[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Bienvenue à cette troisième vidéo où nous allons discuter d'un cas de fausse identification à l'encontre de Brandon Mayfield. Je vous donnerai quelques éléments du contexte, puis Christophe discutera des points plus spécifiques relatifs à l'expertise dactyloscopique. D'ailleurs, les épreuves vécues par la famille Mayfield font l'objet d'un livre écrit par Brandon Mayfield et sa fille Sharia, âgée de 12 ans à l'époque. Le cas s'inscrit dans le cadre des investigations relatives aux attentats survenus à Madrid le 11 mars 2004. Quatre bombes explosent dans des trains régionaux dans une attaque coordonnée tuant près de 200 personnes et blessant plusieurs centaines. La police espagnole retrouvera un véhicule abandonné, une Renault Kangoo. Dans ce véhicule, on retrouve un sac en plastique bleu contenant sept détonateurs, des traces d'explosifs, ainsi qu'une cassette audio sur laquelle sont enregistrés des versets du Coran. Le sac plastique est remis au laboratoire pour une recherche de traces. La technique dite des vapeurs de cyanoacrylate suivie d'un colorant fluorescent permet de détecter une série de traces papillaires sur un sac en plastique. Nous avons reproduit dans nos laboratoires le processus de détection sur un sac bleu analogue. Ces traces ont été recherchées dans la base de données des empreintes digitales espagnoles sans succès. Il s'agit d'un système automatisé appelé AFIS que nous détaillerons plus tard. Les autorités envoient ensuite ces traces pour une recherche internationale dans les bases de données à l'étranger par le canal d'Interpol. Le 13 mars 2004, les traces sont transmises via Interpol au FBI pour une recherche dans leur base de données. Celle-ci compte à cette époque plus de 47 millions de fiches dactyloscopiques d'individus. Pour une des traces, codée sous le nom de LFP17, le système retourne un candidat en quatrième position qui sera identifié par un expert comme étant la source de la trace. La fiche de ce candidat porte le nom de Brandon Mayfield. Cette identification sera vérifiée par deux autres experts de la section traces papillaires du FBI. Brandon Mayfield était fiché pour un délit mineur commis à l'adolescence. Il avait également été dactyloscopié en rejoignant l'armée américaine qu'il servira pendant une dizaine d'années. Il faut savoir que monsieur Mayfield était en 2004 avocat à Portland dans l'Oregon. Il travaillait avec sa femme Mona, d'origine égyptienne. Brandon Mayfield s'était également converti à l'Islam et travaillait sur des affaires civiles pour des clients de la communauté musulmane. Les experts du FBI conclurent à l'identification avec plus de 15 caractéristiques concordantes entre la trace et l'empreinte de Mayfield. Les experts étaient catégoriques, Mayfield avait laissé cette trace. Le document officiel indique que l'identification était une correspondance à 100 %. La famille Mayfield est mise sous surveillance. Sur cette base, le 6 mai 2004 le FBI délivre un mandat permettant l'arrestation de Brandon Mayfield en tant que témoin matériel. Il s'agit d'une personne ayant potentiellement des informations cruciales dans le cas d'une enquête sur la sécurité nationale. Depuis les attentats du 11 septembre, ce statut permet aux autorités de détenir des individus sans inculpation formelle. Mayfield est arrêté, détenu dans une prison de haute sécurité. Sa maison est perquisitionnée. Durant ces recherches, les enquêteurs découvrent des documents en lien avec l'Espagne ainsi que l'annonce de ses services juridiques dans les pages blanches d'une revue qualifiée d'islamiste. Il est présenté devant un juge qui demande une expertise supplémentaire, cette fois pour le tribunal. Ce nouvel expert va confirmer l'identification prononcée par le FBI. Alors Christophe, comment le problème, s'il y en a un, a-t-il été détecté? >> Brandon Mayfield clame son innocence, et dans sa cellule ne pouvait envisager que deux possibilités, soit une faute de frappe dans le texte qui avait été soumis au tribunal. La correspondance à 100 % pourrait être en réalité 1 % ou 10 %. Ou une trace éventuellement fausse laissée sur l'objet à son insu pour induire la justice en erreur. Fort heureusement, l'erreur est rapidement découverte par les autorités espagnoles lorsqu'elles obtiennent la fiche dactyloscopique de la personne qui sera déclarée être le vrai donneur de la trace. L'individu est nommé Daoud Ouhnane. Lorsque les empreintes de Daoud ont été comparées avec les traces