[MUSIQUE] Pour terminer cette leçon sur les différents modèles de compréhension de l'autisme, nous allons parler ensemble d'une théorie qui s'appelle la théorie de la prédiction. Pour comprendre cette théorie, il faut imaginer que pour comprendre le monde qui nous entoure, nous sommes continuellement en train de faire des prédictions, prédictions de qu'est-ce qui va se passer juste après, pour finalement comprendre comment est-ce que les relations entre les différents événements sont régies, et comment est-ce que nous pouvons comprendre notre situation dans le monde et qu'est-ce qui va nous arriver finalement dans le futur. Donc, jour après jour, nous devenons meilleur à optimiser nos prédictions et finalement comprendre le monde qui nous entoure. La théorie d'une difficulté de la prédiction dans l'autisme c'est quelque chose qui a été revu récemment par [INCONNU] dans un article qui a été publié dans PNAS, qui nous dit que les personnes qui sont sur le spectre pourraient avoir plus de difficultés à faire des associations entre les différents événements de sorte à ce qu'une prédiction qui pourrait être une prédiction qui paraît naturelle pour une personne qui a un développement typique soit plus difficile à effectuer, et que le lien entre deux événements soit plus difficile à faire pour une personne qui est sur le spectre de l'autisme. Et lui dans cet article, [INCONNU] compare ça à quelque chose qui est de l'ordre de la magie. C'est comme si finalement, on était au quotidien à se dire que les événements arrivent les uns après les autres comme par magie, puisqu'on n'arrive pas à identifier quel est le lien entre ces différents événements, et qu'il y a quelque chose du fait du manque de compréhension de la séquence et des associations entre les événements. Alors, ça peut être agréable d'assister à un spectacle de magie pendant quelques minutes ou quelques heures, mais si c'est quelque chose qui est quotidien, on peut aussi imaginer que ce soit quelque chose qui devienne extrêmement anxiogène puisqu'on n'arrive pas à comprendre ce qui nous arrive et qu'est-ce qui va se dérouler dans le futur. Et ça, on peut imaginer que c'est quelque chose que les personnes qui sont sur le spectre vivent dans leur quotidien, de pas réussir à faire du sens du monde qui les entoure par cette histoire d'une difficulté de la prédiction. Si on prend ensemble quelques exemples concrets de comment est-ce que cette difficulté de prédiction pourrait expliquer l'émergence des symptômes d'autisme, la première chose qui paraît la plus évidente c'est que finalement, ça pourrait expliquer la surcharge sensorielle que présentent des personnes qui sont sur le spectre. La prédiction c'est aussi quelque chose qui nous permet finalement de filtrer nos inputs sensoriels, donc tout ce qui nous arrive dans notre système sensoriel, la manière dont on filtre l'environnement qui nous entoure. Par exemple, si je prends un exemple concret, s'il y a un bruit de ventilateur dans une pièce, au bout d'un moment, une personne qui a un développement typique va réussir à complètement faire abstraction de ce bruit de ventilateur. C'est quelque chose qu'elle a entendu, elle l'entend de manière régulière, et donc son système sensoriel va filtrer le fait qu'il y a un bruit qui est un bruit continu pour focaliser son attention sur les autres bruits. Donc, il y a vraiment quelque chose de l'ordre de quelque chose qui est sensoriel et qui est continu, je prédis que ça se reproduit systématiquement, donc je vais finalement ne plus y faire attention et me permettre de me concentrer sur quelque chose d'autre. On pourrait imaginer qu'une personne qui est sur le spectre va pouvoir être peut-être plus dérangée par ce ventilateur, va avoir plus de difficultés à en faire abstraction. C'est quelque chose qui va être tout le temps là dans son système, probablement par un défaut de prédiction, c'est-à -dire un défaut de la capacité à enregistrer que ce stimulus sensoriel est tout le temps là et qu'il va rester là de manière continue. Un autre exemple qu'on peut imaginer c'est le fait de porter des habits. Les personnes qui sont sur le spectre vont souvent nous dire, certaines en tout cas, vont souvent nous dire que les habits les dérangent, ils sentent la pression des habits sur eux, il y en a qui préfèrent porter des habits qui sont des habits plutôt amples. Si on peut imaginer