[MUSIQUE] Dans les séquences précédentes, nous avons regardé ensemble les différents modèles qui peuvent expliquer l'émergence des symptômes d'autisme, et nous allons maintenant nous intéresser aux différents systèmes cérébraux qui sont impliqués dans les symptômes de l'autisme. Nous aurons ensuite un module complet pour savoir comment est-ce qu'on mesure ces systèmes cérébraux, en particulier avec toutes les techniques d'imagerie cérébrale, mais maintenant nous allons regarder comment est-ce que ces systèmes fonctionnent. Et pour ça, nous aurons trois personnes pour vous accompagner dans ce module, d'abord Nada Kojovic, qui est doctorante en neurosciences à l'Université de Genève, ensuite Camilla Belonne, qui est Professeure à la faculté de médecine à l'Université de Genève, et puis moi-même. Et nous avons décidé d'aborder les différents systèmes cérébraux dans un ordre hiérarchique qui fasse du sens par rapport au traitement de l'information. Donc, la première chose que nous allons aborder ensemble, c'est le traitement de l'information sensorielle, finalement comment est-ce que notre cerveau reçoit l'information sensorielle, et la traite et l'intègre, intègre différentes informations sensorielles. Le deuxième système qu'on va regarder ensemble c'est le système de l'attention, comment est-ce qu'on déploie notre attention pour filtrer la masse des informations sensorielles et nous concentrer sur une partie de cette information uniquement. Ensuite, nous nous intéresserons au système de la récompense, car il y a beaucoup d'évidences qui montrent que le système de la récompense est modifié chez les personnes qui sont sur le spectre de l'autisme et puis finalement, nous nous intéresserons à une information qui est plus complexe, qui est le traitement de l'information sociale et comment est-ce que notre cerveau traite toute cette masse d'informations sociales qui nous entourent. >> Bonjour, je m'appelle Nada Kojovic et je suis doctorante en neurosciences. Je m'intéresse particulièrement à comment les processus sensoriel et d'attention contribuent aux symptomatologies du type autistique. Aujourd'hui, je vais vous parler du traitement de l'information sensorielle dans l'autisme et des mécanismes cérébraux qui sont impliqués. Des particularités du traitement de l'information sensorielle ne sont pas universelles ni spécifiques à l'autisme. Cependant, ces particularités ont une grande prévalence dans ce trouble. Selon certains auteurs, presque 90 % des personnes qui présentent les symptômes d'autisme présentent aussi des particularités dans ce domaine. Les particularités touchent différents sens, toucher, vision, audition, goût et l'odorat. Elles sont présentes relativement tôt dans le développement, et selon certains auteurs, pas seulement précèdent mais aussi prédisent l'apparition des symptômes dans le domaine social et aussi la présence de comportements répétitifs et intérêts restreints dans l'autisme. L'environnement qui nous entoure est très complexe et très riche. Nos sens travaillent de façon très spécialisée mais de façon très intégrée pour nous fournir les informations qui sont nécessaires à un fonctionnement adapté. Donc, chacun de nos sens est spécialisé à traiter un type de stimulation physique et le traduire sous une forme qui sera interprétable pour notre système neuronal. Par exemple, pour la vision, ceci est la stimulation lumineuse. Pour l'audition, elle va encoder plutôt la fréquence et le timbre du son, le toucher par exemple va encoder toute information qui a un lien avec la pression. Une fois que ces informations sont traduites, elles seront envoyées vers une structure qui se trouve assez profondément dans notre cerveau et qui est le thalamus. Le thalamus fonctionne comme une sorte de relai entre nos sens qui sont en périphérie et les zones corticales sensorielles dites primaires. Donc, ces zones corticales sont responsables de ce que nous allons percevoir de notre environnement. Donc, elles gèrent la perception. Ensuite, l'information, une fois qu'elle arrive au niveau cortical, elle est intégrée entre différentes modalités. Les deux sens qui étaient les plus étudiés en lien avec l'autisme c'est la vision et l'audition. Quant à vision dans l'autisme, on retrouve ce style perceptif assez focalisé, donc les personnes avec les symptômes d'un TSA seront beaucoup plus rapides par exemple à détecter une cible parmi les distracteurs. Quand à l'audition, la recherche montre que lorsque les personnes avec autisme sont exposées à un son simple, ça peut être un son très très pur, elles montrent la réponse neurale auditive retardée. Et ça c'est aussi le cas si le son est beaucoup plus complexe comme c'est le cas du langage. Nous venons d'aborder quelques particularités