[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour et bienvenue à cette troisième partie de notre série de vidéos dédiée à la manière dont on devrait évaluer les résultats forensiques et tenir compte de la possibilité d'erreurs comme par exemple la pollution. Nous étudierons deux autres cas où il y avait des profils génétiques détectés mais qui se révélèrent être une pollution. Le but de ces vidéos est premièrement d'identifier les situations dans lesquelles on doit considérer les phénomènes de transfert et de pollution dans notre évaluation des résultats. Ces situations se manifestent dans le laboratoire mais également en dehors de ce dernier. Et deuxièmement d'expliquer pourquoi tout évaluateur ou évaluatrice devrait tenir compte de la possibilité de pollution ou de façon plus générale de la possibilité d'erreurs qui pourrait faussement incriminer un individu. Commençons avec une affaire qui a été jugée en Californie en 2013. L'ADN fait la une des journaux et on peut lire par exemple les titres suivants, les ambulanciers de South Bay amènent de l'ADN d'une personne innocente sur la scène du crime, ou encore, le meurtre de Monte Sereno jette des doutes sur la preuve ADN, enfin un autre titre comme, quand l'ADN accuse des innocents. Voyons ensemble comment dans ces affaires on a pu découvrir que le profil génétique détecté était en fait une pollution et non une trace laissée par le criminel. Monsieur Kumra est un ex-propriétaire, très fortuné, de vignobles à Saratoga. Le soir du 30 novembre 2012, il est à la maison avec son ex-femme quand au moins trois personnes font irruption dans sa propriété de 650 mètres carrés de Monte Sereno en Californie. Monsieur Kumra et son ex-femme sont ligotés et bâillonnés pendant que les agresseurs fouillent la maison pendant plus de deux heures à la recherche d'objets précieux. Monsieur Kumra qui était âgé de 66 ans va mourir d'asphyxie, l'adhésif placé sur ses yeux, sa bouche et son nez l'empêchant de respirer. Son ex-femme est violemment battue mais survit. C'est elle qui appelle la police une fois les agresseurs partis. Sous les ongles de monsieur Kumra, on retrouve de l'ADN. La police pense qu'il s'agit sans doute de l'ADN d'un des protagonistes transférés lors de l'agression. Le profil ADN de la trace est donc mis dans une base de données nationale de profils génétiques. Suite à la recherche dans cette base de données, une correspondance génétique avec le profil d'une personne est mise en évidence. Il s'agit de monsieur Lukis Anderson, un homme de 26 ans qui habite dans les environs. Sur la base de cette concordance, Anderson est accusé de meurtre et est passible de la peine de mort. Anderson passe cinq mois successifs en prison en attendant d'être jugé. Ses avocats clament l'innocence de leur client. En effet, au moment du crime, Anderson était à l'hôpital suite à une consommation excessive d'alcool. Son taux d'alcoolémie était si haut qu'il avait été en danger de mort. Il n'était donc pas possible qu'il soit impliqué dans le meurtre de monsieur Kumra. Pour son avocat, la présence d'ADN correspondant à son client ne pouvait s'expliquer que par la pollution. Par chance pour Lukis Anderson, on retrouva dans les dossiers des hôpitaux l'information selon laquelle monsieur Anderson avait été traité par des ambulanciers et qu'il avait été effectivement admis cette nuit-là à l'hôpital. Par chance il avait également un excellent avocat qui prouva que c'était les mêmes ambulanciers qui avaient traité Anderson et qui quelques heures plus tard avaient tenté de réanimer monsieur Kumra. Ils avaient utilisé le même équipement, polluant ainsi monsieur Kumra avec l'ADN préexistant de monsieur Anderson. Il est évident que les devoirs du personnel soignant sont bien différents de ceux des scientifiques forensiques. Il est donc d'autant plus important que pendant l'investigation la police ait toujours à l'esprit cette possibilité de pollution. En effet les équipes intervenant sur les lieux ont été alertées sur les possibilités de transfert et savent par exemple que l'on doit changer de gants avant de prélever des pièces à conviction importantes. Si ce n'est pas le cas, alors on peut polluer la trace, comme cela a été suggéré dans l'affaire Knox Sollecito. Comme nous l'avons vu on peut aussi polluer des traces sur une victime suite aux soins prodigués, que ce la soit à l'hôpital comme dans l'affaire Jama ou par les ambulanciers comme dans ce cas ici Anderson. Ce phénomène est moins étonnant dans ces circonstances, car la personne est avant tout un ou une patiente qui ne peut bien évidemment pas être traitée comme une scène de crime. La priorité du personnel médical est avant tout la santé du patient et