[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous avons vu dans la vidéo sur l'analyse de l'ADN en général que si l'ADN provient d'une seule personne et que la trace est de bonne qualité et en bonne quantité, alors on aura un ou deux pics pour chaque locus. On observera un pic si la personne à l'origine de la trace a hérité le même allèle de ses parents. Dans le cas contraire, on distinguera deux pics. Si le profil de la personne se caractérise par deux pics et donc deux allèles différents, alors les pics seront approximativement de la même taille. Dans un cas, si on observe un profil ADN avec un pic lors de l'analyse de certains loci et deux pics de la même hauteur lors de l'analyse d'autres loci, et si d'après les informations du cas on peut supposer que la trace provient d'une seule personne, alors l'évaluation est assez simple. Supposons par exemple qu'il y a une grande quantité de sang retrouvée sur la scène de crime, et que je suis suspectée encore une fois d'être à l'origine de la trace. La généticienne ou le généticien forensique, après avoir effectué les tests pour soutenir si la substance est ou non du sang, observera d'abord le profil ADN obtenu de la trace, mais sans connaître et sans faire référence à mon profil ADN. On désignera les allèles sur la base de la présence de pics, donc sur la base de l'électrophorégramme, l'EPG, donc en utilisant l'image que vous voyez ici. Après avoir désigné les allèles, on comparera le profil ADN de la trace avec mon profil ADN. On déterminera ensuite si une compatibilité est visible, et dans l'affirmative, on déterminera la probabilité d'observer le profil ADN de la trace ainsi que mon profil ADN si je suis en effet la source de cet ADN. Si les allèles désignés sont les mêmes et que l'on omet la possibilité d'erreur, alors la probabilité des résultats, si je suis la source de l'ADN, est égale à 1, c'est-à -dire la certitude. On déterminera ensuite la probabilité d'observer le profil ADN de la trace ainsi que mon profil ADN si une personne inconnue est la source de cette trace. Cette probabilité n'est pas basée sur l'observation et le comptage de profils complets observés dans une base de données, et qui seraient indifférentiables de cette trace. Il ne s'agit donc pas de fréquence. Pour se déterminer sur l'occurrence de ce profil dans la population, on va utiliser un modèle, un modèle génétique qui tient compte des effets de sous-population comme on dit dans notre jargon. En fait, on va tenir compte du fait que nous sommes tous un peu apparentés les uns aux autres. On utilisera l'occurrence des allèles dans une population d'intérêt qu'on aura étudiée. Généralement, on prendra un petit échantillon de cette population composée de plusieurs centaines de personnes. Comme on analyse généralement des loci sur différents chromosomes, on se détermine sur la probabilité du profil ADN de la trace à chacun de ces loci, et ensuite, on multiplie simplement toutes les probabilités ensemble. Avec 15 loci, on obtient vite des chiffres astronomiques. Mais comme nous l'a dit Alex, parce que les présupposés du modèle ne peuvent pas être testés pour des chiffres très petits, il est recommandé de ne pas donner des chiffres inférieurs à 1 sur 1 milliard. Bien évidemment, tout cela est valable pour les traces simples, de bonne qualité. Mais pour les traces retrouvées sur les scènes de crimes, la réalité est souvent bien plus complexe. On peut par exemple avoir de l'ADN qui provient de plusieurs personnes. C'est ce qu'on appelle une trace mélangée. Dans ce cas, on pourra voir un large nombre de pics, plus que deux. La première difficulté à laquelle on va se heurter c'est qu'on ne sait pas exactement combien de personnes sont à l'origine de la trace. Une deuxième difficulté est qu'avec les petites quantités d'ADN ou lorsque l'ADN est dégradé, alors, on peut observer des artefacts. Voyons ensemble de quoi il s'agit. Lorsqu'on fait une analyse ADN, on prend en général l'équivalent de 20 à 100 cellules. Quand l'ADN de la personne à l'origine de la trace ne contient que une ou cinq cellules, on peut dire qu'elles sont en très faible quantité. Ceci est valable que la trace soit simple ou mélangée. On doit alors ajuster si possible l'analyse ADN et pousser la sensibilité à son maximum. C'est alors qu'apparaissent des artefacts dans le profil ADN. Pour mieux expliciter ce que sont ces artefacts, laissez-moi utiliser une allégorie de mon collègue et ami, le docteur Raphael Coquoz qui a été l'un des pionniers de la génétique forensique et qui est également l'auteur du livre La preuve par l'ADN. Imaginez un homme qui commence à avoir des cheveux gris. La moitié de ses cheveux sont noirs et la moitié sont blancs, ceci de façon homogène. Il n'a pas par exemple de mèche blanche. Si on lui arrache 100 cheveux sur la scène de crime, alors on pourrait s'attendre à en retrouver 50 blancs et 50 noirs. On pourrait aussi en retrouver 48 blancs et 52 noirs, mais on ne s'attendrait pas à en retrouver 70 blancs et 30 noirs. Si la victime arrache à notre homme seulement quatre cheveux, alors peut-être qu'on aura deux blancs et deux noirs. Mais peut-être qu'on aura également trois blancs et un noir. Et rien qu'aléatoirement, on pourrait avoir aucun cheveu blanc et quatre noirs. Cela ne serait pas aussi rare qu'avec un échantillon de 100 cheveux. Dans ce cas, avec un petit échantillon, l'analyse de la couleur des cheveux pourraît nous donner une image imprécise de la réelle couleur de cheveux de notre agresseur, ou de la proportion des couleurs noir et blanc dans sa chevelure. Eh bien, c'est la même chose avec l'analyse d'ADN