[MUSIQUE] Nous avons parlé des différentes altérations cérébrales associées à l'autisme, que ce soit des altérations dans la structure ou dans la fonction. Nous avons vu comment est-ce que les trajectoires de développement diffèrent chez des personnes qui sont sur le spectre de l'autisme comparé à des personnes qui ont un développement typique, et comment est-ce qu'on peut espérer influencer ces trajectoires de développement avec différents outils, que ce soit des techniques d'intervention précoce ou des outils de remédiation cognitive. Un concept dont on a encore peu parlé pour l'instant dans le cadre des altérations cérébrales c'est le concept d'hétérogénéité. Ce que je vous ai dit, c'est que finalement il y a peu d'études qui arrivent à montrer de manière claire et consistante des altérations dans la structure du cerveau qui sont associées à l'autisme, comparativement à des personnes qui ont un développement typique. Concrètement, ce que ça veut dire, c'est que la plupart des études ont remarqué qu'il y avait en fait plus de différences à l'intérieur du spectre, donc à l'intérieur de différentes personnes qui étaient sur le spectre de l'autisme que quand on compare ces personnes sur le spectre de l'autisme et des personnes qui ont un développement typique. Et tout ça, c'est vraiment le concept d'hétérogénéité. Cette hétérogénéité a plusieurs facettes. Une des premières facettes c'est vraiment une facette clinique, c'est-à-dire que dans le type des symptômes ou dans l'intensité des symptômes, il y a vraiment des grandes variabilités entre les différentes personnes qui sont sur le spectre. Sur le plan cognitif aussi, il y a des personnes qui ont des capacités cognitives très développées et d'autres qui ont des difficultés cognitives plus importantes. Sur le plan de la manière dont les symptômes se développent, c'est-à-dire est-ce que ce sont des symptômes qui ont toujours été là et qui deviennent de plus en plus évidents quand l'enfant grandit, ou est-ce que c'est au contraire une enfant qui a développé un langage ou un certain nombre de compétences sociales, et qui a montré un aspect régressif dans l'arrivée de l'autisme. Donc, tout ça c'est différentes facettes dans l'hétérogénéité qui sont sur le spectre et dont on pense qu'elles pourraient être en lien avec des différences dans la structure cérébrale. Mais pour adresser vraiment ce concept d'hétérogénéité cérébrale, il va y avoir besoin d'adresser plusieurs points. Ce premier point par exemple c'est d'avoir un échantillon qui soit un échantillon suffisamment important. Et le deuxième point c'est d'avoir un moyen de classifier le phénotype, c'est-à-dire la manière dont les symptômes se présentent chez les personnes sur le spectre de l'autisme. Si on revient par exemple à l'histoire de l'échantillon, on se rend compte que dans toutes les études qui ont été publiées jusque-là, il est possible qu'il y ait des différences interindividuelles qui finalement manifestent que dans un échantillon, puisqu'il y a plus de personnes qui ont un tel profil, il y aurait des résultats d'une certaine manière, et dans un autre échantillon dans lequel le profil des personnes serait différent, on aurait d'autres types de résultats. Donc, clairement, ça nous montre qu'on pourrait à travers les études avoir des différences d'une étude à l'autre qui sont liées principalement au fait que les personnes qui ont pris partie dans cette étude sont des personnes qui ont des profils différents. Et donc, si on veut imaginer avoir vraiment la signature de l'autisme, quelque chose qui est potentiellement a un effet qui n'est pas très important sur le plan statistique, mais qui est vraiment clairement lié à l'autisme, qui est une signature chez toutes les personnes qui sont sur le spectre, là il va falloir avoir des échantillons qui sont des échantillons importants. Et ça c'est quelque chose que le champ de la neuro-imagerie a vraiment réalisé de manière très forte au cours des dernières années avec des nouveaux consortiums qui ont été proposés. Donc, il y a plusieurs consortiums qui ont été proposés, par exemple le consortium de ABIDE qui a une version numéro 1 et une version numéro 2, et qui les deux ensemble vont avoir près de 2 000 sujets dont les IRM seront disponibles au monde pour pouvoir faire des analyses sur ces IRM et voir