les conditions sanitaires. Ils ne peuvent être conscients des aspects forensiques telle que la pollution. C'est pour cette raison qu'il est nécessaire d'assurer leur formation sur ces aspects particuliers. Mais une bonne formation ne veut pas obligatoirement dire qu'il n'y aura pas de pollution. En effet, comme on a vu, cela peut arriver sur une scène de crime ou même au laboratoire comme cela a été le cas dans l'affaire Adam Scott en Angleterre. Tacha, pourrais-tu nous en dire un peu plus sur cette affaire? >> Tout à fait Franco. On a vu que la trace peut être polluée par du personnel soignant ou par la police. Mais il arrive aussi qu'on ait des pollutions au laboratoire et c'est donc dans un environnement où les personnes sont formées et connaissent bien cette possibilité. C'est ce qui est arrivé en Angleterre dans l'affaire Adam Scott. Ce cas a fait l'objet d'un rapport officiel du préposé aux sciences forensiques, connu sous le terme anglais de Regulator. Pour toute personne intéressée, on peut retrouver facilement ce rapport sur Internet. Il s'intitule Report into the circumstances of a complaint received from the Greater Manchester Police on the seventh March 2012 regarding DNA evidence provided by LGC forensics. Notons que ce genre de pollution peut arriver n'importe où et qu'il s'agit ici avant tout d'apprendre de nos erreurs. Revenons à l'affaire. Entre le six et le huit octobre 2011 une trace est soumise pour analyse au laboratoire LGC de Teddington en Angleterre. Il s'agit d'une trace envoyée par la police des transports britannique suite à ce qu'on appelle spitting incident c'est-à -dire que la personne a craché. Cet incident s'est produit dans la ville d'Exeter dans le Devon. L'ADN de la salive est extraite le six octobre en utilisant une méthode automatisée. En effet comme vous l'avez vu dans la vidéo sur l'analyse d'ADN au laboratoire, l'extraction de l'ADN est un processus chronophage. Les grands laboratoires utilisent donc des systèmes d'extraction automatique ou plus simplement dit des robots. Le sept octobre, soit le lendemain de l'extraction de l'ADN de la salive, on transmet à la même firme les vêtements et les prélèvements intimes d'une victime de viol à Manchester. Toutefois ces pièces sont analysées dans un laboratoire géographiquement différent, cette fois localisé à Risley. Le même jour ces prélèvements sont analysés. Sur les six écouvillons effectués à différents endroits c'est-à -dire sur la vulve, le bas et le haut du vagin, on détecte du sperme. La fraction masculine ou fraction spermatique du prélèvement est séparée des autres cellules et est envoyée pour analyse mais cette fois à Teddington c'est-à -dire dans le même laboratoire où l'ADN de la salive avait été analysé. L'ADN du viol est analysé entre le huit et dix octobre, celui de la salive entre le six et le huit. La fraction spermatique de l'ADN prélevé dans le vagin et l'un des prélèvements faits sur la vulve est identifié comme étant l'ADN du petit ami de la victime. La fraction spermatique de l'ADN des deux autres prélèvements faits sur la vulve montre un profil ADN de mélange, celui du petit ami mais aussi celui d'une personne inconnue avec 17 allèles. Quand on analyse des échantillons d'ADN, parce qu'on a toujours à l'esprit une pollution, il est important d'inclure des contrôles négatifs. Cela permet de vérifier qu'il n'y a pas eu de pollution au laboratoire. Les contrôles négatifs c'est-à -dire des extraits qui ne devraient pas donner de profil d'ADN car ils n'en contiennent pas jouent donc un rôle fondamental. Si le contrôle négatif donne des résultats c'est-à -dire un profil ADN, alors il y a la possibilité d'une pollution. Le 12 octobre la généticienne forensique de Risley reçoit un courriel qui l'avertit du fait que le contrôle négatif analysé en même temps que les écouvillons effectués dans le cadre du viol ont montré un profil fort. On l'informe du fait que la cause la plus probable de ce résultat est une contamination des consommables qui ont pu affecter un seul tube ou une pipette. L'information de ce courriel ne va pas plus loin. Cinq jours plus tard, la généticienne forensique conclut qu'il y a deux profils ADN dans la fraction spermatique de l'ADN d'un des prélèvements faits sur la vulve de la victime. Un des ADN vient du petit ami puisqu'il était établi qu'ils avaient eu des rapports sexuels. L'autre profil ADN était celui d'un homme inconnu avec 17 allèles sur 20. Ce profil est enregistré dans la base de données nationale et une correspondance ADN est établie entre le profil de la trace et celui de monsieur Adam Scott. Dans le rapport, on peut lire la chose suivante. Si l'ADN provient d'une personne non apparentée à Adam