[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour et bienvenue. Dans cette session nous vous proposons de découvrir le lien entre croissance du PIB et croissance de la consommation ou de la dissipation d'énergie à travers l'équation dite de Kaya. Le découplage de la croissance de la consommation d'énergie et de celle du PIB est possible. Dans un contexte de forte croissance de la population au Sud ce découplage est même indispensable. Ce découplage et la décarbonation de l'économie sont les deux clés d'une transition énergétique réussie. [BRUIT] [AUDIO VIDE] [BRUIT] Sur ce graphique on trouve en abscisse la quantité d'énergie primaire dissipée au niveau mondial et en ordonnée le PIB mondial réel en parité de pouvoir d'achat. Le premier point de la courbe correspond à l'année 1960, le dernier, en haut à droite, à l'année 2012. Comme vous le voyez sur ce graphique, le ratio de l'augmentation de la richesse produite, évaluée en dollar constant au niveau mondial, sur l'augmentation de la quantité d'énergie primaire utilisée, ce ratio est pratiquement constant. Le découplage consisterait à produire plus de richesses sans augmenter l'énergie ou avec moins d'énergie. Un découplage parfait serait donc illustré par une courbe verticale, dont on voit que nous sommes encore très loin, à l'échelle mondiale. Tant que la prospérité sera mesurée par le PIB, et que la transition énergétique vers le bas carbone n'aura pas encore été effectuée, la dépendance de la consommation d'énergie, qui est à 80% d'origine fossile, dans le monde, restera très forte. La question d'un découplage complet entre le PIB et toute forme d'énergie reste donc encore ouverte. Entre 1960 et 2013, le PIB mondial, produit avec une quantité d'énergie donnée, a augmenté de 40%. Ce qui signifie qu'avec la même quantité d'énergie on a pu faire environ 0,8% de PIB de plus, chaque année, en moyenne. En fait, comme vous le voyez sur ce second graphique, pendant la décennie 1960 le gain a été nul. Ce qui peut s'expliquer par le fait que l'énergie fossile, à cette époque, était apparemment disponible sans limite et à un prix de plus en plus bas. Par ailleurs, après les chocs pétroliers de 1974 et 1979, on observe des efforts d'efficience et de décarbonation suite au renchérissement de l'énergie fossile. Dans une économie agraire, par exemple un pays de l'Afrique subsaharienne, sans énergie fossile ou presque, un paysan pauvre produit un PIB de l'ordre de un dollar par jour avec la seule énergie de son corps, laquelle n'excède pas un kilowattheure d'énergie mécanique par jour. L'efficacité énergétique du PIB y est donc de un dollar par kilowattheure ou à peu près. Dans les pays occidentaux, le PIB par personne est de quelques dizaines de milliers de dollars par an, et la consommation d'énergie de l'ordre de 50 000 kilowattheures par an. Nous sommes donc là aussi à un ratio de un dollar zéro cinq, deux dollars par kilowattheure. Autrement dit, l'abondance énergétique n'améliore par nécessairement l'efficacité énergétique de l'économie, et parfois bien au contraire. [BRUIT] [BRUIT] L'économiste japonais Yoichi Kaya a développé une équation popularisée par le GIEC. Au départ cette équation est une tautologie. On décompose les émissions anthropiques en gaz carbonique produit par tonne équivalent pétrole, puis en tonne équivalent pétrole rapportée au PIB, puis au PIB par personne, puis rapportée à la population. Mise en mots, cette équation nous dit que les émissions de gaz carbonique sont toujours égales au contenu en gaz carbonique de l'énergie consommée, multiplié par l'intensité énergétique du PIB, multiplié par la richesse par personne, multiplié par la population. Cette forme de l'équation de Kaya met en évidence le défi que représente la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en 2050, ce qui est l'objectif de la transition écologique. Ce défi est d'autant plus difficile à relever dans le contexte de prévisions démographiques qui font état d'une