[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Bienvenue à cette leçon, au sommet du Mont-Noble, qui va porter sur les variables visuelles. Comme nous le verrons, ces variables constituent la grammaire de l'image. >> En effet, nous avons évoqué dans la leçon précédente le fait qu'une représentation cartographique utilise un système de signes équivalant à un langage verbal, pour coder de l'information à transmettre visuellement. L'encodage en question résulte de la décomposition de l'image en structures visuelles, que sont les points, les lignes, les surfaces et les volumes. Il résulte aussi de la variation des propriétés de ces structures. Et ce sont ces variations que l'on appelle les variables visuelles, et dont l'utilisation est gérée par les règles de la technologie graphique, comme une grammaire de l'image. Les buts de cette leçon sont d'expliquer le système graphique de Jacques Bertin, et de détailler la liste des composantes de ce système, soit les structures visuelles, les variables visuelles, leurs propriétés respectives et les types de relations qu'ils peuvent transcrire. Ils sont également de montrer pour quelles bonnes raisons liées aux capacités perceptives de l'être humain, les règles de la graphique doivent être appliquées. Après avoir suivi cette leçon, vous serez capables de restituer les système graphique, et d'en lister les composantes, et de reconnaître ces composantes sur n'importe quelle carte thématique. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Toute carte est le fruit d'une représentation ou d'une mise en scène réalisée avec des moyens techniques donnés, par exemple avec un crayon, un ordinateur, avec de la couleur ou sans couleur, et ceci selon une vision, un point de vue et parfois une idéologie et bien sûr dans un certain but. La carte est donc l'équivalent d'un langage, comme nous l'avons vu, qui permet la communication en développement de la connaissance et en créant de l'information. Pour construire et montrer le signal cartographique, on recourt à la graphique, discipline ou système développé par Jacques Bertin à partir des années 1950, et qui porte sur les principes de l'information cartographique. Concrètement, il s'agit d'un système de signes, qui permet de transcrire des relations de différence d'ordre ou de proportionnalité entre des données qualitatives ou quantitatives, et dont le domaine s'étend à toute représentation, utilisant les deux dimensions du plan. [MUSIQUE] [MUSIQUE] Ce système de signes sert à coder l'information que la carte doit véhiculer. Ce système de signes ou langage est graphique, et il met en oeuvre des structures visuelles. Il existe quatre familles de structures visuelles, ou quatre implantations selon Bertin. Les points, les lignes, les surfaces et les volumes. Une carte contient un ensemble de structures visuelles qui codent les informations à cartographier. Par conséquent, les structures visuelles ne sont pas indépendantes les unes des autres et le contexte compte beaucoup pour la signification qui leur est attribuée. C'est important car notre perception visuelle s'attache à reconnaître des modèles dans un ensemble de structures visuelles. Une théorie en psychologie de la forme dite du gestalt, qui vient de l'allemand Gestaltpsychologie, a élaboré des lois correspondant à des catégories d'interactions possibles entre les structures visuelles. Le tableau qui va s'afficher à l'écran synthétise ces principales lois. Il s'agit d'éléments importants à connaître et qui sont facilement applicables lors de l'élaboration de représentations cartographiques. La première loi est celle de la prégnance. Une image est facile à comprendre si sa structure est simple. La loi de proximité stipule que deux composants qui sont proches ont tendance à être perçus comme un seul composant. Ici à droite, l'image est perçue comme deux éléments. La loi de similarité est traduite par le fait que les composants similaires sont perçus comme s'ils étaient regroupés. Ici à droite, l'image est perçue comme une série de colonnes par similarité de teinte. Pour la loi de fermeture, les contours proches sont perçus comme unifiés. Sur l'image de droite, on perçoit un triangle blanc, alors qu'il n'est pas dessiné. Pour la loi de continuité, des éléments voisins sont perçus groupés lorsqu'ils possèdent potentiellement un trait qui les relie. Dans l'illustration de droite, l'image est perçue comme une croix. La loi de symétrie dit quant à elle que des éléments sont perçus comme un élément global lorsqu'ils forment une symétrie. Dans l'exemple ici, les deux éléments de gauche ne sont pas perçus comme un seul élément, contrairement aux deux autres. Pour la loi de trajectoire, les éléments qui se déplacent avec la même trajectoire semblent groupés. Et pour celle de familiarité, les éléments sont plus facilement groupables si la caractéristique de regroupement est familière. En plus des interactions entre structures visuelles, la graphique va faire varier les propriétés de ces dernières pour coder les informations, comme par exemple : changer la couleur ou modifier l'épaisseur. Ces variations sur les structures visuelles sont regroupées par