sur le sac en plastique, il fut immédiatement identifié et le FBI en fut averti. L'identification par les autorités espagnoles de Daoud a été communiquée le 19 mai 2004, le même jour où l'expert nommé par le tribunal a confirmé l'identification du FBI. >> Tu parles d'une coincidence! Muni des empreintes de Daoud, le FBI ne tarda pas à reconnaître leurs erreurs. Il s'agit ici de la première fois qu'une fausse identification dactyloscopique a été détectée au sein du FBI. Le 24 mai 2004, le FBI faisait des excuses publiques à Brandon Mayfield et sa famille, et annonçait une investigation complète des causes ayant pu mener à cette erreur. Brandon Mayfield fut immédiatement libéré. Il obtint 2 millions de dollars en compensation. Le FBI procéda à une enquête interne et une enquête avec la collaboration d'autorités dans le domaine En plus l'Office de l'inspecteur général, en anglais Office of the Inspector General, diligenta une enquête. Tous les rapports issus de ces initiatives ont été rendus publics. Il faut relever que les choses ont été facilitées par la découverte des empreintes de Daoud. Mais Christophe, s'il te plaît, pourrais-tu nous éclairer sur les causes de l'erreur? >> Bien sûr Franco. Je vais me reposer ici abondamment sur les éléments du rapport de l'Office de l'inspecteur général. D'abord, regardons de plus près la trace. Elle a été détectée sur ce sac en plastique bleu. La trace qui a faussement été attribuée à Brandon Mayfield porte comme vous le voyez l'étiquette LFP17. La trace a été photographiée ensuite en fluorescence. Puis, vous la voyez maintenant en noir et blanc. Lorsque la trace est arrivée au FBI, elle a été encodée pour être recherchée dans leur système informatique nommé IAFIS, pour Integrated Automatic Fingerprint Identification System. L'encodage s'est fait avec sept minuties, les points d'arrêts et de bifurcation des crêtes papillaires. Nous avons là quatre arrêts de lignes et trois bifurcations. Vous n'êtes sans doute pas familiers avec un système AFIS. C'est mon collègue Marco De Donno et moi-même qui allons vous en faire la démonstration. Pour cette démonstration, nous allons précisément utiliser la trace LP17 du cas de Madrid. Nous sommes ici devant la station de notre système AFIS. Le terme AFIS c'est un acronyme pour système automatisé de reconnaissance d'empreintes digitales, et j'ai le plaisir de vous présenter Marco De Donno, mon collègue qui est le spécialiste de notre système. Un système AFIS est utilisé pour rechercher des traces qui sont non associées avec des individus. La trace dont nous parlons aujourd'hui est la fameuse trace détectée, ici en agrandi, cette trace qui a été détectée sur le sachet plastique dans le cas qui nous intéresse. Actuellement, cette trace est non identifiée et on chercherait à la comparer avec un certain nombre d'individus dont on possède les empreintes digitales en base de données. C'est une recherche automatisée qui va se faire en comparant les informations sur cette trace par rapport aux informations des empreintes d'un certain nombre d'individus. Ici, je ne vous présente qu'une seule fiche, un nombre d'individus qui sont à chaque fois représentés par les dix doigts, ici encrés et déroulés depuis le pouce jusqu'au petit doigt, respectivement de la main droite et de la main gauche, puis ici les empreintes déposées à plat, et au dos les empreintes des paumes de la main de l'individu. Le système que nous allons utiliser est un système très proche du système opérationnel utilisé par les polices, mais ce n'est pas un système policier, c'est un système qui est utilisé uniquement à des fins de recherche. Toutefois, il a une base de données d'à peu près 1 million d'empreintes. À peu près 100 000 personnes sont venues alimenter notre système de recherche. Et ce que nous allons faire pour vous montrer comment ce type de recherches sont effectuées, c'est d'aller rechercher la trace d'intérêt dans l'affaire qui nous intéresse au travers de notre système de 100 000. La trace est donc arrivée par un canal que je vais décrire sur le bureau du FBI, et la trace, vous l'avez sur ce premier écran. Les autorités espagnoles ont d'abord, évidemment, cherché cette trace dans leur base de données nationale sans succès. Dans ces cas-là, et notamment au regard de la gravité du dossier, La trace a été transmise à l'ensemble des autorités nationales affiliées à Interpol, par le canal Interpol, qui est un canal sécurisé, et la trace a été distribuée, comme une requête, dans chacun des pays. Cela veut dire que chaque pays a reçu sur son bureau cette trace avec comme tâche de la chercher sur leurs systèmes nationaux. C'est ce qui est arrivé au FBI, l'opérateur du FBI a reçu cette trace, et a dû la chercher sur la base de données du FBI qui s'appelle [EIS?]