[MUSIQUE] Bonjour. Dans cette vidéo, je vais vous parler maintenant de toute une série de théories qui ont été développées par Simon Baron-Cohen, qui est un chercheur anglais qui a beaucoup travaillé dans le domaine de l'autisme, et qui a finalement fait évoluer ces modèles de compréhension de l'autisme. Donc, je vous propose dans cette vidéo qu'on retrace un petit peu l'évolution de la pensée de cet auteur au travers de ses différentes formulations théoriques. Ce qui est intéressant, c'est que cet auteur, contrairement au modèle du manque de cohérence centrale dont je vous ai parlé tout à l'heure, se centre plus spécifiquement sur les difficultés d'interaction et de communication sociale que présentent les personnes avec autisme. Donc, dans sa première formulation théorique, Simon Baron-Cohen propose un modèle qu'il l'appelle the mind blindness, qu'on pourrait traduire en français par cécité mentale. Il propose alors que les personnes qui sont sur le spectre auraient une difficulté spécifique à pouvoir comprendre les états mentaux d'autrui, ce qui correspondrait à une difficulté de ce qu'on appelle la théorie de l'esprit. Pour Baron-Cohen, le fait d'avoir cette difficulté spécifique de théorie de l'esprit rendrait les comportements des autres imprévisibles, ce qui pourrait être au final vécu comme étant angoissant ou inquiétant. Donc, pour tester ce modèle de cécité mentale, on peut utiliser finalement un certain nombre de tâches de théories de l'esprit qui ont été développées justement pour permettre d'évaluer si les personnes ont la capacité à inférer des états mentaux plutôt cognitifs, c'est-à -dire des croyances chez d'autres personnes ou alors des états mentaux plutôt affectifs, c'est-à -dire des ressentis chez une autre personne. Il y a plusieurs tâches très célèbres qui ont été utilisées pour évaluer la théorie de l'esprit, comme par exemple ici la tâche de Sally et Anne. Dans cette tâche, il y a deux personnages, Sally en bleu et Anne en jaune. Sally a une bille qu'elle met dans son panier. Ensuite, Sally quitte la pièce et Anne décide de déplacer la bille du panier à la boîte. Ensuite, Sally retourne dans la pièce et veut chercher sa bille. Et donc, la question qui est posée à l'enfant ou à la personne qui passe cette tâche c'est, où est-ce que Sally ira la bille? Donc, si l'enfant infère correctement l'état mental de Sally, l'enfant devra répondre que Sally ira chercher sa bille dans le panier et non dans la boîte puisqu'elle n'avait pas connaissance que la bille a été déplacée. Donc, ce type de tâches est ce qu'on appelle des tâches de fausses croyances. Il y a également d'autres tâches qui évaluent plutôt la capacité à inférer des états mentaux affectifs, comme la tâche The reading the mind in the eyes, qui a été développée par Simon Baron-Cohen. Dans cette tâche, on voit simplement les yeux d'une personne et il y a plusieurs possibilités d'état mental, et il faut choisir la bonne proposition qui correspondrait au ressenti de la personne. Donc, ces études ont été largement utilisées dans le domaine de l'autisme et ont montré de manière assez systématique que les personnes qui sont sur le spectre ont davantage de difficultés à ce type de tâches que les personnes avec un développement typique. Donc, dans cette proposition initiale de Baron-Cohen, on peut relever un certain nombre de limites que Baron-Cohen a relevées lui-même par rapport à ce modèle. La première limite c'est que cette proposition ne permet pas du tout d'expliquer tout le domaine de symptômes qui sont les comportements répétitifs et les intérêts restreints, et ce focuse essentiellement sur les aspects sociaux de l'autisme. La deuxième critique qu'on pourrait amener c'est que les difficultés de théorie de l'esprit sont relativement peu spécifiques à l'autisme, puisqu'on en retrouve également dans beaucoup d'autres populations cliniques. Et la dernière limite qu'on pourrait évoquer par rapport à ce modèle, c'est qu'il se centre uniquement sur les faiblesses des personnes qui sont sur le spectre, et ça n'intègre pas du tout les forces qui caractérisent également leur profil. Pour faire évoluer ce modèle, Simon Baron-Cohen a proposé une adaptation qui s'appelle la théorie de l'empathie-systématisation. Dans ce modèle, il conceptualise les symptômes de l'autisme sur deux dimensions orthogonales. La première dimension c'est la dimension d'empathie, qui regroupe les compétences de théorie de l'esprit et d'empathie comme je l'ai évoqué tout à l'heure. Et la seconde dimension, les compétences de systématisation, se réfère finalement aux compétences des personnes à analyser les choses en tant que système, et donc à prioriser plutôt les informations locales au détriment des informations générales. Si vous vous rappelez bien, ça vous fait penser un petit peu à ce que j'avais expliqué par rapport au modèle du manque de cohérence centrale. Donc, selon