[MUSIQUE] Bonjour, dans cette session nous allons construire ces fameux corps finis, dont on a déjà parlé. Alors c'est une construction un petit peu abstraite. On ne va pas aller jusqu'à donner les tables de multiplication, même si ça serait en fait possible. Et, avant de faire cette construction, je vais faire quelques préliminaires sur les corps de caractéristique p. Finis ou pas. Une première proposition. Soit k un corps de caractéristique p, je considère l'application de k dans k, qui a petit x, associe, x puissance p. Cette application est un morphisme de corps, je vais rappeler ce que ça veut dire tout à l'heure, on l'appelle le morphisme de Frobenius et on le note F indice petit k, ou simplement F, lorsque le contexte est clair. Donc morphisme de corps, qu'est-ce que ça veut dire? Tout d'abord que, F de zéro, égale zéro et, F de 1 égale 1, ce qui est évident dans ce cas. Et enfin que F respecte la multiplication, c'est-à-dire que, F de x y égale, F de x, F de y. Alors dans le cas du morphisme de Frobenius, c'est clair, puisque F de x y c'est, x y puissance p, qui est bien égal à, x p, y p, c'est-à-dire, F de x, F de y. Je rappelle qu'on est toujours dans des corps commutatifs, donc on peut échanger l'ordre des facteurs dans les multiplications. Alors la dernière propriété à vérifier, et plus intéressante, il s'agit de montrer que F respecte l'addition. C'est-à-dire que, F de x plus y, est égal à, F de x plus F de y. Alors, F de x plus y, c'est, x plus y puissance p, qu'on peut développer par la formule du binôme, ça donne donc, somme de, i égal zéro à p, coefficient binomial donc, i parmi p, fois, x i, y puissance p moins i. Comment cela peut-il bien être égal à F de x plus F de y, c'est-à-dire à, x p plus y p? Cela provient du fait que les coefficients binomiaux ont une propriété de divisibilté par p. Donc regardons cela de plus près. Je prends i, strictement compris entre zéro et p, et je regarde le produit de factorielle i par, i parmi p, ça donne donc, p fois p moins 1, etc., p moins, i plus 1. Alors, comme i est strictement positif, ce produit est divisible par p. D'un autre côté, comme i est strictement plus petit que p, factorielle i n'est pas divisible par p. Le lemme de Gauss entraîne donc que p divise l'entier, i parmi p. Dans notre corps k, qui est de caractéristique p, cela veut dire que, i parmi p, fois 1, est égal à zéro. Donc, dans la somme obtenue par développement de, x plus y à la puissance p, tous les termes dans k sont nuls, sauf le premier et le dernier. Le premier c'est, x puissance p, et le dernier c'est, y puissance p. On a donc bien démontré que, F de x plus y est égal à, F de x plus F de y, ce qui termine la démonstration de la proposition, F est bien un morphisme de corps. Revenons, à titre d'exemple, vers le cas du corps fini, F p, qui est, je vous le rappelle l'ensemble, z sur p z, muni de l'addition et de la multiplication. Alors, dans le groupe multiplicatif, z sur p z étoile, multiplié, le théorème de Lagrange nous dit que, pour tout x dans, z sur p z étoile, c'est-à-dire pour tout x non nul, on a, x puissance p moins 1, égale 1. Cela entraîne que pour tout x dans, F p, on a, x puissance p égale x. Puisque le seul élément manquant était zéro, et qu'il vérifie bien cette égalité. Alors, x puissance p c'est l'image de x par le morphisme de Frobenius, on obtient donc, pour tout x dans F p, F de x égale x, le morphisme de Frobenius est l'identité pour le corps F p. Passons maintenant au cas général d'un corps fini petit k. On a déjà vu qu'un tel corps est de caractéristique p, un nombre premier, et de cardinal p puissance n, pour un certain entier, n, strictement positif. De nouveau, le théorème de Lagrange, appliqué au groupe fini, k étoile, donne que, pour tout x dans k étoile, x puissance q moins 1, est égal à 1. En multipliant des deux côtés par x, on obtient que, pour tout x dans k, on a, x puissance q, égale x. Alors, x puissance q, n'est plus, ce coup-ci, l'image de x par le morphisme de Frobenius, mais par une composée de, n fois le morphisme de Frobenius. On a donc, pour tout x dans k, F puissance n de x, égale x. C'est-à-dire que la composée de F avec lui-même, n fois, est égale à l'identité. Alors, nous allons vous présenter un petit quizz qui permettra de tester votre compréhension de cette belle formule. Donc continuons avec notre corps fini, petit k, et considérons un corps, grand k, contenant petit k. Le polynôme, x puissance q, moins x, a au plus q racines dans grand K. C'est un résultat qu'on a vu en général, un polynôme de degré q, dans un corps, a au plus q racines. Mais, les q éléments de petit k sont déjà racines de ce polynôme, on a donc obtenu ainsi toutes les racines, c'est-à-dire que, quelque soit x dans grand k, x puissance q égale x, est équivalent au fait que x est dans petit k. Alors on va utiliser cette remarque pour construire un corps à q éléments. Notre point de départ sera quelque chose qu'on a admis, c'est-à-dire qu'il existe un corps algébriquement clos, qu'on appelle grand oméga, qui contient, F p. On va considérer, à l'intérieur du corps oméga, l'ensemble petit k des racines du polynôme, x puissance q, moins x. Ce polynôme a pour dérivée, q fois, x puissance q moins 1, moins 1, qui est égal à moins 1, puisque la caractéristique du corps divise petit q ; et donc, par un critère vu dans une session précédente, ce polynôme p n'a pas de racine multiple dans oméga, c'est-à-dire qu'il a exactement q racines, donc l'ensemble k, de ces racines, a q éléments. Il se trouve que l'ensemble