type et elles sont appelées les variables visuelles ou les variables rétiniennes selon Bertin. [MUSIQUE] [MUSIQUE] Bertin a distingué huit variables visuelles. La position, qui est composée des variables X et Y, soit les deux dimensions du plan. La variation de taille, qui permet de traduire parfaitement les variations quantitatives. La variation de valeur d'une couleur, est une variation d'intensité lumineuse, du plus clair au plus sombre ou inversément. Elle traduit une relation d'ordre et des différences relatives. La forme exprime l'identité de l'objet à représenter et donc les différences. L'orientation permet de positionner un signe par rapport aux deux axes du graphique. Elle exprime les différences et gagne en efficacité lorsqu'elle est combinée avec les variables de grain et de valeur. La couleur traduit des différences mais ne peut pas ordonner ces différences entre elles. La couleur est chargée de significations culturelle et psychologique. Le grain ou la résolution combine la forme et la taille et traduit une relation d'ordre et des différences relatives. Les variables de position, la taille et la valeur sont appelées variables de l'image, parce qu'elles construisent des plages de visibilité variable, elles font apparaître des formes sur un fond, elles suggèrent des reliefs. Cette visibilité variable est la conséquence de la propriété dissociative. La forme, l'orientation, la couleur et le grain, contrairement aux variables de position, de taille et de valeur, construisent des plages de visibilité homogènes, sans relief, elles ne font que séparer des éléments entre eux, sans faire apparaître des formes sur un fond. Pour ces raisons, ces variables sont appelées variables de séparation. Cela traduit une propriété associative. Lorsque l'on considère des surfaces, comme c'est le cas des cartes thématiques choroplèthes, et qui est relativement fréquent, il faut se rappeler que la taille et la valeur assurent une forte différenciation entre les plages, qu'elles créent un ordre visuel, et qu'elles construisent des hiérarchies dans l'image. La forme, elle, ne permet pas de transcrire des différences. Elle est associative, et sa sélectivité est nulle. L'orientation est associative. Elle permet de construire des plages de visibilité homogènes, et sa sélectivité est très faible. La couleur associée à la valeur est fortement sélective et ordonnée. Mais il faut se rappeler qu'une gamme de couleurs d'égales valeurs construit une image sans relief. Finalement, le grain peut être comparé à un agrandissement photographique de type analogique, il est donc associatif, mais il peut assurer une certaine sélectivité. Il est également ordonné. Pour résumer, le système graphique élaboré par Bertin considère huit variables visuelles qui peuvent être appliquées à trois types d'implantations : les points, les lignes et les surfaces. Ces variables visuelles possèdent cinq propriétés différentes, quantitative, ordonnée, sélective, dissociative et associative, qui permettent de transcrire les trois types de relations entre les données que sont la proportionnalité, l'ordre et la ressemblance. Vous remarquerez que nous ne considérons par les implantations de type volume, ou de dimension [INAUDIBLE] dans ce système. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous allons maintenant mettre en évidence des caractéristiques importantes des variables visuelles, en relation avec les capacités de perception de l'être humain. Ces caractéristiques correspondent à des concepts clés, liés le plus souvent aux variables couleur et valeur, et à des règles d'utilisation qui confèrent un maximum d'efficacité aux représentations cartographiques. Chaque variable visuelle comporte un certain nombre de degrés discrets, nombre qui est fixe pour une représentation graphique donnée. Il s'agit du nombre de paliers sensibles qu'une variable visuelle peut supporter. Ce nombre est appelé la longueur d'une variable visuelle. La longueur n'est pas la même chose que l'étendue d'une variable visuelle. L'étendue est l'écart qui sépare les valeurs extrêmes du paramètre alors que la longueur est le nombre de subdivisions pertinentes qui existent le long de cet écart pour une image donnée. La forme est la plus longue des variables visuelles, suivie par la position. La longueur de la valeur est particulièrement intéressante dans la mesure où c'est elle qu'on utilise pour fixer un nombre de classes dans le processus de discrétisation en cartographie choroplèthe. L'essentiel étant de déterminer des seuils qui soient perceptibles par l'œil de la majorité des utilisateurs. Sur cette première carte de précipitations dans les communautés rurales au Sénégal, la longueur de la valeur des niveaux gris est de quatre, les seuils interclasses sont bien perceptibles. La deuxième carte montre la même information, avec une longueur de la valeur des niveaux de gris de sept. Cette fois-ci, il est plus difficile de percevoir les seuils entre les classes et le signal est moins efficace. Comme nous l'avons vu, la variation de valeurs est dissociative, ce qui signifie que cette variable est capable de faire ressortir des plages de visibilités