si on arrive à trouver une signature de l'autisme. Il y a un autre consortium dans le même type qui s'appelle le consortium ENIGMA, qui lui a près de 3 000 sujets dont la moitié sont sur le spectre, l'autre moitié sont des personnes qui ont un développement typique, et qui permet du coup de regarder de manière très fine est-ce qu'il y a quelque chose qui est commun à toutes les personnes sur le spectre, et si oui, quelles sont ces altérations. Par exemple, si on regarde le consortium d'ENIGMA, ce qu'ils ont trouvé c'est qu'il y a effectivement des différences qui sont peu importantes entre les personnes qui sont sur le spectre et les personnes qui ont un développement typique, mais que du coup quand on commence à regarder en fonction de l'intensité des symptômes, là on commence à avoir des altérations qui sont des altérations qui émergent de manière plus importante selon que la personne a plus ou moins de symptômes, ou selon que la personne a un développement cognitif qui est plus ou moins affecté. Donc ça, ça nous amène à notre deuxième point, qui est finalement, quand on a beaucoup de personnes dans un échantillon, comment est-ce qu'on va faire pour adresser le concept de l'hétérogénéité. Concrètement, ça veut dire comment est-ce qu'on va faire pour diviser parmi ces différentes personnes, ces 1 000 ou 1 500 personnes si on est en train de parler des consortiums comme ABIDE ou ENIGMA pour regarder est-ce qu'il y a des sous-types différents d'autisme qui auraient des signatures différentes sur le plan cérébral. Donc, là il va falloir classifier. Et quand on classifie, on peut avoir plusieurs approches. Une approche ça peut être ce qu'on appelle une approche catégorielle, c'est-à-dire l'idée qu'on va avoir des groupes qui sont des groupes différents. Ça c'est par exemple l'approche que le DSM-IV avait jusque-là. Donc, la classification diagnostique qui était prédominante jusqu'en 2013 c'était le DSM-IV et ils avaient des sous-groupes à l'intérieur du spectre de l'autisme, qui s'appelaient le trouble envahissant du développement. Ces sous-groupes c'était par exemple le syndrome d'Asperger, le trouble autistique, ou encore le trouble envahissant du développement non spécifié. Donc, on avait quelque chose où les groupes étaient distincts. Mais de manière très claire, ce qui a été montré dans les études de neuro-imagerie, c'est que ces sous-groupes distincts n'avaient pas de réalité sur le plan biologique, c'est-à-dire qu'il n'y a vraiment rien qui distingue le cerveau d'une personne qui avait un diagnostic de syndrome d'Asperger par rapport au cerveau d'une personne qui avait un diagnostic de soit trouble autistique soit trouble envahissant de développement non spécifié. Donc, potentiellement que ces catégories qui est les catégories qu'on avait jusqu'alors n'étaient pas très bonnes pour refléter quelque chose qui est différent sur le plan biologique. C'est d'ailleurs une des raisons principales pour lesquelles on a enlevé ces catégories. Dans la nouvelle classification diagnostique, le DSM-V maintenant a un spectre complet avec l'idée que finalement les différences sont peut-être plus continues entre les différentes personnes. Donc, ça ce serait la deuxième manière de mesurer l'hétérogénéité, ce serait d'avoir une mesure qui soit une mesure plus continue. Par exemple, on peut utiliser des outils classiques dans le domaine de l'autisme, comme par exemple l'ADOS, qui va nous donner un niveau de sévérité des symptômes. Et ça, comme je vous le disais, c'est par exemple ce qu'on fait des personnes avec le consortium d'ABIDE qui ont montré que plus les symptômes d'autisme sont importants, avec l'outil de l'ADOS, plus il y a un certain nombre de structures qui ont un volume augmenté, en particulier des structures comme l'hippocampe, l'amygdale ou [INCONNU] ou alors l'épaisseur du cortex qui est augmentée aussi chez des personnes qui ont plus de symptômes de l'autisme. Donc, vous voyez que ça c'est un exemple. Ils ont aussi montré qu'il y avait des différences par rapport au plan cognitif, mais vous voyez que c'est des exemples qui montrent qu'avec des mesures continues, on arrive à mieux comprendre comment est-ce qu'il pourrait y avoir certaines structures qui sont différentes et de quelles directions en fonction de différents types de symptômes, de leur nature