. Le système américain est un système où l'ensemble des fiches sont évidemment codées, il a la particularité d'être un des plus grands au monde, il compte 100 millions d'individus. Donc la tâche qui est dévolue au système c'est d'essayer de faire remonter les candidats potentiels, à partir d'une trace comme celle-ci, cette trace qui est relativement compliquée, sur une base de données de 100 millions d'individus, donc à peu près un milliard d'empreintes. Pour ce faire, la trace est initialement encodée dans le système, et c'est ce que Marco est en train de faire. Lorsque la trace est initialement affichée à l'écran, dans cette première phase, le système va suggérer un premier encodage, un encodage automatique. C'est ce qui est présenté par ces petites indications, qu'on appelle des minuties, vertes avec une petite queue qui indique leur direction. Les minuties représentent les points d'arrêt ou de bifurcation des crêtes papillaires sur l'empreinte. Les développements algorithmiques font qu'aujourd'hui on est capable de détecter une bonne partie de ces minuties automatiquement, mais potentiellement en faisant quelques erreurs à l'encodage. L'opérateur a donc la tâche de décider si oui ou non les minuties qui sont proposées par le système vont être gardées, ou si elles vont être supprimées, ou potentiellement modifiées. Ici, Marco enlève des minuties mais il peut également décider d'en rajouter en indiquant que son œil lui permet, à cet endroit-là, de spécifier qu'un arrêt de ligne ou une bifurcation était présent sur les crêtes. Lorsque cette trace sera recherchée dans ce système, c'est sur la base de ces encodages et de ces minuties principalement que la recherche sera effectuée. Un deuxième aspect, comme vient de le faire Marco, il a supprimé toutes les minuties qui se trouvaient sur le haut de l'image pour se concentrer sur la partie plus centrale. Il vient de décider que, la trace étant relativement compliquée dans son application sur la surface, il est possible qu'on ait plusieurs appositions de la trace, qu'elle soit en deux appositions ou même potentiellement que deux doigts différents aient constitué cette image. Donc il propose de faire une recherche d'abord sur la zone centrale, c'est un premier encodage, et puis ensuite il pourra nous proposer plus tard, peut-être, de faire un deuxième encodage sur la zone supérieure pour aller chercher, de manière conjointe ou de manière distincte, sur l'ensemble de la base de données. Et c'est un point important dans l'affaire qui nous occupe. Effectivement, le FBI a pris un certain nombre de positions lors de l'encodage de cette trace. Donc, quand on parle de système automatique de recherche, l'expert et l'œil du praticien garde une position dominante, en indiquant au système sur quelles caractéristiques il va faire la recherche et ensuite, effectivement, c'est à ce moment-là que la puissance informatique intervient, la recherche est faite de manière complètement automatisée et c'est ce qui va nous amener à la prochaine étape. Alors nous allons procéder à la recherche, dans la base de données, de cette trace. Comme vous pouvez le voir, Marco l'a encodée avec l'ensemble des minuties que vous voyez ici en vert, la recherche va être effectuée sur les dix doigts, ce qui est représenté par la mise en évidence en rouge, des cinq doigts de la main droite et des cinq doigts de la main gauche ; la raison c'est que la trace, toute seule, ne permet pas immédiatement d'indiquer s'il s'agit plutôt d'un pouce, d'un index ou d'un majeur. Donc il est décidé d'aller chercher sur l'ensemble des doigts, ce qui représente à peu près un million d'empreintes dans notre base de données de recherche, qui nous occupe. La recherche va être activée, et il y a un élément important, c'est le nombre de candidats qui sera retourné par le système. Ici, Marco va choisir 20 candidats pour indiquer au système, renvoie-moi à la suite de cette recherche une liste de 20 candidats qui seront ordonnés par degré de proximité. Le candidat en position numéro 1 sera le candidat jugé le plus proche de la trace et des annotations qui ont été faites par Marco, ça sera le meilleur candidat en termes de proximité. Le candidat numéro 2 sera un plus éloigné et ainsi de suite