Lorsqu'on rencontre cinq enfants avec TSA en une matinée dans notre pratique clinique, on voit cinq enfants qui ont tous rempli les critères diagnostiques pour un Trouble du Spectre de l'Autisme, mais qui seront nécessairement très différents les uns des autres. La raison en est que les Troubles du Spectre de l'autisme ont une énorme variabilité au cas par cas, d'une personne à l'autre, et cette variabilité n'est pas seulement clinique, elle est également pathogène. Les mécanismes conduisant à l'autisme sont vraiment différents d'un patient à l'autre. Donc idéalement, ce que nous aimerions c'est avoir un moyen qui nous permettrait de savoir pourquoi chaque enfant autiste est devenu autiste, et donc, de personnaliser le traitement à la fois pharmacologique et sur le plan développemental. Sur le plan pharmacologique, il existe au moins trois différentes stratégies qui ont été explorées ou qui font actuellement l'objet d'investigation. De manière générale, ces stratégies englobent d'une part, l'identification des biomarqueurs et les endophénotypes qui permettent de prédire une plus grande réponse à un agent pharmacologique spécifique. La deuxième stratégie consiste à appliquer aux TSA idiopathiques, c'est-à-dire, ceux pour lesquels nous ne connaissons pas la cause, les médicaments qui ont été utilisés dans le cas de formes syndromiques d'autisme, c'est-à-dire les formes d'autisme pour lesquelles les symptômes sont causés par un syndrome connu, dans le cas d'un syndrome génétique, dont la cause est bien connue ainsi que la pathogénie qui a été étudiée. La troisième qui est plus récente, est l'utilisation de cellules souches pluripotentes induites pour générer des cellules souches et des neurones à partir d'un seul patient et d'étudier la physiopathologie de l'autisme, les mécanismes conduisant à l'autisme, ainsi que l'efficacité des agents pharmacologiques, sur ces cellules. Les biomarqueurs sont des mesures qualitatives qui sont associés au trouble dans la population générale. Mais lorsque les biomarqueurs sont familiaux, lorsqu'ils ont aussi une base génétique, lorsque les biomarqueurs sont liés à la pathogenèse d'un trouble, on les appelle des endophénotypes. Il existe de nombreux endophénotypes connus dans les Troubles du Spectre de l'Autisme. L'exemple le plus classique est le taux de sérotonine élevé dans le sang. Les taux de sérotonine dans le sang sont significativement plus élevés chez les enfants autistes, comparés à la population générale. Mais les taux de leurs parents au premier degré se situent quelque part entre les patients et la population générale, ce qui signifie qu'il y a un large spectre. La taille de la tête, la macrocéphalie. La macrocéphalie est présente chez environ 20% des personnes avec autisme, et c'est aussi un autre endophénotype car les parents au premier degré se situent quelque part entre la population générale et leur frère ou soeur avec autisme, Et un niveau bas de mélatonine dans l'urine, par exemple, La mélantonine déclenche le sommeil, et le taux de mélantonine est bas chez beaucoup de personnes TSA. Il s'agit d'un autre biomarqueur. Tous ces biomarqueurs ont été étudiés de façon isolée, séparés les uns des autres. L'effort actuel consiste donc au niveau mondial à évaluer les biomarqueurs en utilisant plusieurs niveaux de stratification allant de la génétique à l'épigénétique, à la transcriptomique, la protéomique, la métabolique de l'urine et du sang, l'imagerie cérébrale, l'électrophysiologie, et tenter ensuite de discriminer différents sous-groupes de personnes avec autisme basés sur cette approche à plusieurs niveaux. Bien sûr, c'est un effort à long terme qui nécessite aussi évidemment une exploration intelligente des données et non de simples statistiques paramétriques, et il y a beaucoup d'études en cours dans ce domaine, et je dois dire qu'il y a des résultats préliminaires intéressants de biomarqueurs qui pourraient prédire la réponse à des médicaments spécifiques ou des interventions comportementales spécifiques. Le deuxième aspect est l'utilisation pour l'autisme idiopathique des médicaments qui viennent du domaine des formes syndromiques d'autisme. Il existe de nombreux syndromes génétiques qui sont associés à l'autisme. Ce qui veut dire que l'autisme est présent dans la population générale à une prévalence d'environ 1%, mais dans ces syndromes, la prévalence des Troubles du Spectre de l'Autisme est beaucoup plus haute. Ces syndromes, par exemple, l'X fragile, les syndrome de Down, de