[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Moi, j'aimerais que tu nous parles un petit peu de ce qu'on entend par la représentation du problème. J'aimerais que tu nous expliques un petit peu ce qu'on entend par ce terme-là. >> Il est clair que dès l'instant où on a un problème clinique à résoudre, ce problème peut débuter classiquement par la plainte d'un patient par exemple, mais pas seulement. On peut entrer en matière sur ce problème à travers divers aspects. Ça peut être un examen de laboratoire qu'on reçoit, ça peut être une information que la famille nous donne, par exemple. Mais le cas le plus classique, c'est la plainte initiale du patient, qui peut déjà éveiller, en considérant et la plainte et le contexte dans lequel cette plainte survient, donc quel âge a le patient, est-ce que c'est un homme ou une femme, est-ce qu'il y a des comorbidités déjà connues à ce stade, déjà ces premières informations nous indiquent quel est l'élément sur lequel nous devons réfléchir pour continuer à essayer de résoudre le problème du patient. Ça donne une orientation initiale pour nous indiquer comment continuer finalement la réflexion et donc l'entretien par exemple clinique pour essayer de résoudre le problème. >> Est-ce que tu pourrais décrire encore plus en détail pourquoi c'est important d'avoir rapidement une représentation globale de ce problème-là? >> Au fond, la représentation du problème initiale va conditionner de manière très importante la suite de la réflexion et donc peut-être des hypothèses qu'on va évoquer à ce moment-là, et donc des questions que l'on va poser au patient, des informations que l'on va rechercher peut-être dans son dossier antérieur, et cette représentation initiale, c'est comme une sorte de panneau indicateur qui nous dit vers quoi on veut aller. Et évidemment que l'importance de cette représentation est capitale puisque si elle n'est pas bonne, on peut évidemment partir dans une fausse direction initialement. Donc de se donner cette peine, consciente ou non, mais de bien se représenter initialement quel est l'élément du problème sur lequel je dois réfléchir pour essayer de résoudre le problème du patient est donc un moment clé pour la qualité de la suite de la réflexion. >> Est-ce que tu pourrais nous parler de l'évolution de cette représentation initiale du problème, comment est-ce qu'elle évolue au fur et à mesure de la prise en charge du patient ou des différentes visites du patient? Alors cette représentation, elle évolue au cours de l'entrevue. Est-ce que tu peux nous parler de ça un peu? >> Oui, je pense qu'on a tendance à voir le raisonnement, je pense, parfois comme un peu trop statique. C'est-à-dire que c'est comme si on avait un tableau devant les yeux et qu'on en reconnaît ou pas certains éléments. Le raisonnement, le plus souvent, est dynamique, c'est-à-dire qu'on n'a pas d'emblée tous les éléments sous les yeux. On est obligé de partir de quelque chose, de cette représentation initiale, d'essayer d'avancer, mais de voir aussi comment cette représentation évolue au cours du temps. Par exemple, si j'ai une patiente de 72 ans qui se plaint de lombalgie, ma première représentation, ça va être une femme déjà relativement âgée avec une lombalgie, ça va peut-être déjà me conduire à me poser des questions si cette lombalgie est banale ou non, et je partirai peut-être du principe qu'elle serait plutôt non banale à cet âge. Donc, cette première représentation va conditionner les questions que je vais ensuite poser pour essayer de préciser si cette lombalgie est banale ou non. Si j'apprends en cours de route que cette patiente a déjà eu un antécédent par exemple de fracture du bassin il y a quelques mois, cette représentation va encore changer. Je vais me dire, tiens, il s'agit maintenant d'une femme d'un certain âge, qui a eu plusieurs fractures potentiellement. Donc est-ce qu'il y a une cause sous-jacente que j'aimerais vouloir chercher comme une ostéoporose, comme un myélome? Si je me pose cette question, je vais vouloir fouiller ses antécédents et je vais peut-être découvrir qu'elle a déjà eu une densitométrie osseuse et puis que le myélome a été écarté par des examens adéquats. Et là, ma représentation va encore changer. Je vais me dire, tiens, c'est étrange, cette femme relativement âgée qui vient avec des fractures pathologiques non expliquées par des pathologies relativement prévalentes à cet âge-là, qu'est-ce que je dois chercher d'autre? Et cette représentation va me conduire encore plus loin, peut-être à chercher des hypothèses soit endocriniennes, soit métaboliques et ainsi de suite, pour finalement découvrir que cette patiente a peut-être une malabsorption qui implique finalement une ostéomalacie et un déficient en vitamine D. Donc on peut aller très loin, et tant qu'il le faut, quand cette représentation du problème ne suffit pas à un moment donné à expliquer tous les éléments que l'on a sous le neurone, si je peux dire, ou dans l'esprit. >> À un certain moment, est-ce qu'on peut dire qu'elle se stabilise un certain temps, quitte à continuer à évoluer par la suite? Est-ce qu'à un moment donné, cette représentation est un peu stabilisée? >> Oui, je pense qu'on arrive à un moment donné où on est content avec la représentation qu'on se fait du problème, avec les hypothèses que ça peut induire, et où on se sent à l'aise de pouvoir, avec cette représentation clinique, enchaîner et prendre des décisions de tests de laboratoire ou autres examens, mais qui eux-mêmes vont ensuite ré-influencer la représentation du problème. Si je reviens à madame de tout à l'heure avec sa lombalgie, que je décide de faire une radiographie et que je trouve effectivement des fractures lombaires, ma représentation va être renforcée dans le fait qu'il s'agit de fracture pathologique vu les antécédents que nous avions découverts tout à l'heure chez cette patiente. Si au contraire elle n'a pas de fracture, ma représentation va peut-être un petit peu changer, donc les hypothèses qui vont avec également, et donc peut-être les tests suivants que nous allons faire ou la prise en charge que nous allons faire. Mais il y a un moment, c'est vrai, où on a l'impression que on se sent confortable avec la manière dont on voit le problème, et évidemment les décisions qui en découlent en termes de laboratoire, d'examen ou de traitement ou autre type de prise en charge. [MUSIQUE]