diverses. La valeur est liée à la notion de luminosité en théorie des couleurs et on considère qu'elle est une perception indépendante de la chromaticité. Le nombre de seuils perceptifs va donc dépendre de la valeur du fond de carte et de la taille des éléments graphiques qu'il apporte. On recourt idéalement à un maximum de six seuils perceptifs, donc une longueur de sept comme dans l'exemple montré il y a un instant. Cette variation de valeurs va toujours dominer toute autre variable visuelle qui interfère avec elle. La variation de valeurs est ordonnée et ne pas l'utiliser en tant que telle engendre un problème sémantique. Par exemple, utiliser un dégradé de gris pour représenter des classes qualitatives, est une erreur qui compromet la transmission de l'information. Ici, la valeur de niveaux de gris attribués aux régions du Sénégal dépend de la lettre intiale de leurs noms dans l'ordre alphabétique, c'est une erreur. On utilisera plutôt des couleurs discrètes pour marquer l'aspect qualitatif et la non-continuité. D'autre part, une progression arithmétique de niveaux de gris n'est pas équidistante en termes de perception. En effet, les différences sont plus sensibles aux extrémités qu'au centre de la distribution. On notera à ce point que la règle est de réserver le blanc aux données manquantes et que le blanc ne doit pas être intégré comme classe initiale dans un dégradé de valeurs de quelques teintes que ce soient. Les cartes thématiques statistiques font partie des outils de visualisation et elles sont capables d'assister l'homme dans ses raisonnements. Elles permettent d'améliorer le processus cognitif en jouant le rôle de support pour la pensée, mais il faut pour cela qu'une condition importante soit remplie : il faut que l'image soit une forme visuelle significative, perceptible dans l'instant minimum de vision. Une carte qui requiert un temps de perception plus court qu'une autre pour transmettre une information est plus efficace. Dans cette optique, toute représentation cartographique qui présente plus de trois composantes ne peut être construite en une seule image et nécessitera plusieurs instants de perception, soit l'élaboration de plusieurs cartes. [MUSIQUE] Voici encore quelques informations importantes à connaître concernant la couleur, qui est l'autre variable visuelle d'importance avec la valeur, pour la fabrication de cartes thématiques statistiques choroplèthes. Il existe différents systèmes colorimétriques, basés sur les trois paramètres de description d'une couleur que sont la teinte, la saturation et la luminosité. La teinte est la forme pure d'une couleur en ce qu'elle s'oppose au blanc, au noir et au gris. La saturation exprime l'intensité de la coloration par rapport au maximum possible dans le système. La luminosité exprime l'impression de clarté ou de brillance de la couleur et comme nous l'avons déjà vu, la luminosité est une perception indépendante de la chromaticité. TSL désigne plusieurs modèles de description des couleurs, qui sont utilisés en graphisme informatique et en infographie, disciplines que l'on met en œuvre lors de la réalisation de cartes thématiques. L'élément important à retenir ici est qu'il est nécessaire de coder les couleurs informatiquement, de manière à pouvoir désigner le grand nombre de combinaisons possibles de niveaux de teinte, de saturation et de luminosité et de les appliquer aux structures visuelles représentant les unités spatiales sur les cartes. Le codage informatique représente les couleurs par un triplet de valeurs se rapportant à chacune des couleurs primaires de la synthèse additive, soit le rouge, le vert et le bleu de l'écran. Par addition de ces trois faisceaux lumineux, il est possible d'obtenir pratiquement toutes les couleurs visibles, cette méthode est basée sur la sensibilité trichromatique de l'œil humain. Les codes des couleurs sont des nombres entiers entre zéro et 255, soit 256 valeurs qu'on peut coder sur huit bytes, soit un octet. On peut créer de la sorte plus de 16 000 000 de codes couleurs. Le codage de la couleur par les valeurs des couleurs primaires rouge, vert et bleu a l'avantage de la simplicité pour la programmation, mais il est difficile à gérer pour l'utilisateur qui a besoin de manipuler les couleurs simples qui permettent de fabriquer des plages de lisibilités distinctes pour caractériser les structures visuelles. Voici la fenêtre de paramétrisation qui apparait dans QGIS, lorsque vous voulez sélectionner une couleur de remplissage. La première ligne, H, pour hue en anglais, vous permet de déterminer une teinte. La valeur est donnée en degré et correspond à la position de la teinte dans le cercle chromatique représenté sur la gauche. Sur la seconde ligne, S, pour saturation, vous pouvez déterminer la saturation pour la teinte sélectionnée entre zéro et 100 %. La troisième ligne V permet de fixer la valeur entre zéro et 100 % également. Les modifications sur ces trois paramètres sont reportées automatiquement sur les valeurs R, V, B correspondantes, affichées au-dessous et caractérisées par des nombres compris entre zéro et 255. Il est encore possible de régler la transparence et le