augmentation de 30% de la population mondiale d'ici 2050. Une croissance du PIB par tête de 3% par an, d'ici 2050, signifie en effet une multiplication du PIB par tête d'un peu moins de trois d'ici la moitié de ce siècle. Si nous voulons que le terme de gauche de l'équation de Kaya soit divisé par quatre cela veut donc dire que le terme de droite, mis à part le ratio PIB par tête, doit être divisé par 15, peut-être même 20. Si le ratio PIB par tête doit croître de 3% par an, nous mesurons alors l'ampleur du défi. Il faut diviser au moins par quatre l'intensité carbone de l'énergie d'ici 2050 et diviser au moins par deux l'intensité énergétique du PIB mondial. Est-ce possible? L'équation de Kaya nous permet également d'analyser la dépendance à l'énergie de la croissance du PIB. De 1965 à 1981, la croissance mondiale du PIB par habitant s'est établie à 3,5 % par an en moyenne, ce qui est considérable. À peu près 2,5 sur les 3,5 correspondaient à l'augmentation de la consommation d'énergie primaire par habitant et le pourcent restant à l'augmentation de la productivité de la consommation d'énergie primaire, le fameux progrès technique. De 1981 à 2013, la croissance de la consommation d'énergie primaire par habitant a chuté à 0,5 %. La croissance du PIB mondial a donc, logiquement, fortement ralenti. Quant au Japon, depuis 2000, les trois termes de l'équation y sont nuls, essentiellement à cause de la déflation. L'enjeu du découplage est donc de produire davantage de richesses tout en réduisant notre dépendance à l'énergie. [BRUIT] Un début de découplage s'est observé depuis 40 ans sur la consommation du pétrole à l'échelle mondiale. À la faveur du traumatisme des deux chocs pétroliers des années 1970, l'industrie s'est adaptée en devenant moins dépendante du pétrole. Des efforts d'efficience ont été faits dans de nombreux secteurs et des énergies décarbonées ont été développées. Le développement rapide du nucléaire, en France, a résulté d'une volonté politique délibérée de réduire la dépendance du pays à l'or noir. Les efforts de découplage ont porté leurs fruits au niveau mondial, comme le montre le graphique que vous voyez en ce moment. En abscisse on a cette fois la consommation mondiale de pétrole et en ordonnée le PIB mondial réel en parité de pouvoir d'achat. La rupture de pente que vous pouvez observer dans les années 1980 traduit l'effort de découplage partiel qui a été réalisé au niveau mondial. Le programme des Nations unies pour l'environnement a produit en 2014, par ailleurs, un rapport sur le découplage qui pointe vers la nécessité d'un effort considérable en termes d'efficacité par rapport à l'usage des matières naturelles comme les minerais. Il faudrait atteindre un découplage absolu, c'est-à-dire une baisse de la consommation de matières alors que le PIB augmente, et non seulement un découplage relatif, c'est-à-dire une hausse de la consommation de matières moins rapide que celle du PIB, pour réaliser une croissance soutenable. Le dernier rapport, remis au Club de Rome en 2015 par le physicien italien Ugo Bardi, confirme cet avertissement alarmiste sur notre dépendance, non seulement au pétrole, mais aux minerais contenus dans le sous-sol terrestre. Les crises pétrolières ont obligé à un début de découplage qui s'est avéré efficace, au moins par rapport au pétrole. Plutôt que de continuer à consommer les énergies fossiles et les minerais, comme s'ils étaient inépuisables et comme si les énergies fossiles n'étaient pas émettrices, il est urgent de systématiser les efforts d'efficience et la mise en œuvre de schémas d'économie circulaire, via le recyclage, qui sont d'excellentes réponses à cet impératif mais tardent à être mis en œuvre dans les économies développées. Merci de votre attention. [BRUIT] [MUSIQUE] 30% de celles du Sénégal, du Mali et de l'Ukraine, 20% de celles de l'Ouganda, de l'Afrique du Sud, du Chili, de l'Indonésie, des Philippines et de la Chine. Ces pays certes ont bénéficié d'une