quand on s'habille le matin, on sent les habits au moment où on les met, mais en général après, notre système sensoriel va filtrer ceux-ci et on n'y fera plus attention. On peut imaginer qu'un déficit de prédiction soit responsable du fait que les personnes qui sont sur le spectre ressentent systématiquement la pression des habits sur leur corps et que ce soit quelque chose qui est dérangeant. Donc, vous voyez comment cette hypothèse de la prédiction pourrait expliquer finalement des symptômes de surcharge sensorielle qui sont des choses qu'on voit chez les personnes qui sont sur le spectre de l'autisme. Un autre aspect qui pourrait expliqué par un trouble de la prédiction c'est ce qu'on appelle l'insistance sur la même chose, insistence on sameness comme on dit en anglais, c'est-à -dire les routines qui sont mises en place. On discutait avant du fait que si on vit dans un monde qui est relativement magique, dans lequel on n'arrive pas à identifier qu'est-ce qui va se passer à la suite, il y a quelque chose qui peut être extrêmement anxiogène, et donc on peut imaginer que toute la ritualisation, la routine qui est mise en place par la personne qui est sur le spectre, pour faire en sorte que les choses changent peu, qu'il y ait une certaine immuabilité, une certaine inflexibilité dans les routines du quotidien, ce soit finalement une stratégie pour essayer de compenser le côté anxiogène qui est amené par le fait qu'on n'est pas en train de comprendre qu'est-ce qui se passe dans le monde qui nous entoure. Donc, c'est une manière finalement de ramener le monde à quelque chose qui soit prédictif en influant sur ce monde et en faisant en sorte que le monde change relativement peu. Il y a encore un autre symptôme qui pourrait être expliqué par ce trouble de la prédiction, c'est les difficultés de généralisation que présentent les personnes qui sont sur le spectre. Pour généraliser quelque chose, ce qu'il faut que je fasse, c'est que je ne fasse pas seulement attention à ce que mes sens me disent, mais que je sois capable d'avoir un modèle qui me prédise que finalement, cette chose est la même qu'une autre chose. Si je prends un exemple très concret, par exemple, on peut imaginer qu'il y a plusieurs types de chiens. Il y a des chiens qui sont des chiens avec des oreilles courtes, des oreilles longues, une taille plus petite, plus longue, un poil d'une certaine couleur, une morphologie qui est extrêmement différente comme vous pouvez le voir sur toutes ces images. On peut aussi voir une photo d'un chien, on peut avoir une photo d'une partie d'un chien, on peut aussi avoir un dessin d'un chien ou encore une représentation qui est stylisée, et tout ça progressivement, on apprend à dire que toutes ces différentes représentations du chien forment l'ensemble complexe chien qui ont des caractéristiques communes. Et maintenant, quand je suis confronté à une race de chien que je ne connais pas, je vais en général réussir assez facilement à dire que ceci est un chien. Si vous imaginez que la personne qui est sur le spectre a des difficultés à prédire, c'est-à -dire qu'elle a besoin d'avoir vraiment une relation qui est une relation vraiment unique entre un chien, c'est quelque chose qui a des oreilles courtes, une forme comme ci, un poil de telle longueur, du coup, ça va être plus difficile de prédire qu'un chien qui va avoir des oreilles longues, qui va avoir le poil ras et qui va avoir une autre couleur va aussi être un chien. Donc, ça c'est vraiment comment est-ce que cette hypothèse de la prédiction peut nous expliquer que les personnes qui sont sur le spectre peuvent avoir des difficultés à généraliser parce que finalement, elles prédisent de manière vraiment immuable avec une relation qui est vraiment une relation très simple entre un objet et puis un concept, et ça va être difficile de généraliser ce concept à quelque chose qui est plus variable. Alors, ce n'est pas quelque chose que toutes les personnes qui sont sur le spectre présentent, mais c'est quelque chose qu'on retrouve quand même relativement régulièrement. Il y a encore un autre domaine où on peut comprendre que les difficultés de prédiction cette fois soient un avantage pour les personnes qui sont sur le spectre, c'est vraiment ces îlots de performance que peuvent présenter les personnes sur le spectre lorsque la prédiction est toujours vraie, elle est toujours