[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans cette séquence, nous allons parler de la spécificité du processus attentionnel en lien avec l'autisme. Dès le premier instant de notre vie, nos sens sont inondés d'informations qui proviennent d'un monde qui est très riche, très complexe, et qui est en constante évolution. Les mécanismes d'attention sont responsables de sélection d'une petite partie de ce déluge. Ce qui capte automatiquement notre attention et ce à quoi nous décidons volontairement de nous intéresser va définir la manière dont nous allons percevoir le monde, la manière dont nous allons vivre et aussi la manière dont notre cerveau va se spécialiser. L'attention peut être définie au sens large comme le mécanisme de sélectivité perceptuelle. Ainsi, elle prend un rôle central dans le fonctionnement cognitif d'un individu. De nombreuses recherches ont montré des particularités au niveau attentionnel en lien avec l'autisme. Maintenant, je vais vous inviter à visionner une scène sociale que nous avons montrée à un enfant avec un développement typique âgé de deux ans, et un enfant du même âge avec un TSA. Au début, nous allons visionner la scène telle qu'elle était montrée aux deux enfants et, par la suite, vous allez visionner cette scène, et quand les choses qui étaient dans le focus attentionnel des deux enfants seront claires, toutes les autres parties de la scène seront noircies. [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] Ce qui est très flagrant sur cette petite scène d'interaction qui contient beaucoup d'objets, beaucoup de différents animaux, une petite ferme, c'est que l'attention de l'enfant avec un TSA est exclusivement attirée par les objets. L'enfant va passer la séquence entière à observer la petite ferme. Il ne va jamais lever son regard vers des visages. Ceci n'est pas le cas d'un enfant avec un développement typique du même âge. Il va regarder les objets, bien évidemment, mais il va aussi vérifier la réaction des différents personnages sur ce petit extrait. Deux ans plus tard, l'enfant avec un TSA va développer une grande expertise en ce qui concerne les dinosaures. Il va pouvoir nous nommer tous les dinosaures, mais son langage sera très peu fonctionnel, et l'attention soutenue au visage sera très problématique. On voit que ce petit extrait d'une scène très, très courte est très indicatif de la manière dont l'attention de cet enfant fonctionne et aussi de son développement ultérieur. Maintenant, nous allons nous plonger un peu plus dans les mécanismes qui sont derrière cet emploi attentionnel atypique dans l'autisme. Selon Posner et ses collaborateurs, l'attention est un système très complexe, qui concerne l'interaction de trois réseaux : le réseau d'alerte, le réseau d'orientation et le réseau exécutif. Ces trois réseaux attentionnels sont fonctionnellement distincts mais interagissent dans un fonctionnement attentionnel adapté. Le réseau d'alerte a un rôle de gardien de sécurité. Ce réseau veille sur l'information, et donc il va se déclencher s'il y a un élément qui change dans notre environnement et auquel il faudrait qu'on fasse attention de manière plus soutenue. Si on veut soutenir notre attention de manière plus prolongée pendant des périodes plus longues, l'attention dite soutenue, alors c'est ce réseau qui va être impliqué. Le soubassement cérébral de ce réseau se trouve dans la partie droite frontale et aussi dans la partie du tronc cérébral qui maintient le niveau d'éveil, de vigilance. Le réseau d'orientation est responsable d'une attention pus sélective. C'est avec ce réseau que nous allons pouvoir déplacer notre attention de différents focus de manière flexible. Ce réseau est concerné par des régions plutôt pariétales de notre cerveau. Le dernier réseau est le réseau exécutif. Ce réseau est impliqué dans différents processus. Il est impliqué dans le processus d'inhibition, par exemple les distracteurs, de résolution des conflits et de pouvoir flexiblement déplacer l'attention dans l'espace, de switch attentionnel flexible. Les régions qui sont à les bases du fonctionnement de ce réseau, ce sont des régions plutôt frontales, et le cortex cingulaire antérieur. À la naissance, notre attention l'emploie d'une manière plutôt réflexe et automatique, et elle est principalement contrôlée par des mécanismes sous-corticaux. C'est vers l'âge de trois mois qu'on voit l'apparition fonctionnelle du contrôle volontaire de l'attention par des mécanismes plutôt postérieurs. Ces mécanismes postérieurs d'orientation d'attention vont subir une maturation assez rapide entre l'âge de trois et six mois. Les bébés vont pouvoir de plus en plus rapidement