au niveau visuel et auditif. Mais pour traiter la richesse de l'information qui nous entoure, nos sens ne travaillent jamais en isolation. Prenons par exemple l'exemple du langage. Pour comprendre l'information qui est transmise par le biais du langage, notre cerveau est amené à traiter une information auditive qui pourrait fluctuer au niveau du volume, au niveau du rythme, au niveau du timbre, et aussi intégrer cette information avec les données plus visuelles, avec par exemple le mouvement de la bouche, l'expression faciale de la personne et les gestes pour pleinement saisir le sens de ce qui est transmis par le langage. Maintenant, je vous invite à regarder ensemble un exemple qui illustre bien l'intégration audiovisuelle. >> Ba ba ba ba ba ba ba ba ba. >> Et maintenant, si nous changeons l'image. Ba ba ba, ba ba ba ba ba ba. >> Quelle est la syllabe que vous avez entendue? Est-ce que c'était ba ou est-ce que c'était va? En fait, l'actrice est toujours en train de dire ba. Alors, juste à la douzième séquence, nous avons changé l'image, nous avons mis l'image qui correspond à la prononciation de la syllabe va. Et cette sensation visuelle a complètement altéré la manière dont nous avons perçu la même sensation auditive qui était la prononciation de la syllabe ba. Donc, si nous fermons les yeux, probablement que nous allons entendre que la syllabe ba. Pour les personnes qui présentent des difficultés d'intégration audiovisuelle, comme c'est le cas des personnes qui présentent les symptômes d'autisme, cette illusion risque de ne pas marcher. Donc, cette illusion est connue sous le nom de McGurk Effect. Et la recherche montre que les personnes avec autisme s'appuient plus sur la sensation auditive. Donc, elles vont toujours entendre le son exact qui est celui de ba, et vont moins être [INCOMPREHENSIBLE] par la sensation visuelle dans l'interprétation de ce qu'elles viennent de voir. Donc, ça c'est un avantage, mais aussi ça peut être désavantageux. Par exemple, ici, elles se trouvent dans un contexte qui est bruyant, comme par exemple ça peut être le contexte scolaire ou le contexte dans un bar, où pour comprendre le langage, ça ne suffit pas seulement de s'appuyer sur la sensation auditive, il faut aussi utiliser le feedback plus visuel. En plus de l'intégration des informations provenant de différentes modalités, une autre capacité très précieuse de notre système sensoriel c'est aussi d'atténuer la réponse neurale une fois que nous sommes exposés à une stimulation qui est constante et très prévisible. Cette atténuation de réponse neurale est connue sous le nom d'habituation, et c'est une habilité très précieuse de notre système neuronal, qui par le biais de ce phénomène optimise ses ressources. Ainsi, on peut traiter ce qui est nouveau dans l'environnement, et un peu négliger ou mettre de côté qu'est-ce qui est constant, qu'est-ce qui est stable. Des difficultés au niveau de l'habituation peuvent introduire différentes autres difficultés au niveau sensoriel, à la fois hyposensibilité mais aussi hypersensibilité. Par exemple, les personnes qui ont des difficultés d'habituation pourront être hyposensibles aux changements dans l'environnement. Donc, elles vont avec moins de succès détecter qu'est-ce qui est nouveau dans l'environnement qui les entoure. Et aussi, elles vont avoir moins tendance à atténuer la réponse neuronale à la stimulation, ce qui va provoquer une surcharge sensorielle et par la suite aussi une hypersensibilité. Dans l'autisme, il y a une littérature émergente qui parle des difficultés de l'habituation à des différents niveaux. Une étude assez récente trouve des patterns assez distincts selon les différents comportements au niveau sensoriel. Ainsi, les enfants par exemple qui présentent plutôt une hypersensibilité sensorielle montrent des difficultés de l'habituation dans différents cortex sensoriels et de l'amygdale, et les enfants qui quant à eux présentent une sensibilité plutôt réduite à l'information sensorielle, ces enfants-là sont moins sensibles à la nouveauté dans l'environnement. Donc, on voit que les deux patterns distincts au niveau comportemental aussi correspondent à des patterns distincts de traitement d'information sensorielle au niveau neuronal. Mais la spécificité de traitement de l'information sensorielle dans l'autisme va au-delà de ce qui est hyposensibilité et hypersensibilité. La recherche ultérieure est nécessaire pour bien définir les patterns distincts de traitement de l'information sensorielle, trouver les manières aussi personnalisées à les mesurer, à les mettre en lien avec le comportement, et potentiellement trouver des stratégies de remédiation qui pourront être efficaces pour chaque individu. [MUSIQUE] [MUSIQUE]