petit k de ces racines est en fait un corps. On peut faire ça à la main, mais il y a un moyen plus élégant de le démontrer, c'est de considérer petit k comme l'ensemble des points fixes de l'automorphisme de corps, F puissance n, qui à x, associe, x puissance p, puissance n, c'est-à-dire, x puissance q. Il se trouve que c'est un fait général que l'ensemble des points fixes d'un automorphisme de corps est un corps ; et c'est ce résultat que nous allons démontrer. Donc, l'énoncé de la proposition est le suivant. Soit K un corps, soit g un automorphisme de K, alors le corps fixe, c'est-à-dire l'ensemble des points fixes de g, qu'on note, K exposant g, est un sous-corps de K. La vérification est simple, on voit d'abord que, zéro et 1 sont bien des points fixes ; ensuite il faut montrer que la différence de deux points fixes est bien un point fixe ; mais cela résulte du fait que g respecte d'addition et la soustraction, c'est-à-dire qu'on a, g de x moins y, égale g de x moins g de y ; x est un point fixe, donc, g de x égale x ; y est un point fixe, donc, g de y égale y ; et on a bien montré que, x moins y, est un point fixe. De façon semblable, si y n'est pas nul, alors on a, g de x sur y, égale, x sur y. Donc, pour revenir à notre construction, nous sommes partis du corps algébriquement clos, grand oméga. L'ensemble petit k, qu'on a construit, est un corps à q éléments, contenu dans grand oméga. Plus généralement, c'est un résultat qui nous servira plus tard, si je considère un ensemble S, quelconque, d'automorphisme du corps K, le corps fixe de S, qui est l'ensemble des points fixes communs à tous les éléments de S, c'est-à-dire l'ensemble des éléments, petit x de K, tels que, quelque soit g dans S, g de x égale x, c'est aussi un sous-corps de grand K. Pas besoin de redémontrer, c'est tout simplement l'intersection de tous les sous-corps, K exposant g, pour g décrivant l'ensemble des éléments de S. Revenons maintenant à notre construction. À l'intérieur d'un corps grand oméga, algébriquement clos, de caractéristique p, nous avons construit un corps petit k, de cardinal q puissance de p. On peut compléter ce résultat de la façon suivante, donc j'énonce un théorème. Soit p un nombre premier, pour toute puissance q de p, il existe un corps à q éléments, et deux tels corps sont isomorphes. Donc la partie existence, comme je l'ai rappelé, on l'a déjà démontrée. Plus précisément, si on se donne le corps, grand oméga, algébriquement clos, on a montré que, il existe un unique corps petit k, à q éléments, contenu dans grand oméga. C'est tout simplement l'ensemble des racines du polynôme, x puissance q, moins x. Alors nous allons nous servir de ça pour démontrer la deuxième partie du théorème, qui est un résultat d'unicité. Je considère donc un autre corps, k prime, de cardinal q. C'est une extension finie de, F p. On a d'autre part l'extension, grand oméga de F p, et, grâce au résultat de prolongement des extensions, vu dans une session précédente, cette extension peut s'étendre à une extension de, k prime, dans grand oméga. L'image de cette extension dans oméga est alors un sous-corps de oméga, de cardinal q ; et donc c'est, petit k. Puisqu'on a montré que grand oméga contenait un seul tel sous-corps. La conclusion est que, les sous-corps, k prime et k, sont donc isomorphes. Nous avons maintenant construit, pour chaque entier q, puissance de nombre premier, un corps à q éléments, qui est unique, à isomophisme près, et qu'on notera, F indice q. On peut maintenant se poser la question de savoir quand est-ce qu'un tel corps en contient un autre. La réponse à cette question est donnée dans la proposition suivante. Soient k1 et k2 des corps finis. Alors k2 est une extension de k1, si et seulement si, k1 et k2 ont même caractéristique, petit p, et il existe des entiers strictement positifs, n1 et n2, avec n1 divisant n2, tels que, cardinal de k1 égale, p puissance n1, et cardinal de k2, égale, p puissance n2. Donc j'insiste sur le fait que ce sont des puissances de p qui doivent se diviser. Par exemple, cette proposition dit que F4 n'est pas un sous-corps de F8. Passons à la preuve. Alors dans un sens, si k2 est une extension de k1, alors on peut le considérer comme un, k1 espace vectoriel, qui est de dimension n, nécessairement finie. Il est donc isomorphe, en tant qu'espace vectoriel à, k1 puissance n, et donc il est de cardinal de, k1 à la puissance n. Si on écrit donc, cardinal de k1, égale, p puissance n1, on a, cardinal de k2, égale, p puissance n n1. Ce qui est ce qu'on voulait démontrer. On a donc démontré une des implications de la proposition. Pour démonter l'autre, on suppose donc que, cardinal de k2, égale, cardinal de k1 puissance n, c'est-à-dire, p puissance n n1. On a notre corps, grand oméga, algébriquement clos, de caractéristique p, et on a vu que, k2 est isomorphe au sous-corps de oméga, formé des racines du polynôme, x puissance p, puissance n n1, moins x. Ce sous-corps, k2, contient, en fait, l'ensemble des racines du polynôme, x puissance p, puissance n1, moins x. En effet, si petit x est une telle racine, on a, x puissance p, puissance n1, égale x ; en élevant les deux membres de cette égalité à la puissance, p puissance n1, j'obtiens, x puissance p, puissance deux n1, égale, x puissance p, puissance n1, égale x. En itérant cette procédure, on obtient finalement, x puissance p, puissance n n1, égale x. On a donc montré ce qu'on voulait, k2 est bien une extension de k1. Merci de votre attention, et à bientôt pour la prochaine session. Au revoir.