se désengager d'une cible pour engager leur attention sur une autre cible. C'est vers l'âge de six mois qu'on voit l'apparition fonctionnelle du contrôle plutôt antérieur de l'emploi de l'attention. Les bébés vont pouvoir orienter leurs fixations d'une manière volontaire. Ils vont aussi pouvoir, avec beaucoup plus de succès, inhiber les distracteurs et aussi soutenir l'attention pour des périodes de plus en plus longues. Et cette maturation va continuer pendant l'enfance. En ce qui concerne le fonctionnement attentionnel à travers à travers ces trois réseaux dans l'autisme, la littérature sur, par exemple, le réseau d'alerte est assez mitigée. Il y a des études qui montrent que les personnes avec des symptômes d'autisme montrent des compétences supérieures à la norme quand il s'agit, par exemple, de soutenir l'attention pour des périodes prolongées sur un sujet de leur intérêt. Ça, on voit très clairement dans l'investissement que ces personnes ont dans les différents sujets qui s'inscrivent dans leurs sujets d'intérêt, ce qu'on appelle les intérêts restreints. Ceci est aussi lié à la motivation. Si la motivation n'est pas si bonne, on ne retrouve pas forcément les mêmes compétences. D'autres études montrent une hyperactivation de ce réseau dans l'autisme, qui pourrait être à la base des différentes particularités aussi au niveau sensoriel, telles que hypersensitivité à l'entrée sensorielle. En ce qui concerne l'orientation de notre attention, notre attention pourrait être orientée par des mécanismes qui sont plus exogènes, qui sont plus sous le contrôle des propriétés physiques de notre environnement, et qui appartiennent à ce qu'on appelle Bottom-up attention. Et aussi, elles pourraient être orientées par des mécanismes qui sont plus de l'ordre Top-down, des mécanismes volontaires et des mécanismes qui sont endogènes, qui viennent de nous. On voit des études qui montrent que dans l'autisme, les personnes sont plus sensibles aux propriétés physiques de l'environnement qui nous entoure. Par exemple, dans les études qui ont utilisé des images de scènes naturalistes, on voit que les personnes avec autisme ont tendance à s'appuyer plus sur des propriétés telles que couleur, contraste, et regardaient plus souvent vers le centre d'une image que vers la périphérie. On connaît un peu moins comment ça se passe dans une exploration plus naturaliste et dans les scènes dynamiques. Aussi, une autre chose qu'on connaît moins c'est comment ça se passe dans le développement. Mais toujours en ce qui concerne le réseau d'orientation, on sait que dès l'âge très, très précoce, on voit les premiers signes de difficultés dans ce domaine. Dans le développement typique, ce que nous avons pu remarquer c'est que ce réseau subit une maturation accélérée dans la première année de vie. Entre 6 et 12 mois, les enfants avec un développement typique vont être de plus en plus rapides dans leur manière de se désengager d'une cible qui a été dans le focus de leur attention. Ceci ne va pas être le cas de tous les enfants qui présentent des difficultés en lien avec l'autisme. Ces enfants-là vont avoir tendance à être engagés plus longtemps sur une cible et avoir des difficultés à déplacer l'attention de manière flexible vers une autre cible. La possibilité de désengager notre attention est très précieuse. Par exemple, si on est en face d'une stimulation négative, la possibilité de désengager notre attention vers un autre focus attentionnel ou vers une autre source de stimulation pourrait être très bénéfique pour la régulation émotionnelle. Aussi, différentes compétences sociales nécessitent qu'on puisse flexiblement engager et réengager notre attention. Ceci est particulièrement le cas de l'attention conjointe, qui nécessite un switch flexible entre différents focus attentionnels. En ce qui concerne le dernier réseau, le réseau exécutif, les difficultés en lien avec le fonctionnement de ce réseau ont été rapportées mais plus tardivement, pas très tôt dans l'enfance, donc vers l'âge de quatre, cinq ans. Ceci est indicatif que peut-être les difficultés dans ce domaine ne sont pas primaires. Elles peuvent être secondaires à l'apparition d'autres difficultés du type autistique. Donc, ce pattern de forces et faiblesses qui est présent dans l'autisme en ce qui concerne le fonctionnement attentionnel nous inspire à chercher à comprendre quels sont les mécanismes qui gouvernent cet emploi attentionnel atypique, et comment est-ce qu'on pourrait faire pour aider ces personnes à mieux mettre leurs forces au service de leurs faiblesses relatives dans le domaine attentionnel. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]