[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Bienvenue dans cette nouvelle vidéo avec Franco. >> L'inspecteur en chef de sa Majesté est requis pour investiguer le cas. Deux nouveaux experts sont demandés, Arie Zeelenberg de Hollande et le Norvégien Torger Rudrud. Tous les deux vont conclure que la trace Y7 n'a pas été laissée par Shirley McKie. Ils concluront également que de fausses identifications ont été commises pour les autre traces dans le cas Asbury. Sur la base de ces rapports, David Asbury est libéré après deux ans de prison. En 2002, il sera officiellement innocenté du meurtre de Marion Ross. Durant toutes ces années, les quatres experts de l'office écossais n'ont jamais reconnu la moindre erreur. Ils maintinrent, et encore aujourd'hui, leurs conclusions. À l'appui de ces positions, ils préparèrent des démonstrations complémentaires montrant des correspondances, avérées selon eux, au niveau des caractéristiques des détails des crêtes. Les experts du côté de Shirley Mckie n'ont eu de cesse de pointer sur les différences évidentes entre la trace Y7 et l'empreinte du pouce gauche de Shirley McKie. Ces différences, pour eux, constituent la preuve de l'exclusion. Les experts écossais ont toujours estimé que les différences s'expliquaient par la malléabilité de la peau et les impondérables liés à la déposition d'une trace sur une surface. Ils ne voient dans le débat que des différences d'opinion. Le débat continua dans les médias, dans les cercles d'initiés et au niveau politique. Plusieurs politiciens et responsables de la police en vinrent à suggérer qu'il s'agissait là d'une erreur honnête. Les experts écossais, par contre, se refusèrent à reconnaître la moindre erreur et continuèrent à travailler dans le domaine. En 2006, le parlement écossais nomme une commission d'enquête parlementaire sur ses offices écossais afin de faire la lumière sur l'affaire et rétablir la crédibilité de l'institution. L'ensemble des parties sera à nouveau entendu. Le rapport de la commission de février 2007 en reste à la différence d'opinions entre experts. La commission se refuse de prendre position sur le fond. Après une année de campagne médiatique à la faveur d'un changement du gouvernement, la famille McKie obtient la mise sur pied d'une enquête judiciaire. En 2008, le ministre de la Justice en fait l'annonce. L'enquête est confiée à un juge indépendant d'Irlande du Nord, Sir Anthony Campbell. Après trois ans d'enquête, soit en 2011, le rapport Campbell est finalement publié. Le rapport fait 86 recommandations dans un texte de 752 pages. Plusieurs recommandations sont fondamentales pour la discipline. L'une d'entre elles indique, La preuve dactyloscopique doit être reconnue comme l'expression d'une opinion d'expert et pas d'un fait établi. Les acteurs du système judiciaire se doivent de l'apprécier en tant que telle. Une seconde recommandation affirme que les experts dactyloscopes ne doivent plus conclure sur l'identification ou l'exclusion en indiquant une certitude à 100 % ou sous une forme suggérant que la preuve dactyloscopique est infaillible. Mais avant d'aller plus loin, je reviens à la conclusion de Sir Campbell sur la trace Y7 retrouvée sur le montant de la porte. Je cite le rapport, l'office écossais a commis une erreur en identifiant Y7 comme ayant été laissée par madame McKie. Sir Anthony indiqua qu'il n'y avait pas suffisamment d'informations pour l'identifier. Il accepta au mieux six points caractéristiques mis en avant par l'office écossais. Toutefois, il n'indiqua pas que sur la seule base de la comparaison, une exclusion était la seule conclusion appropriée. En ce sens, il s'écarte également des conclusions des détracteurs de l'office écossais. En effet il ajoutait plus loin, Comme pour toute preuve de quelque nature qu'elle soit, elle doit être évaluée dans le contexte de l'ensemble des preuves à disposition. L'absence d'indications faisant état de la présence de madame McKie à l'intérieur de la maison doit être prise en considération. C'est compatible avec la conclusion que la trace n'a pas été laissée par elle. Après avoir revu l'ensemble des preuves dans leur ensemble, ma conclusion est que la trace Y7 a été faussement identifiée et n'a pas été laissée par madame McKie. Pour nous, il y a là deux enseignements fondamentaux. Il n'est pas nécessaire à un expert d'être absolument certain ou infaillible, chaque élément devant être remis dans un contexte. Et la décision ultime sur l'identification appartient au tribunal et pas à l'expert. Christophe, tu as été impliqué dans l'enquête judiciaire, je crois. Quelles leçons tires-tu de cette affaire? >> Il m'a été demandé de préparer deux rapports dans le cadre de cette enquête. Le premier sur les différentes expertises soumises par toutes les parties. Le second sur la pertinence d'utiliser ces fines caractéristiques associées aux bords de crêtes et aux pores dans ce