Phelan-McDermid. Ces syndromes ont été beaucoup étudiés concernant leur pathogenèse en utilisant des modèles animaux et les médicaments qui fonctionnent très bien sur les modèles animaux, fonctionnent moins bien chez les porteurs du syndrome et ont un effet décevant lorsqu'il sont appliqués dans des cas d'autisme idiopathique. Pourquoi cela ? Et bien, il y a plusieurs explications de ces résultats. La première est que le cerveau humain est beaucoup plus complexe que le cerveau de la souris, spécifiquement en termes de son épigénétique. Il n'est donc pas surprenant qu'un cerveau de souris puisse réagir différemment de ce qui est observé chez l'être humain. Cependant, les études effectuées chez les humains présentaient certaines limites qui ont été reconnues. Les études contrôlées randomisées de ces médicaments ont souvent été trop courtes et pas associées avec des interventions comportementales, avec des intervention sur les comportements adaptatifs, et n'ont pas tenu compte de la possibilité d'un effet de synergie entre la pharmacologie et les interventions environnementales. Les échelles utilisées pour mesurer le changement ne sont souvent pas sensibles au changement parce que ce sont des échelles qui ont été crées pour le diagnostic traditionnellement. Elles ont une faible sensibilité au changement. Il y a de nombreuses causes du fait que ce domaine a pour le moment apporté des résultats relativement insatisfaisants. La raison principale est peut-être que ces études n'ont pas essayé a priori d'identifier les caractéristiques, les biomarqueurs en fait qui caractérisent les sous-groupes de patients qui étaient les plus réactifs à ces médicaments. Si vous avez seulement 5 ou 10 patients répondant à un médicament donné, même magnifiquement, mais c'est seulement 5 ou 10 pour-cents, ces 5 ou 10 pour-cents ne rendront pas l'étude statistiquement significative et pourtant, vous avez une réponse à ce médicament chez un nombre limité de patients. Il y a donc des questions méthodologiques qui font que ce domaine de l'autisme syndromique n'a jusqu'à présent pas donné les résultats que nous espérions. Finalement, l'induction de cellules souches plutipotentes. Comment ça marche ? Dans des termes simples, vous prenez des cellules chez une personne, chez un patient, différents types de cellules, par exemple, des fibroblastes de la peau, des cellules de la pulpe dentaire ou des cellules du bulbe pileux. Vous plaquez ces cellule et vous les transformez en cellules souches en introduisant un virus dans ces cellules qui porte quatre facteurs de transcription qui sont capables de rajeunir, si vous me permettez d'utiliser ce terme, ces cellules qui reviennent au stade de cellules souches. Une cellule souche peut alors être différenciée en de nombreux autres types de cellules, et ces cellules peuvent donc aussi être différenciées en neurones. Ainsi vous avez des neurones qui peuvent être soit plaqué pour avoir une culture en 2D, une culture en deux dimensions, ou alors elles peuvent être cultivées dans une structure en trois dimensions appelée mini-cerveau, d'une taille d'environ un demi-centimètre, et là vous avez des neurones qui ont le même génome que le patient lui-même. Bien que, bien sûr, on ne peut pas dire qu'il s'agit du cerveau du patient, mais il s'agit de ce qui peut être le plus proche possible du cerveau du patient. En utilisant cette approche, il existe au moins deux études à ce stade qui se sont concentrées sur soit la macrocéphalie des patients avec autisme, des patients avec des têtes de grandes tailles soit une grande croissance précoce du cerveau. Ces deux études ont fourni quelques résultats vraiment intéressants en termes de pathophysiologie, les mécanismes du trouble dans ces situations. Évaluant ces cultures en 2D et ces mini-cerveau à l'aide de la microscopie électronique anatomique, la biochimie, les méthodes électrophysiologiques. Une de ces deux études a même été plus loin en utilisant l'IGF-1 (un facteur de croissance) pour pour essayer de remédier aux anomalies qui ont été trouvées dans ces cellules neuronales. Bien entendu, cela ne veut pas dire que nous devrions utiliser l'IGF-1 à ce stade pour traiter les enfants avec autisme, mais c'est simplement un exemple paradigmatique de la façon dont ce type d'approche peut personnaliser la compréhension des mécanismes et des traitements que nous pourrons appliquer chez ces enfants qui, lorsque vous avez vu un enfant avec autisme, il n'y a aucun enfant qui soit exactement identique au suivant.