Baron-Cohen, on peut finalement situer chaque personne sur sa position par rapport à ces deux axes. Et ce qu'il propose, c'est que les personnes avec autisme auraient des compétences plutôt basses dans la dimension d'empathie et des compétences typiques par rapport à la norme, voire supérieures à la norme dans cette deuxième dimension de systématisation. Et finalement, pour lui, ce qui serait particulièrement important, c'est l'écart entre ces deux dimensions. Et s'il existe un écart important, les personnes auraient plutôt tendance à avoir un profil qui serait compatible avec un profil de trouble du spectre de l'autisme. Et plus récemment, Simon Baron-Cohen est allé encore une étape plus loin dans la conceptualisation de son modèle, en introduisant la notion de différence entre les sexes. Pour Simon Baron-Cohen, en fait, si on regarde les données de la littérature, on pourrait observer que dans la population générale, les femmes auraient des compétences d'empathie plutôt supérieures à celles des hommes, alors que les hommes auraient des compétences de systématisation plutôt supérieures à celles des femmes. Et donc, sur la base de cette observation, Simon Baron-Cohen propose que les personnes qui sont sur le spectre auraient un profil qui ressemblerait davantage au profil masculin, mais de manière amplifiée, ce qu'il appelle la théorie du cerveau masculin extrême. Et pour Simon Baron-Cohen, il y a un certain nombre de données neurobiologiques qui permettraient de sous-tendre cette théorie. La première c'est que, si on regarde dans la population générale, on voit qu'il y a des différences notables d'organisation cérébrale entre les hommes et les femmes. En particulier, les hommes auraient un profil cérébral qui serait caractérisé par davantage de connectivité au niveau local et des connexions qui seraient un petit peu moins efficientes par rapport aux femmes au niveau de la connexion longue distance entre différentes régions cérébrales. Et donc, si vous vous rappelez de ce que j'ai évoqué tout à l'heure, ce profil cérébral à nouveau ressemblerait en fait de manière exacerbée à celui des hommes chez les personnes avec autisme. Pour terminer, Simon Baron-Cohen propose que ce profil cérébral d'hypoconnectivité longue distance et d'hyperconnectivité locale serait influencé par le niveau d'exposition à la testostérone lorsque les bébés sont dans le ventre de leur mère. Ce qu'il faut savoir c'est qu'il y a certaines données qui ont tendance à aller dans le sens de cette proposition, mais que ça a été aussi très débattu dans la littérature avec d'autres données qui n'ont pas du tout soutenu cette théorie. En conclusion, les théories de Simon Baron-Cohen offrent vraiment un éclairage intéressant sur les difficultés d'interaction et de communication sociales qui caractérisent les personnes sur le spectre, et elle a conduit en fait à toute une ligne de recherches dans le domaine de la cognition sociale chez les personnes avec autisme. On peut toutefois souligner de nouveau quelques limites à ce modèle. La première limite c'est que cette dimension d'empathie qui a été décrite par Baron-Cohen est tout de même assez large et regroupe probablement une multitude de construits qui ne sont pas suffisamment subdivisés dans cette théorie. L'autre limite qu'on peut avancer c'est que selon ces théories, les difficultés de théorie de l'esprit devraient nécessairement être présentes chez les personnes qui sont sur le spectre pour expliquer qu'elles présentent des difficultés au niveau des interactions sociales. Cependant, il y a quand même un certain nombre d'études dans la littérature qui suggèrent que certaines personnes avec autisme ne présentent pas du tout de difficultés au niveau de la théorie de l'esprit, ce qui est difficile à comprendre dans le cadre de ce modèle. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a également d'autres théories alternatives qui proposent qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des processus cognitifs de très haut niveau pour comprendre les intentions d'autrui, et que finalement, une partie des intentions d'autrui serait directement appréhendable en observant la personne. Et donc, ces théories proposent finalement une alternative dans les cas de figure où on n'aurait pas de difficulté de théorie de l'esprit chez les personnes avec autisme. Et finalement, la dernière limite qu'on pourrait amener par rapport à ces théories, c'est qu'elles intègrent assez peu l'aspect développemental, et donc on a de la difficulté à comprendre comment les difficultés des personnes qui sont sur le spectre de l'autisme se construisent au fur et à mesure du développement. Dans la prochaine séquence, nous vous parlerons justement de la théorie de la motivation sociale, qui a mis une emphase particulière sur l'aspect développemental dans l'autisme. 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