cas. Les deux rapports sont d'ailleurs disponibles sur internet comme tous les documents associés à l'enquête. Je voudrais attirer ici votre attention sur quelques recommandations qui sont décisives pour pouvoir apprécier les mérites d'une expertise dactyloscopique. Dans un cas d'espèce, je vous invite à les vérifier et les contrôler systématiquement. La première recommandation est la recommandation numéro 9 qui dit, les caractéristiques de la trace sur lesquelles les experts se basent doivent être démontrables à une personnes non-spécialiste disposant évidemment d'une vision adéquate. Un expert doit donc être en mesure de vous montrer les caractéristiques sur lesquelles il s'est basé. Il n'y a pas de capacité supérieure à observer des éléments sur une trace. La deuxième recommandation est la recommandation numéro 53 qui dit, en partie, la prise de notes spécifiant les caractéristiques relevées en phase d'analyse, puis en phase de comparaison, bien que pas requise en l'état, devrait devenir la pratique généralisée en matière de dactyloscopie. Je pense qu'il s'agit là d'une nécessité absolue. La documentation des travaux dactyloscopiques doit être faite au moment des examens et pas plus tard, uniquement lorsque les conclusions sont contestées ou remises en cause. Dans le cas écossais, toute la documentation a malheureusement été produite a posteriori pour conforter une décision qui avait déjà été prise, et pas, comme il se devrait, au moment où cette décision s'est effectivement construite. En plus, lorsque la trace est complexe, nous devons exiger des notes détaillées de la phase d'analyse, c'est-à-dire lorsque la trace est examinée seule, sans se référer à une quelconque empreinte d'un individu. Cela permet d'assurer qu'il n'y a pas eu de raisonnement circulaire, c'est-à-dire que les observations sont devenues acquises sur la trace au moment où elles ont été faites sur l'empreinte à disposition. Ce biais existe et il doit être combattu. Les recommandations 6 à 8 invitent également à une formation des experts sur les procédures permettant de réduire les risques de biais liés au contexte. Il est recommandé de ne fournir à l'expert que l'information qui lui est strictement nécessaire à la comparaison dactyloscopique. Les informations sur les autres éléments d'enquête, les autres preuves ou les conclusions des autres experts doivent évidemment être masquées. Il est clair que dans l'affaire McKie, les quatre experts ayant conclu à l'identification n'ont pas opéré de manière indépendante. Les vérificateurs connaissaient les conclusions de leurs collègues. Cette connaissance préalable peut potentiellement mener à un biais de confirmation. Dans ce cas, nous pouvons aussi parler de la connaissance a priori que les empreintes de Shirley McKie étaient nécessaires à des fins d'exclusion des ayants droit. La personne étant déjà a priori sur les lieux, la probabilité d'identifier augmente potentiellement. Est-ce que la preuve dactyloscopique n'est qu'une question d'opinions d'experts? Effectivement et malheureusement, elle l'est. Mais il faut reconnaître qu'une opinion n'offre que peu d'opportunités pour une analyse critique quant à sa fiabilité. Le risque des opinions est qu'elles peuvent aller des opinions informées et respectables aux opinions spéculatives et fantaisistes. Nous devons exiger plus des opinions. Et les recommandations que nous avons passées en revue sont un bon point de départ. Est-ce que les experts en dactyloscopie se trompent-ils souvent? C'est un point que nous réservons pour la prochaine affaire, l'affaire Mayfield. Pour conclure, il y a plusieurs leçons à tirer du cas Asbury et McKie. Dans son interview, Iain McKie, le père de Shirley McKie, reviendra sur plusieurs d'entre elles. Notre objectif ici est de développer votre esprit critique face à une preuve considérée comme infaillible et certaine. Deux arguments viendront conclure cette vidéo. Le premier, même dans des domaines éprouvés et reconnus au travers des années comme les empreintes digitales, aucune expertise forensique ne doit être considérée comme indiscutable et infaillible. Le deuxième est que la documentation associée à l'expertise doit permettre de démontrer que des notes détaillées ont été prises au moment des examens. Dans les cas complexes, les notes doivent être distinctes pour la phase d'analyse de celles qui sont prises pour la phase de comparaison. Les caractéristiques identifiées qu'en phase de comparaison doivent évidemment recevoir un poids plus limité. Les experts ne doivent disposer que de l'information strictement nécessaire à leurs examens. Ils doivent être protégés des biais potentiels pouvant découler de la connaissance du contexte du cas. >> Nous restons évidemment à votre disposition sur le forum pour répondre à toutes vos questions. Merci Christophe et merci à vous tous de votre attention. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]