jusqu'au candidat numéro 20. La recherche est soumise. Elle va venir s'afficher dans le workflow, ici. La recherche est rapide. On voit ici, maintenant, qu'elle est activée, indication que la recherche dans la base de données est effectuée, et on attend que le système renvoie le résultat en retour, et dès qu'il est terminé il va passer en vérification, signifiant que nous avons la possibilité d'aller contrôler les résultats donnés par le système. Voilà la recherche est effectuée. Cette vitesse, évidemment, dépend du système informatique, de la taille de la base de données et des contraintes techniques. Maintenant nous pouvons passer à la vérification des candidats proposés par le système. Nous sommes ici dans la phase de contrôle, post recherche, dans le système AFIS. Vous avez sur l'écran la trace qui a été recherchée, avec l'ensemble de ses minuties, et puis de ce côté-là, un des candidats potentiels, son empreinte qui est proposée avec l'ensemble des minuties qui ont été encodées. La fameuse liste des 20 individus est représentée ici, du premier candidat, numéro 1, le plus proche, on voit le score de 15000 ou plus de 15000, jusqu'au candidat numéro 10, puis ensuite jusqu'au candidat numéro 20, le score diminue indiquant que chacun de ces candidats sont de plus en plus éloignés. La tâche de l'expert sera de contrôler l'ensemble de ces candidats. Ici nous allons commencer, pour les fins de la démonstration, avec le candidat numéro 3. La tâche de l'expert sera de décider si oui ou non le doigt, à la source de cette empreinte, est également à la source de cette trace. Il y a non seulement les attributs qui ont été vus par l'algorithme, qui sont intéressants, c'est-à-dire les minuties qui ont été annotées, mais également d'autres attributs comme la forme générale, la forme du dessin, qui doit être comparée entre la trace et l'empreinte de référence. Ici, nous avons un dessin en forme de volute, beaucoup plus grand que la forme, beaucoup plus plate, en forme d'arc, sur la trace. Cette différence, tout comme d'autres différences en termes de positionnement des minuties dans la zone d'intérêt, ici, vont amener l'expert à décider que ça n'est pas le bon candidat, et donc que ce candidat n'est pas identifié, d'où l'indication, non identifié. L'expert va continuer son travail. Et maintenant je vais directement remonter en position Une. Sur cette comparaison-là, qui est le premier candidat donné par le système, on va agrandir et l'expert va vérifier, crête après crête, minutie après minutie, s'il y a correspondance, sur l'ensemble des caractéristiques, entre la trace et les minuties, les dessins des crêtes, et l'empreinte de référence. Il va concentrer son attention sur l'ensemble des caractéristiques, et vérifier si oui ou non elles trouvent un positionnement identique sur l'empreinte, en prenant par exemple ce trio de minuties sur cette partie haute est-ce qu'il se retrouve en correspondance dans ce trio de minuties sur la partie haute de l'empreinte de référence. Si l'expert est satisfait, que l'ensemble des caractéristiques concordantes sont présentes et qu'il n'y a pas de différences significatives, à ce moment-là il va déclarer l'identification, et le travail de recherche dans le système AFIS est terminé. Cette décision va ensuite être donnée à un autre expert pour qu'elle soit vérifiée par un deuxième expert de manière indépendante. J'aimerais vous montrer, par l'examen d'un certain nombre des candidats et des recherches, en quelque sorte l'anatomie d'un des problèmes dans cette affaire Mayfield. Ici vous avez le résultat de la recherche qui a été faite par Marco avec l'encodage de l'ensemble des minuties sur la trace. Par ensemble des minuties je veux dire, celles qui se trouvent dans cette partie centrale, puis en considérant les minuties qui se trouvent dans cette partie supérieure. Lorsque l'ensemble des minuties est recherché, le premier candidat qui revient du système est le candidat en position 1, sous le nom de Daoud. C'est effectivement la bonne source de cette trace. Maintenant, le FBI, lorsqu'ils ont effectué leur recherche dans le système AFIS, ont fait un encodage différent de la trace. Ils n'ont encodé que la partie centrale. Je m'explique, les minuties ici en jaune sont celles qui ont été encodées par le FBI. Les minuties dans la partie supérieure n'ont pas été indiquées dans l'encodage initial. Cela signifie que l'expert, en regard de la difficulté de lecture et de liaison entre les crêtes dans cette partie inférieure