[MUSIQUE] Je m'appelle Camilla Bellone, et je travaille dans le département des neurosciences fondamentales à l'Université de Genève. Dans mon laboratoire, on utilise le modèle animal pour comprendre les mécanismes et le circuit neuronal à la base des dysfonctions sociales dans des modèles d'autisme. Une caractéristique comportementale saillante des personnes atteintes de troubles autistiques c'est une diminution de la motivation sociale, ce qui se traduit pour un manque d'intérêt vers les stimuli sociaux. Tandis que les interactions sociales sont très gratifiantes pour la plupart d'entre nous, on a émis l'hypothèse que le manque d'interactions sociales, de motivation à interagir avec les autres, sont en conséquence d'une dysfonction du système de la récompense. Maintenant, afin de comprendre le lien entre le système de la récompense, l'autisme et les interactions sociales, il faut définir les récompenses naturelles et voir comme ces récompenses sont traitées au niveau du cerveau. Les récompenses naturelles jouent un rôle très important dans la vie quotidienne de tout le monde. On sait bien comme la nourriture et l'activité sexuelle par exemple sont très indispensables pour la survie de l'espèce, et en fait, on sait aussi que tant d'argent ou les gratifications professionnelles poussent souvent l'homme à travailler plus dur. Maintenant, la question c'est, comment sont les récompenses naturelles traitées au niveau du cerveau? On sait qu'au niveau du cerveau, on a un système de la récompense qui est origine au niveau des neurones dopaminergiques qui sont situés au niveau de l'aire ventrale tegmentale. Ces neurones dopaminergiques sont des neurones qui synthétisent la dopamine et libèrent, utilisent la dopamine comme neurotransmetteur. Une fois qu'ils sont activés, ces neurones libèrent la dopamine au niveau des terminaisons axonales, et plus précisément l'activation des neurones dopaminergiques libère la dopamine au niveau de deux structures fondamentales qui sont le noyau accumbens et le cortex préfrontal. Grâce à une série d'expériences menées sur les primates non humains ou les rongeurs, on a mis en évidence que les récompenses naturelles activent le système de la récompense, activent les neurones dopaminergiques, et comme conséquence on a une libération de dopamine au niveau du noyau accumbens et du cortex préfrontal. Maintenant, grâce à cette expérience, on a ainsi pu mettre en évidence que pas seulement les récompenses naturelles sont capables d'activer les neurones dopaminergiques, mais que aussi ces neurones sont activés par des indices, des stimuli qui prédisent les récompenses mêmes. Prenons un exemple. Si je me retrouve dans une rue de Genève et je vois une boulangerie, j'ai peut-être envie de manger un croissant. Je rentre à la boulangerie et j'achète le croissant, et du moment que je consomme le croissant, j'ai l'impression de manger le plus bon croissant de ma vie. À ce moment-là , le croissant est une récompense naturelle très forte, une surprise très positive et je suis très contente. L'activité de mes neurones dopaminergiques va être activée par le croissant et en fait, le jour d'après, je vais chercher de répéter et de vivre la même émotion. Après quelques jours que je vive la même expérience, j'ai appris à associer la boulangerie avec le bon croissant, ça veut dire qu'en fait je fais une association et à ce moment-là , les neurones dopaminergiques au niveau du système de la récompense ne vont pas seulement être activés pendant la récompense même, mais par les indices qui prédisent la récompense, ça veut dire en fait à mon entrée dans la boulangerie. Ça veut dire qu'une fois que j'ai appris l'association entre la boulangerie et le croissant, mes neurones dopaminergiques vont être activés par les stimuli prédictifs. Maintenant, si après quelques jours, je rentre dans la boulangerie, et pendant que je mange mes croissants, je réalise que la recette de croissant a changé, ça c'est une mauvaise surprise et je serai très déçue. À ce moment-là , mes neurones dopaminergiques qui s'étaient activés pendant le stimuli prédictif à mon entrée dans la boulangerie vont être diminués, vont être désactivés pendant la consommation des croissants. Ça veut dire en fait que j'aurai une diminution de l'activation des neurones dopaminergiques pendant la surprise négative. Ainsi, en signalant à la fois les récompenses et les stimuli prédictifs des récompenses, la dopamine sert comme signal d'apprentissage et ça nous donne les informations sur les récompenses passées, futures, et ça nous sert énormément pour prendre des décisions. Conformément aux études effectuées sur les rongeurs ou sous les primates non humains, les récompenses naturelles sont étudiées dans l'homme par l'imagerie à résonance magnétique fonctionnelle et grâce à l'aide de différents types de récompenses naturelles. Cette expérience effectuée sur l'humain a pu confirmer le rôle fondamental du système de la récompense et des neurones dopaminergiques dans l'apprentissage des récompenses naturelles. En fait, une fois qu'on est exposé à des récompenses naturelles comme la nourriture par exemple, on a une activation du système de la récompense avec une libération de dopamine au niveau du noyau accumbens et du cortex préfrontal aussi au niveau de l'humain. Au cours des dernières années, on s'est intéressé à la nature gratifiante des interactions sociales. Et en fait, on peut maintenant parler des récompenses sociales pour définir une série d'expériences positives liées à des interactions sociales, expériences effectuées sur l'homme et les rongeurs a mis en évidence qu'il y a une altération dans le système de la récompense soit dans les conditions sociales et dans les conditions pas sociales. En fait, des expériences menées sur l'homme ont pu mettre en évidence que pendant les interactions sociales, il y a une diminution de l'activation du système de la récompense et une diminution de l'activation des régions qui reçoivent en fait les productions de neurones dopaminergiques, le noyau accumbens et le cortex préfrontal. Par contre, dans les rongeurs, aussi dans notre laboratoire, on a pu mettre en évidence dans des modèles de TSA qu'il existe en fait une hypoactivation des neurones dopaminergiques comme conséquence d'une mal développement du circuit de la récompense. Toutes ces données ont pu mettre en évidence que le système de la récompense et les neurones dopaminergiques pourraient être une cible thérapeutique pour l'autisme. [MUSIQUE] [MUSIQUE]