d'une trace en faible quantité. Les deux allèles d'un locus spécifique ne seront peut-être pas révélés de la même façon à la fin de l'analyse. Des évènements aléatoires du processus tels que la survie des molécules, le prélèvement de la trace, l'extraction de l'ADN, l'analyse, et d'autres choses encore peuvent faire que les pics des deux allèles ne soient pas de la même grandeur. Il peut même arriver qu'un des pics soit totalement absent. Dans des conditions idéales, on aura la même quantité d'ADN cible pour ces deux allèles, et on s'attend à avoir à peu près la même hauteur pour les deux allèles. C'est le cas ici pour l'allèle 12 et l'allèle 15. Mais avec une très faible quantité d'ADN modèle, l'un des l'allèles peut être facilement en plus petite quantité. Dans ce cas, un des pics sera plus grand que l'autre, et la proportion relative des pics ne sera pas respectée. Ou comme je vous l'ai dit, un des pics peut être absent. Dans ce cas, on va parler d'allèle drop-out, de l'anglais évidemment. Bien sûr, pour une trace, on ne sait pas si l'allèle est absent parce qu'il n'existe pas ou parce que c'est un drop-out. C'est seulement si on considère que l'ADN provient d'une personne donnée chez qui on a observé cet allèle mais qui est absent dans la trace qu'on peut supposer que l'allèle n'a pas été détecté et qu'il y a eu un drop-out. Parfois, il n'y a pas de résultat pour un locus donné. Dans ce cas, on sait qu'il y a eu un locus drop-out. Et parfois, au lieu d'avoir des allèles qui disparaissent, il y en a d'autres qui apparaissent. On les appelle les drop-in. Ce ne sont pas des pics qui ont pour origine une personne, mais on dit que ce sont les allèles qui tombent du plafond. Dans la vraie vie, on pense qu'il y a de la poussière d'ADN qui peut être présente dans un échantillon. Cela fait qu'on détecte un petit bout d'ADN de façon sporadique. Quand on pousse la sensibilité des analyses ADN à son maximum, cette poussière d'ADN est détectée, et on voit un pic. Ces allèles qu'on appelle drop-ins ne sont pas reproductibles, et on considère que ce sont des drop-ins seulement s'il y en a un ou deux par profil. S'il y en a plus, alors la trace est considérée comme un mélange. Sur l'image, vous voyez qu'on distingue un petit pic à gauche, juste avant l'allèle 12. Ça ressemble à un petit allèle 11, mais en fait, c'est ce qu'on appelle un artefact stutter. Pendant la PCR, il est inévitable que le copiage soit imparfait. Donc, de temps en temps, une répétition est mal copiée, et la copie de notre allèle se retrouve avec une répétition de moins. Il apparaît donc comme un allèle 11. Dans des conditions idéales, la taille de l'artefact stutter est petite comparé au vrai allèle 12, mais quand on a des très petites quantités et qu'on utilise des techniques très sensibles, la taille du pic du stutter artefact peut être plus haut, parfois aussi haut que la hauteur d'un vrai allèle. On ne sait pas alors si c'est un allèle, un artefact de type stutter, un mélange des deux et donc un stallele, comme Tim Clayton, un généticien forensique renommé les appelle. En résumé, avec de faibles quantités d'ADN ou avec de l'ADN dégradé, on peut avoir des pics qui disparaissent, ce sont les drop-out, d'autres qui apparaissent, ce sont les drop-in, et on a les artefacts de type stutter qui peuvent être aussi grands que de vrais allèles. Comme vous l'imaginez, l'interprétation des résultats est alors bien plus complexe. À cela s'ajoute encore le fait que certaines traces sont des mélanges d'ADN laissés par des différentes personnes, ce qui rajoute encore une couche de complexité. Pour gérer ces difficultés, on a des solutions analytiques. Par exemple, si le mélange provient d'un homme et d'une femme, par exemple dans le cas Amanda Knox et Raffaele Sollecito, on peut utiliser le chromosome Y pour se focaliser juste sur l'homme. Ces analyses sont moins discriminantes que l'ADN non lié à la détermination du sexe de la personne à l'origine de la trace. Mais, elles font parties de notre caisse à outils et peuvent se révéler très précieuses. Et en effet, comme je vous l'ai dit, dans le meurtre de Meredith Kercher, on a appliqué cette technique et on a analysé l'ADN présent sur le chromosome Y. En plus, dans cette affaire, les traces retrouvées étaient difficiles. Dans de tels cas, comme indiqué dans les recommandations de l'ENFSI ou de l'ISFG, il est essentiel d'utiliser une approche probabiliste pour gérer ces aspects. Pour ceux qui se le demandent, l'ISFG est l'acronyme anglais de la Société internationale de génétique forensique. Cette association internationale fait la promotion de la connaissance scientifique dans le domaine de la génétique forensique. D'après toutes les recherches et d'après les recommandations de cette société, il est essentiel d'utiliser des modèles appropriés pour se déterminer sur la valeur des résultats en considérant les deux propositions alléguées. Pour évaluer les résultats de façon appropriée, on doit utiliser des softwares probabilistes, car ils nous permettent de prendre en compte tous les phénomènes que nous avons mentionnés auparavant. Ces programmes informatiques nous permettent de déterminer quelle est la valeur d'un profil génétique mélangé, ainsi que celle des profils ADN où l'on observe potentiellement ces phénomènes de drop-out, de drop-in et de stutters élevés. Bien entendu, ils doivent être validés et adaptés à la problématique rencontrée. Mais ça, c'est un vaste sujet, qui va bien au-delà du but de cette présentation et qu'on peut, si vous le souhaitez, discuter sur le forum. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]