système va coder automatiquement la notation HTML de la couleur sélectionnée. On remarque que le nombre de combinaisons est énorme et que la détermination des paramètres permettant de produire des plages de couleurs adéquates est difficile. Alors, comment procéder? La première solution est d'utiliser l'une ou l'autre des palettes prédéfinies et disponibles dans QGIS via l'onglet style dans les propriétés de la couche. Mais cela ne résout pas tous les problèmes, puisque l'utilisateur doit prendre un certain nombre de décisions relatives au nombre de classes, à la nature de la distribution statistique ou aux types de couleurs à utiliser par exemple. Il existe un outil très précieux, développé à la Penn State University, aux États-Unis, par Cynthia Brewer du GeoVISTA Center, qui permet de visualiser directement l'effet des choix des paramètres sélectionnés sur la base d'une série de palettes prédéfinies et qui garantissent une efficacité optimale, c'est-à-dire le fait que la combinaison des variables visuelles teinte et valeur permet toujours de distinguer deux classes successives. Une fois une palette déterminée, le COLORBREWER permet d'exporter les valeurs R, V, B correspondantes et de les utiliser dans QGIS pour rendre cette palette disponible dans ce logiciel. Nous reviendrons sur l'utilisation de cet outil dans la leçon suivante. Voici encore quelques précisions liées à l'utilisation de la couleur et à sa perception. La couleur est fortement sélective, elle permet notamment de meilleures discriminations dans les rouges et les violets et de moins bonnes discriminations dans les jaunes. La couleur est ordonnée, et pour transcrire des relations d'ordre, il faut tenir compte de leur variable visuelle valeur, soit de la composante luminosité de la couleur et utiliser une teinte homogène. Sans variation de la valeur, la couleur est inutile à la perception ordonnée. Lorsque l'on utilise des couleurs différentes, la valeur qui retranscrit la relation d'ordre est perçue en premier avant la teinte qui elle, permet la sélection. Mais il faut prendre en compte le fait que la variation de couleurs implique souvent une variation de valeurs. Autre point, l'efficacité de la couleur diminue avec la surface des structures visuelles. Et finalement, on peut relever que la combinaison de la variation de la teinte et de la variation de la valeur offre plus de seuils perceptifs. Dans certains cas, cette combinaison offre des avantages indéniables, on va pouvoir augmenter le nombre de classes et permettre une lecture plus fine de l'image cartographique produite. Par exemple, cette carte illustre le résultat d'une votation récente en Suisse sur la construction ou non d'un second tube routier au tunnel du Gothard, dans les Alpes. Ici, les auteurs ont utilisé une teinte verte pour représenter la part de oui et une teinte rouge pour représenter la part de non, avec dans les deux cas une variation de la valeur pour exprimer la gradation du pourcentage. La limite entre les classes rouges et les classes vertes est située au seuil d'acceptation, soit dès 50 %. L'utilisation d'une seule teinte et de la variation de sa valeur n'aurait pas permis de distinguer avec autant de précision la diversité des comportements. En résumé, l'avantage principal de l'utilisation de la couleur dans les images cartographiques est le fait qu'elle est associée à une forte attractivité psychologique et qu'elle rend l'information plus facilement mémorisable. Du côté des désavantages, il faut noter le fort coût de diffusion des documents en couleur sur des supports qui ne sont pas électroniques, mais surtout, la difficulté à tenir compte des utilisateurs qui connaissent des anomalies de perceptions, on parle souvent de daltonisme, mais il ne s'agit que d'une des sept formes connues de dischromatopsies allant de l'absence totale de vision des couleurs à l'absence de récepteur rétinal au bleu, au vert ou au rouge. L'anomalie correspondant au daltonisme est la deutéranopie et il s'agit de l'absence dans la rétine des cônes de réception au vert, ce qui fait que les personnes affectées sont incapables de différencier le rouge du vert. [MUSIQUE] [MUSIQUE] Cette leçon sur le système graphique a permis d'identifier ses composantes, soit les structures et les variables visuelles, leurs propriétés, comme la sélectivité ou l'associativité, ainsi que les relations qu'elles permettent de transcrire, c'est-à-dire la proportionnalité, l'ordre ou la ressemblance. Nous avons vu que l'utilisation de ces composantes n'est pas triviale et que l'usage de la variable visuelle de la couleur est particulièrement délicat en raison de sa complexité, mais facilité par certains outils d'aide à la sélection de palettes adéquates. Des règles doivent être respectées dans le but d'exploiter au mieux les capacités perceptives des utilisateurs et donc d'assurer une transmission univoque et efficace de l'information. Ces connaissances théoriques ne demandent qu'à être appliquées et dès la leçon suivante, consacrée au traitement des attributs thématiques et à la mise en place, nous allons fabriquer des cartes thématiques statistiques dans QGIS. [MUSIQUE] [MUSIQUE]