et les crêtes dans la partie supérieure, a estimé qu'il était possible d'avoir deux traces, une trace sur cette partie centrale, puis quelques crêtes papillaires, d'un même doigt dans une deuxième apposition, ou d'un doigt différent, qui donneraient cette information qu'il a quasiment jugée parasite. Donc, il s'est concentré uniquement sur la zone inférieure. Lorsqu'on se concentre uniquement sur la zone inférieure et qu'on effectue la recherche le premier candidat qui est retourné par notre système, également, c'est l'empreinte correspondante à Brandon Mayfield. Ensuite, l'expert a effectué la comparaison sur la base, uniquement, des caractéristiques dans la zone centrale, qui était la zone déclarée par l'expert comme étant exploitable. dans cette zone centrale, il a jugé qu'il y avait suffisamment de concordance avec la partie centrale de l'empreinte de référence de Mayfield pour l'identifier. Et cette première identification est celle qui a amené aux vérifications successives par les autres experts, et c'est ainsi que l'association a été faite sur Brandon Mayfield plutôt que sur Daoud. Daoud, on le retrouve dans le système en position 4. Mais évidemment, il faut se rappeler que Daoud, au moment où Mayfield a été associé à cette trace, Daoud n'était pas dans le système, et donc n'était pas à disposition pour effectuer des comparaisons. Et c'est pour cette raison que par erreur, Mayfield a été associé à cette trace papillaire. Donc lorsque le premier expert passa en revue la liste des 20 candidats, il décida de l'identifier avec le doigt du quatrième candidat. Les caractéristiques concordantes relevées à ce moment par le FBI sont présentées ici. Une des premières causes de l'erreur d'association est liée au processus de vérification adopté dans ce cas. Effectivement, le premier des experts du FBI qui a contrôlé la première décision savait quelle était la conclusion du précédent expert. Le second expert du FBI connaissait quant à lui non seulement la conclusion du précédent expert, mais aussi celle de son premier collègue. Les vérificateurs connaissaient en plus le statut de leurs collègues, le nombre d'années d'expérience, leur pratique. Ils avaient un respect mutuel. L'indépendance des experts était donc sérieusement compromise. L'expert désigné au tribunal savait également que le FBI avait identifié la trace. Lui même avait été formé au FBI. Quand on effectue une recherche dans une base de données comme IAFIS, celle du FBI contient plus de 47 millions de fiches dactyloscopiques, l'algorithme de recherche essaie de trouver la meilleure correspondance possible en fonction des points caractéristiques qui ont été annotés. Les caractéristiques de la trace et celles de l'empreinte de Mayfield étaient très proches. En fait, on peut constater que même l'empreinte de Mayfield, donc une empreinte de bonne qualité, est très similaire à celle du vrai donneur, Daoud. Notons que l'empreinte de Daoud n'était pas dans la base de données IAFIS. Seules les empreintes de Mayfield y figuraient. Évidemment, si Daoud avait été dans le fichier, il aurait probablement été suggéré dans la liste des correspondances potentielles et aurait été vérifié par l'expert. Comme vous pouvez le voir, ces deux empreintes sont très similaires. Le fait qu'elles soient aussi proches n'est pas commun. Et cela a également été relevé dans le rapport de l'inspecteur général. Toutes les caractéristiques utilisées pour rechercher des candidats possibles se retrouvèrent sur les deux empreintes. Le bureau de l'inspecteur général a néanmoins indiqué que les experts du FBI étaient allés un peu vite en besogne, notamment pour expliquer les différences entre la trace et l'empreinte de Brandon Mayfield. Ces différences ont été expliquées à l'aune des possibles variations dues à la position, en raison du froissement du sac plastique et cetera. >> Ici, Christophe, comme nous l'avons vu à d'autres occasions dans le cours, il est souvent facile d'expliquer les différences lorsqu'on est convaincu par la comparaison. D'où l'importance de spécifier les attentes avant la comparaison suite au seul examen de la trace. >> Oui, tu as raison, Franco. Effectivement, les experts, convaincus de l'association, ont utilisé des caractéristiques qui n'avaient pas été documentées durant la phase d'analyse, du moins à en juger la documentation à disposition. La connaissance de l'empreinte vient souvent perturber l'appréciation d'une trace complexe comme celle-ci. On parle de raisonnement circulaire lorsque