vérifiée, parce que c'est un domaine dans lequel les règles sont des règles relativement stables et immuables. On peut penser par exemple aux mathématiques où 1 + 1 feront toujours 2. Du coup, quelque chose dans lequel ce qu'il se passe est toujours équivalent à ce qu'on attend qu'il se passe va être quelque chose qui va représenter une force pour les personnes qui sont sur le spectre. Je vous l'ai dit par exemple, ça peut être les mathématiques, mais il y a d'autres domaines dans lesquels ces règles, qui sont des règles relativement strictes, se vérifient. Un des domaines qui représente souvent une force pour certaines personnes sur le spectre, qui est quelque chose qui fascine beaucoup les gens, c'est par exemple le calendrier savant, c'est-à -dire la capacité de pouvoir calculer une date n'importe quand dans le passé. Si je vous dis quelle était la date du 1 mars 1987, la capacité à pouvoir me dire quel jour de la semaine était ce jour du 1 mars 1987. Donc, ça c'est vraiment quelque chose dans lequel les troubles de la prédiction peuvent nous expliquer un avantage des personnes qui sont sur le spectre, une facilité dans des domaines qui sont des domaines relativement rigides. Et puis finalement, quelque chose qu'on n'a pas encore discuté mais qui correspond aux symptômes qui sont les plus difficiles pour les personnes qui sont sur le spectre c'est toute la capacité à comprendre les relations sociales. Le domaine social c'est typiquement quelque chose qui est difficile à prédire. C'est-à -dire que pour pouvoir intégrer qu'est-ce qu'une personne est en train de penser, quelles sont ses intentions, quelles sont ses émotions, il va falloir que je mette ensemble un certain nombre de signes qui sont des signes différents, c'est-à -dire comment est-ce qu'elle me regarde, quel est le ton de sa voix, quelle est sa posture, dans quel contexte on est en train d'être, qu'est-ce qu'une personne du même type de caractère ferait dans un environnement qui est un environnement similaire. Donc, c'est vraiment quelque chose qui nécessite de pouvoir intégrer des facteurs qui sont des facteurs extrêmement variables et extrêmement complexes. Et donc, typiquement, on peut imaginer qu'une personne qui a des difficultés de prédiction présente des difficultés qui soient particulièrement importantes dans ce domaine-là et que ça pourrait expliquer pourquoi les personnes qui sont sur le spectre ont autant de difficultés à comprendre les relations sociales qui sont par nature extrêmement complexes. Donc, nous avons vu que cette hypothèse d'un trouble de la prédiction pour les personnes qui sont sur le spectre de l'autisme, elle est assez intéressante parce qu'elle va nous permettre d'expliquer un certain nombre de symptômes que présentent ces personnes qui sont sur le spectre. Ce qui est aussi assez intéressant, c'est qu'on peut imaginer combiner cette hypothèse de la prédiction avec une autre hypothèse qu'on vient de discuter dans la séquence précédente, qui est vraiment l'hypothèse d'un déficit de motivation sociale chez les personnes qui sont sur le spectre. En fait, on peut tout à fait imaginer que finalement, ce désintérêt pour les situations sociales soit en lien avec le fait que les personnes ne le comprennent pas. Donc, si on a une difficulté à prédire les situations sociales, on peut imaginer qu'on n'arrive plus à comprendre ce qui se passe dans ces situations sociales. Comme on ne les comprend pas, on s'en désintéresse, et là ça pourrait nous expliquer vraiment en aval toute la cascade de la théorie de la motivation sociale, avec le fait qu'on ne se spécialise pas dans les interactions sociales et puis notre cerveau va finalement aussi ne pas se spécialiser là -dedans, et donc on va avoir après des altérations dans le cerveau social chez les personnes qui sont sur le spectre. Donc, vous voyez comment est-ce que maintenant dans le domaine de l'autisme, on commence à avoir des idées pour expliquer un certain nombre de symptômes de l'autisme, on commence à avoir des idées aussi sur comment combiner ces différents modèles, mais vous réalisez aussi que finalement, on n'a pas de réponse encore claire sur qu'est-ce qui cause l'autisme et comment est-ce que les symptômes d'autisme émergent, et que donc on imagine que c'est un domaine dans lequel la recherche va aussi énormément évoluer au cours des années à venir. [MUSIQUE] [MUSIQUE]