amélioration de leur balance commerciale en 2014, grâce à la chute du cours, et d'une réduction de leurs besoins en devises fortes. Certains d'entre eux en ont profité d'une manière vertueuse pour supprimer les subventions à l'usage des carburants d'origine pétrolière pour les entreprises et les ménages, c'est le cas de l'Indonésie en particulier. Dans certains contextes macro-économiques, comme celui de l'Égypte, qui connaît une très forte inflation et une économie déjà ralentie par de graves pénuries, c'est beaucoup plus difficile à faire. Le coût pour l'État égyptien des subventions à l'usage des combustibles fossiles était de plus de 10 % du PIB en 2013. La croissance de l'économie indienne, quant à elle, a été fortement dopée par la chute des prix du pétrole, et cet effet semble s'être prolongé sur l'année 2015. [BRUIT] À présent regardons l'impact des variations du prix du pétrole sur les pays du Sud, exportateurs. Les pays exportateurs de pétrole sont souvent extrêmement dépendants de la ressource pour leur balance commerciale, c'est-à-dire que le pétrole représente pour la plupart d'entre eux plus de 60 % de leurs exportations. C'est tout le problème d'un modèle de développement global centré sur les industries fossiles. Ces économies ont été orientées bien plus vers l'exportation de la ressource que vers le développement d'une société autonome. Ainsi en est-il de la plupart des économies du Moyen-Orient, de la Russie ou du Nigéria. Ces pays ont donc été touchés de plein fouet par la chute du cours, avec des conséquences différentes pour le Moyen-Orient qui a de quoi voir venir, et d'autres pays qui, eux, ont moins de réserves en devises. On peut noter néanmoins que l'Arabie saoudite a réalisé le premier emprunt de son histoire sur les marchés financiers et qu'elle a lancé le processus d'appel aux capitaux internationaux pour sa société pétrolière nationale, ARAMCO, qui devra à cette occasion publier le chiffre de ses réserves. Le PIB de la plupart des pays exportateurs s'est fortement contracté à partir de 2014, 2015. La Russie, par exemple, a connu une contraction majeure. La baisse du pétrole a dévasté le Vénézuéla, directement, par un manque à gagner de près de 80 milliards de dollars, une chute de 8 % de son PIB, la plus violente du monde ; et indirectement, parce que les investisseurs internationaux ont cessé de lui prêter. L'État vénézuélien a répondu en imprimant de la monnaie pour faire face à ses besoins immédiats, entraînant une hyper inflation de presque 500 %. La privation de devises a entraîné des pénuries de produits alimentaires et sanitaires de première nécessité qui illustrent s'il en était besoin combien les économies axées sur la rente pétrolière sont vulnérables. La crise vénézuélienne devrait nous inviter à construire rapidement, particulièrement au Sud, des modèles de développements économiques peu, ou moins dépendants des énergies fossiles. En effet, la volatilité du prix du pétrole ne doit pas nous faire oublier la réalité physique. Le rendement des puits de pétrole américains a fortement décliné à partir de 1950. Il arrivera mécaniquement la même chose aux puits d'Arabie saoudite pendant la première moitié de ce siècle. Les autres réserves qui existent sont beaucoup plus difficiles d'accès, donc fournissent un carburant moins rentable énergétiquement. Indépendamment de toute considération de prix, une énergie dont le rendement énergétique est nul ou négatif ne peut pas conduire à une croissance économique. Le pétrole se renchérira donc nécessairement et drastiquement et s'épuisera au cours de ce siècle, et ce pour des raisons géologiques, même en l'absence de taxe carbone ou d'interdiction d'extraction pour des raisons liées au climat. Il est donc impératif de réduire rapidement la dépendance des pays du Sud, dont la crise de 2014 a montré qu'elle pouvait coûté si cher, et de construire le développement des économies émergentes en dehors de cette ressource polluante. [BRUIT] [MUSIQUE]