les éléments sont suggérés par l'empreinte. Finalement, le rapport de l'inspecteur général estime que le FBI a donné trop de poids à des caractéristiques dites de niveau 3, la forme des bords de crêtes, la forme des pores, et qui ont été indiquées par les experts du FBI comme étant en correspondance. À nouveau, ces caractéristiques ont été relevées uniquement lorsque l'empreinte de référence était à disposition, et pas avant, dans la seule phase de l'analyse. >> Bien. Nous sommes donc en mesure de proposer quelques points de contrôle lorsqu'une expertise dactyloscopique nous est remise. Premièrement, demander la documentation complète des caractéristiques utilisées par l'expert. Elle doit être établie sur la base de la trace seule, ceci avant la phase de comparaison. Sinon, vous ne disposez pas de la garantie que les caractéristiques indiquées n'ont pas été suggérées par l'empreinte. Deuxièmement, demander une vérification indépendante en aveugle, sans que le second examinateur n'ait connaissance des conclusions du premier. Les notes de laboratoire doivent rendre compte de ce point spécifique. Troisièmement, soyez attentif aux risques posés par la recherche d'une trace dans de larges bases de données. Les algorithmes utilisés sont efficaces au point de faire remonter dans la liste des candidats non-correspondants, mais qui sont, du point de vue dactyloscopique, très proches. >> Merci Franco. Avant de conclure ce cas, je voudrais faire quelques réflexions sur l'expert. Il est important d'inviter tous les expertes et experts à exprimer la force de leurs résultats avec plus d'humilité. Lorsque le FBI notifia les autorités espagnoles de l'identification de Mayfield, les Espagnols ont immédiatement précisé dans un courrier du 13 avril qu'ils n'étaient pas convaincus de l'association proposée. Le terme résultat négatif était utilisé de leur côté. Mais les experts du FBI, pétris de toute leur certitude, ont tenté de convaincre leurs homologues espagnols lors d'une visite à Madrid en avril. À aucun moment le doute ne s'est immiscé dans leurs esprits. Ils étaient convaincus de leur science et convaincus de l'identification. C'est seulement lorsque la fiche de Daoud a été mise à disposition que leurs certitudes se sont ébranlées. Adopter une manière plus humble de conclure en indiquant en toute transparence que la possibilité d'erreur existe dans le domaine est fondamental. Au bout du compte, c'est une question de probabilité. Parlons quelques secondes des probabilités en jeu. Des recherches scientifiques ont montré que la valeur des observations, en termes de rapport de vraisemblance, augmente considérablement en fonction du nombre de minuties concordantes entre la trace et l'empreinte de comparaison. Neumann et ses collègues en 2012 ont pu mettre en évidence qu'une trace ayant sept minuties menait à un rapport de vraisemblance de 10 puissance 7. Le résultat pour huit minuties serait de 10 à la puissance 8. Bien évidemment, tout cela dépend du type de minutie observé et de sa localisation sur l'empreinte. La section Empreintes du FBI a mis en place un nombre élevé de changements dans leurs procédures afin de prévenir des erreurs du type Mayfield. Une séparation nette entre la phase d'analyse et celle de comparaison accompagnée de toute la documentation a été mise en place. Il y a eu adoption d'un système de vérification en aveugle, avec des procédures claires de résolution de conflits lorsque les experts parviennent à des conclusions différentes. Un programme de recherche et de développement de haut niveau, qui aboutira à la publication d'articles dans des revues expertisées a été mis en place. L'Office du contrôleur général garde d'ailleurs un œil très attentif sur l'unité du FBI et suit ses progrès, notamment par le dernier rapport publié en 2011 sur la question. >> Vous pouvez encore vous demander, qu'en est-il des preuves retrouvées pendant la perquisition du domicile de monsieur Mayfield? Eh bien, le document rédigé en langue espagnole n'était qu'un devoir scolaire de sa fille Shuraya, qui prenait des cours d'espagnol. Pour conclure cette affaire, nous vous invitons à écouter l'interview de Brandon Mayfield et de sa fille Shuraya. Ils vont vous donner le point de vue des victimes, si et comment la religion musulmane a joué un rôle dans cette affaire, et également comment éviter des biais dans les sciences forensiques. Merci beaucoup, Christophe, et merci à vous tous de votre attention. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]