ou de leur intensité. Il y a encore d'autres manières de voir l'hétérogénéité. Comme je vous le disais, il y a par exemple l'apparition. Donc, là il y a aussi eu des études qui ont montré que selon que la personne ait une apparition vraiment progressive des symptômes, c'est-à-dire qu'il y a toujours quelque chose qui est un petit peu différent et que le diagnostic d'autisme, on peut le poser relativement tôt, ou alors d'autres personnes qui ont eu un développement qui paraissait relativement typique, avec un moment de révélation. Donc, ça c'est une autre manière de voir l'hétérogénéité dans le spectre en disant, potentiellement ces deux personnes qui ont des trajectoires de développement différents pourraient avoir une signature cérébrale qui est aussi différente, dans le sens que par exemple les personnes qui ont eu un développement relativement correct au début, peut-être on peut imaginer que sur le plan développemental, l'altération apparaît plus tard uniquement. Et ça, il y a eu quelques études qui ont montré que ça pouvait être le cas. Il y a par exemple eu l'étude par Christine Nordahl qui a été publiée en 2011, qui montre que les enfants qui ont eu un début régressif de leurs symptômes, c'est-à-dire qui avaient un bon développement et puis ensuite ont régressé à un certain moment sont des personnes qui avaient tendance à avoir un cerveau plus gros. Donc, vous voyez que tous ces exemples sont vraiment des exemples qui nous montrent comment est-ce qu'on commence à pouvoir disséquer un petit peu les différentes manifestations de l'hétérogénéité, et essayer de comprendre plus progressivement comment est-ce que ces différents symptômes, leurs différentes intensités, leurs différentes natures, sont associées à une signature particulière à l'intérieur du spectre relativement large de l'autisme sans qu'on ait vraiment encore bien réussi à identifier quels sont les bons marqueurs. Il y a un aspect vraiment important de pouvoir distinguer quels sont ces bons marqueurs, c'est que potentiellement, ces marqueurs vont être associés à des réponses qui sont différentes au traitement ou à des marqueurs d'évolution qui sont différents. Donc, on peut imaginer que si on avait des sous-groupes qui étaient des sous-groupes valides sur le plan biologique, ces personnes, ce serait relativement utile de savoir à quel sous-groupe est-ce qu'elles appartiennent puisque ça changerait notre décision thérapeutique pour ces personnes-là. Vous voyez là que là, on a vu vraiment sur le plan symptômes tout ce qui pouvait affecter l'hétérogénéité des symptômes sur le plan cérébral. Il y a encore un autre aspect de l'hétérogénéité qui est le dernier dont je vous ai parlé qu'on n'a pas abordé, c'est l'aspect de l'hétérogénéité sur le plan génétique. Donc, on sait que dans l'autisme, il y a 1 000 gènes qui ont été impliqués dans les symptômes d'autisme, et on peut imaginer que ces gènes aient finalement conduit à des patterns, donc en fait à des signatures cérébrales qui sont différentes, selon qu'on parle d'un syndrome neurogénétique particulier ou d'un autre. Et là encore, il y a finalement relativement peu qui a été publié sur le sujet, mais il y a des études assez prometteuses qui montrent que par exemple chez la souris, on arrive à regrouper parmi plusieurs types de modèles génétiques différents, qu'il y a en fait des groupes de, ils ont trouvé trois clusters différents qui forment en fait trois modèles dans lesquels ont peut avoir un pattern spécifique d'augmentation ou de diminution d'un type spécifique d'une structure et que ça c'est quelque chose qu'on va avoir uniquement dans un groupe de souris qui avaient plusieurs types d'anomalies génétiques différentes. Un autre groupe qui a plusieurs types va avoir un autre pattern, et que malgré le fait qu'ils avaient 26 modèles génétiques différents, ils se sont retrouvés avec uniquement trois sous-groupes biologiques distincts à la fin. Donc, ça c'est des études chez la souris qui sont assez prometteuses et qui ouvrent la possibilité que peut-être on arrivera aussi à faire ce genre d'études chez l'humain, qui nous permettra à terme d'identifier quels sont les sous-groupes qui réagissent mieux à un type de traitement ou qui ont des évolutions différentes à l'intérieur de l'hétérogénéité du spectre de l'autisme. [MUSIQUE] [MUSIQUE]