[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Bienvenue à cette deuxième vidéo. Nous allons étudier deux affaires dans lesquelles l'indice génétique jouera un rôle fondamental et dans lesquelles on s'est rendu compte qu'il y avait une erreur ou plus précisément une pollution, aspect qui rendait donc la preuve génétique nulle et non avenue. Le but de cette vidéo est double. Nous aimerions premièrement vous sensibiliser aux situations où l'on doit considérer la possibilité de transfert et donc de pollution, et deuxièmement, nous voudrions vous expliquer si, et dans le cas échéant comment, on doit tenir compte des possibilités de pollution ou plus généralement de l'erreur, qui joue un rôle non négligeable dans l'étape évaluative des informations génétiques. Dans la première partie de cette semaine, nous avons étudié l'affaire Knox-Sollecito afin d'illustrer comment on doit évaluer les résultats génétiques dans des situations où l'ADN est dégradé, en petite quantité, ou se prend sous la forme de mélange. Vous vous rappelez certainement que dans cette affaire, la question de la pollution et de la gestion de la scène de crime avait été très critiquée par la Cour suprême italienne. Le but est ici de discuter d'autres affaires criminelles où l'on a découvert que la trace n'était pas la conséquence du crime mais d'une pollution. >> Discutons maintenant l'affaire Jama. C'est un cas qui est arrivé en Australie en 2008, mais cela aurait pu se produire ailleurs et à un autre moment. Comme on le verra, l'ADN dans cette affaire a mené à l'emprisonnement de monsieur Jama qui par la suite fut reconnu innocent. Pour ceux qui aimeraient approfondir le sujet, il existe un rapport détaillé sur l'enquête suite à cette affaire qui a été reconnue comme une erreur judiciaire. L'enquête post-jugement a été conduite par un juge de la cour suprême à la retraite, le juge vincent. Il a été chargé de cette affaire après qu'on ait mis en évidence cette erreur judiciaire qui, comme je vous l'ai dit, a eu pour conséquence la condamnation et l'emprisonnement de monsieur Jama. Inutile de vous dire qu'en Australie, cette affaire a fait les gros titres et que la science forensique n'était pas à l'honneur, puisqu'on pouvait lire à la une, Fiasco de l'ADN, condamnation annulée, Accusé à tort, 525 000 dollars pour une erreur judiciaire. Voyons ensemble comment cette erreur s'est produite. Le 21 juillet 2008 à 22 heures 50, une femme de 48 ans qu'on appellera M est retrouvée inconsciente dans les toilettes d'un night club. Les toilettes sont fermées de l'intérieur. Ses souvenirs sont vagues. Elle se souvient d'être arrivée au club à 22 heures 20, d'avoir bu deux verres d'alcool, d'avoir parlé à quelques amis, puis, après ça, plus rien. Selon elle, l'alcool qu'elle avait bu ne pouvait pas expliquer sa condition. À l'hôpital, alors qu'elle était soignée par un médecin, elle demanda s'il était possible qu'elle ait été droguée et abusée sexuellement. Le lendemain à 10 heures 50 du matin, soit 12 heures après avoir repris connaissance, elle est examinée à l'unité des soins de crise hébergée par le département des urgences de l'hôpital sous le contrôle du Centre pour les victimes d'agressions sexuelles. Des prélèvements intimes sont effectués et envoyés pour analyse au département de sciences forensiques. On apprendra bien plus tard que des prélèvements intimes avaient été également effectués sur une autre femme, appelons-la madame B, par le même docteur dans le même endroit à 28 heures d'intervalle. Cette autre femme, madame B, avait eu des rapports sexuels avec monsieur Jama. Cependant, aucune plainte n'avait été déposée concernant ces faits. Concernant les autres circonstances du cas, personne ne se souvenait avoir vu monsieur Jama au night club, et on ne le voyait pas non plus sur les caméras de surveillance. Toutefois, les caméras étaient hors fonction entre 20 heures et 21 heures 30, ainsi qu'entre une heure et une heure et demie du matin. Cela vaut la peine de le mentionner, monsieur Jama était alors âgé de 19 ans. Le club, lui, était réservé pour les 28 et plus. Et monsieur Jama avait aussi des origines africaines, cependant, personne ne l'avait remarqué et il n'y avait aucun homme de couleur visible sur les vidéos prises cette nuit-là . Concernant madame M, d'après