Scott, alors on estime que la probabilité d'obtenir des composants ADN correspondants est environ de 1 sur 1 milliard, 1 milliard étant 1 000 millions. Selon moi, écrit l'experte, l'ADN qui correspond à Adam Scott provient très probablement de sperme. >> Mais comment peut-on affirmer que l'ADN qui correspond à Adam Scott provient très probablement de sperme? Il paraît évident que cette phrase exprime une opinion sur une proposition et non sur la valeur des résultats. >> Oui, c'est vrai, Franco. C'est une transposition du conditionnel. On peut noter aussi plus loin dans le rapport, qu'il est écrit que l'ADN détecté dans le prélèvement de, nom de la victime, fait au niveau de la vulve, prélèvement nommé GE2b, peut être expliqué par le mélange d'ADN de, petit ami de la victime, et de Adam Scott. Selon moi, ces résultats sont ceux que j'attendrais si Adam Scott a eu une forme d'activité sexuelle avec la victime. Ici, on voit que les résultats qui montrent une correspondance génétique sont considérés en fonction d'une activité, mais celle-ci n'est pas bien définie, et aucune information circonstancielle n'est connue ni exploitée. Ainsi, bien que la scientifique considère correctement l'absence d'ADN sur les autres prélèvements, on voit que les observations ont été expliquées plutôt qu'évaluées. C'est ce qui est montré par le paragraphe suivant où on peut lire, cependant, étant donné la position du sperme correspondant à Adam Scott et l'absence de sperme dans les prélèvements internes, nom de la victime, les résultats ne soutiennent pas spécifiquement une pénétration vaginale avec éjaculation à l'intérieur du vagin. Ils pourraient aussi soutenir un contact vagin-pénis avec éjaculation externe ou des rapports sexuels vaginaux sans aucune éjaculation. >> Oui, tu as parfaitement raison, Tacha. Ici, on explique les résultats plutôt que de les évaluer en fonction des circonstances du cas. Ici, on s'exprime directement sur des actions possibles, et ceci n'est pas le rôle du scientifique. Cette situation est également due au fait qu'on ne donne pas au scientifique toutes les informations nécessaires à l'évaluation des résultats biologiques, en considérant des hypothèses au niveau de l'activité. Les résultats dans cette affaire sont d'autant plus difficiles à évaluer du fait qu'il y a là la présence du sperme du petit ami. De façon générale, si on ne considère pas qu'il y a eu une extraction différentielle dans des affaires impliquant des mélanges d'ADN, il faut être prudent, car il est possible qu'un ADN provienne du sang par exemple, et l'autre de la salive ou d'une autre source biologique. Il n'est pas certain que les profils proviennent tous du même substrat. >> C'est vrai, Franco. Mais retournons au cas. Après avoir été auditionné par la police le 23 octobre, Monsieur Scott est accusé de viol. Rappelons qu'il a été arrêté uniquement sur la base d'un profil ADN partiel. Mais vu l'absence d'autres éléments à charge et en fait vu la présence d'éléments à sa décharge, la police a demandé s'il pouvait y avoir eu pollution, ce qui était vraiment bien vu. Le laboratoire ré-analysa la trace celle qui avait été polluée, et confirma les résultats. Le lendemain, le 28 février, les scientifiques discutent du cas avec leurs collègues. Le 3 mars, sur la base de l'analyse des prélèvements originaux, on détecte la pollution. >> Donc, on constate que dans ce cas aussi, il y avait des signes qui indiquaient qu'il pouvait y avoir quelque chose d'anormal. Il est important de faire attention à ces signes et de ne pas considérer que l'ADN. Ici, rappelons que Monsieur Scott a été faussement accusé de viol et a passé cinq mois en prison pour un crime qu'il n'avait pas commis. Pour conclure, voyons ensemble les trois principaux points à retenir. Premier, il est essentiel de considérer toute information relative au cas et de ne pas se baser sur une seule information, même si elle est scientifique. C'est particulièrement vrai lorsqu'on doit considérer le transfert comme nous l'avons étudié la semaine passée, et la pollution. C'est typiquement le cas quand on retrouve des quantités très faibles de matériels. Deux, nous devons être extrêmement prudents et prendre toutes les précautions possibles pour éviter de polluer la trace. Si on pollue la scène du crime ou les traces, cela invalide tout résultat. Trois, pour terminer, on doit avoir à l'esprit qu'une erreur est toujours possible. La plupart du temps, la probabilité d'une erreur est bien plus grande que la probabilité d'observer le profil ADN si la trace provient d'une personne inconnue. Cet aspect impacte fortement la valeur des résultats. Merci de votre attention. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]