sociale, donc une tendance à avoir de moins bons échanges comme ça en ping-pong avec un interlocuteur. Et puis, les enfants avec TSA ont également tendance à avoir davantage d'intérêt restreint, donc un intérêt qui va être très marqué et très fort sur un sujet particulier. Ils vont avoir également tendance à adhérer davantage à des routines de comportement, donc devoir faire les choses exactement de la même manière par rapport à une routine qu'ils ont acquise. Et puis, ils vont avoir également tendance à avoir davantage de maniérismes, que ce soit au niveau des mains ou au niveau du corps entier. Et ils vont également avoir tendance à davantage utiliser les objets d'une manière qui ne va pas être tout à fait fonctionnelle, donc par exemple en s'intéressant en particulier à une partie de l'objet comme par exemple la roue de la voiture au lieu d'utiliser la voiture en tant que telle. Si on résume un petit peu ces différentes études, on voit que chez les jeunes enfants, c'est vraiment la qualité de l'attention conjointe qui semble être le meilleur facteur discriminant, alors que chez les enfants plus âgés, il y a vraiment tout un panel de symptômes qui permet de mieux distinguer entre ces deux conditions. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]