la prise de sang effectuée à l'hôpital deux heures après qu'on l'ait retrouvée, à minuit 50, son taux d'alcoolémie n'était pas négligeable. De plus, elle avait pris un médicament, du Tegretol, qui a pour effets secondaires la somnolence, les vertiges et l'évanouissement. Cet aspect a été mentionné au procès, et la défense a spécifiquement demandé s'il était possible qu'une personne prenant du Tegretol et de l'alcool pouvait souffrir d'évanouissement dans certaines circonstances. L'expert répondit que oui, mais que cela dépendait de la quantité d'alcool ainsi que de la dose de Tegretol. Mais le procureur ne poursuivra pas cet aspect lors du ré-examen de l'expert. >> Maintenant, voyons de plus près quels étaient les résultats forensiques dans cette affaire. Deux prélèvements ont été effectués, un dans la région endocervicale, en bas du vagin, et deux plus haut. On ne retrouva aucune trace sur les vêtements de madame M, et spécifiquement aucune trace de sperme. L'un des deux prélèvements effectués sur la région endocervicale montra un profil génétique correspondant à monsieur Jama. Aucun autre profil ADN autre que celui de madame M n'a été mis en évidence, que ce soit sur ce prélèvement ou sur le prélèvement vaginal dans la zone supérieure. La quantité d'ADN détecté sur l'écouvillon était étonnament petite dans le contexte d'un viol, avec seulement un spermatozoïde intact et cinq têtes de spermatozoïdes. Toutefois, on ne peut pas tenir compte de cet aspect, question d'évaluer les résultats biologiques en considérant des propositions au niveau de l'activité. Ici, seules des propositions au niveau de la sous-source ont été considérées. Elles ne concernaient donc que l'origine de l'ADN et non de la trace. >> Et en effet, comme on peut le voir dans le rapport, la preuve ADN était considérée comme étant extrêmement puissante, et on peut le dire, elle a été considérée comme étant la preuve absolue, en d'autres termes la solution miracle. Lisons ensemble ces phrases extraites du rapport. Il est 800 milliards, donc 800 000 millions de fois plus probable que la trace provienne de l'accusé plutôt que d'une personne inconnue. Dans d'autres termes, il serait nécessaire de chercher au-delà de cette planète, et potentiellement au-delà de cette galaxie pour trouver une autre personne avec ce profil. Franco, qu'est-ce que tu penses de cet argument? Ça a l'air assez convainquant et pourrait nous faire croire qu'ici l'ADN est la preuve par excellence. >> Oui, c'est un argument extrêmement fallacieux, Tacha, pas un argument de poids. Et je l'ai entendu plusieurs fois. Il est facile de démontrer que cet argument est sans fondement. Personnellement, je pense qu'on ne devrait pas donner des probabilités de profils dites de coïncidence fortuite inférieures à 1 sur 1 milliard. C'est la pratique adoptée en Angleterre et au Pays de Galles, et ici en Romandie également. Utiliser des chiffres extraordinairement petits pour impressionner la Cour comme dans ce cas est simplement faux et trompeur. On peut démontrer que la probabilité d'observer au moins une autre personne ayant le même profil génétique que la personne suspectée dans une population donnée est bien plus fréquente que le chiffre mentionné par l'expert. >> Regardons également un autre aspect. Selon les recommandations de l'ENFSI, on devrait évaluer la probabilité des résultats à la lumière des activités alléguées. Cette probabilité serait faible sous l'hypothèse du rapport sexuel. Mais bien sûr, la probabilité des résultats sachant l'hypothèse alternative, c'est-à -dire que monsieur Jama n'est pas impliqué dans cette agression sexuelle serait quant à elle extrêmement faible si on ne tient pas compte de la possibilité d'une erreur ou d'une pollution. Le rapport des probabilités soutiendrait dont l'hypothèse de l'accusation. Cela nous alerte sur le fait qu'il faut être prudent quand la probabilité des résultats est faible sous chacune des hypothèses. En tant que scientifique, cela doit nous faire réagir et nous faire poser des questions. Mais on peut aussi directement intégrer la probabilité d'erreur dans notre évaluation. Voyons avec Alex comment on peut tenir compte formellement de la possibilité d'erreur de notre évaluation des profils génétiques. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]