[MUSIQUE] [MUSIQUE] {MUSIQUE] Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue à cette vidéo sur le guide européen concernant les rapports évaluatifs ou plus précisémment sur le guide de l'ENFSI. Il s'agit du guide que nous utiliserons pendant l'ensemble du cours pour auditer et apprécier les conclusions données par les experts dans les affaires que nous traiterons. À notre avis, c'est un outil essentiel qui permet d'améliorer la qualité de l'interprétation en sciences forensiques. Le but de cette vidéo est de vous familiariser avec les composantes du guide, de réaliser que le guide fournit aux scientifiques un cadre formel qui est valable pour toutes les disciplines forensiques, et de réaliser qu'il offre un cadre sur lequel les experts, le système judiciaire, les membres du jury et par conséquent tous les citoyens peuvent se reposer. Nous utiliserons ce guide comme fil rouge durant ce cours afin de défier la science forensique et expliquer si elle est un témoin digne de foi. C'est pour ces raisons que je souhaite vous présenter brièvement ce document. Sa publication date de mai 2015 suite à un projet de trois ans financé par l'Union européenne, dédié à la consolidation des sciences forensiques. Avant de plonger dans le vif du débat, j'aimerais dire quelques mots à celles et ceux qui se demandent mais qu'est-ce que l'ENFSI? L'acronyme E N F S I vient de l'European Network of Forensic Science Institute, c'est-à -dire le réseau européen des laboratoires forensiques. C'est un groupe européen reconnu non seulement en Europe mais également dans le monde. Cet organisme assure la qualité, le service coordonné et la standardisation des sciences forensiques en Europe. La Commission européenne a d'ailleurs reconnu l'ENFSI comme référence pour tout ce qui concerne la science forensique. On pourrait dire beaucoup sur l'ENFSI et notamment sur son historique, d'ailleurs notre laboratoire fut l'un des membres fondateurs. Si vous voulez en savoir plus, n'hésitez pas à vous rendre sur le site internet de l'ENFSI. Le guide est constitué de six parties, la définition du domaine d'application, du rapport évaluatif, puis le cadre du travail standard, suivi de notes explicatives et un glossaire et des exemples. À la fin du guide, vous trouverez aussi des conseils pour auditer et vérifier la qualité des rapports forensiques. Cet audit template, nous allons l'utiliser dans le cadre du cours. Mais regardons de plus près les différentes sections du document. Étudions d'abord quel est le domaine d'application du guide ENFSI. Vous avez vu avec Franco que les scientifiques forensiques peuvent avoir différents rôles et produire différents types de rapports. Ce guide ne traite que des rapports évaluatifs. Il ne concerne pas les autres types de rapports, que ce soit les rapports investigatifs, de renseignements, des rapports factuels ou les rapports analytiques. Ici, notre sujet d'étude, ce sont les rapports évaluatifs. Dans ce cours, nous mettons au défi comment les sciences forensiques sont utilisées au tribunal. Quel est le cadre imposé par le guide? Comme vous le verrez, il est ancré sur des principes que vous avez déjà vus ou que nous verrons bientôt ensemble. Le premier est l'utilisation d'un rapport de probabilité appelé aussi rapport de vraisemblance. Le second est l'importance des propositions et des questions concernant la source d'un objet et les activités alléguées. Le troisième est la façon dont les experts devraient s'exprimer au tribunal en respectant les principes logiques d'interprétation. Bien que ce document soit un guide, tout au long de notre cours, nous présenterons des arguments qui montreront, de façon convaincante je l'espère, que ce guide, ses principes doivent être appliqués. Nous allons faire plus que de les recommander. Ce document doit être considéré comme un standard. Sans cela, il est probable que la science ne serve pas au mieux la justice. Vous trouverez des notes explicatives détaillées dans le guide. Ces notes expliquent les exigences en matière de rapport évaluatif. Elles expliquent les propositions, les données à utiliser pour évaluer les résultats et la signification du rapport de probabilité que nous allons appeler rapport de vraisemblance. À la fin, vous trouverez un glossaire, car des réunions de travail sur ce document, il est ressorti de manière évidente que même les scientifiques forensiques n'utilisaient pas tous le même langage sur des concepts aussi importants. Et cela ne va pas sans nous amener à nous interroger sur comment communiquer au tribunal un message qui soit commun alors que même les spécialistes ont de la peine à s'accorder sur les termes qu'ils vont utiliser. Il est vrai que ce guide est un document écrit par des scientifiques forensiques pour des scientifiques forensiques. Et lorsqu'il a été présenté aux membres du système judiciaire, il nous a été suggéré de préparer un document d'introduction plus simple, qui serait destiné cette fois à des non-spécialistes. Ce second document est également disponible pour que vous puissiez le consulter. Ce cours est construit sur la base des principes énoncés dans le guide. Peut-être qu'à première vue, ils peuvent paraître obscurs et destinés à des spécialistes, mais au travers du cours, vous apprendrez à les regarder d'un œil critique, et ils deviendront votre instrument de mesure de la qualité des rapports. À la fin de ce cours, en réalisant l'importance de ces recommandations, vous viendrez vous-même à les exiger de n'importe quel expert témoignant au tribunal sur des questions d'ordre évaluatif. Certains d'entre vous auront remarqué que le titre du document s'applique à toutes les disciples forensiques confondues. Vous trouverez des exemples traitant des traces de semelles, du verre, des fibres, de l'ADN et encore bien d'autres types de traces. Le groupe travaillant sur ce projet comptait des représentants de plusieurs laboratoires affiliés à l'ENFSI. La docteure Sheila Willis, présidente du groupe, a réuni des scientifiques de huit laboratoires considérés à la pointe sur ces questions. Sa vision est qu'il ne devrait y avoir qu'une seule façon d'interpréter et de faire état de la valeur des résultats forensiques, ce, quelle que soit la discipline. Ce point de vue que nous partageons tranche avec la vision selon laquelle chaque discipline devrait adopter ses propres recommandations sans se préoccuper des autres disciplines forensiques. Selon nous, l'approche utilisée pour l'évaluation des résultats forensiques doit être la même que l'on évalue une comparaison d'empreintes digitales, d'arme à feu, d'ADN, de verre, de fibres, de peintures ou de résidus de tirs. C'est pour cette raison que nous étudierons ensemble des cas qui comportent divers types de traces en vous ramenant à chaque fois vers les bonnes pratiques d'interprétation. Nous démontrerons que la meilleure façon de juger si un rapport évaluatif d'un scientifique forensique est adéquat ou non est de le confronter aux principes du guide. Pour ce faire, nous allons utiliser cet audit template. Explorons ensemble un exemple typique mettant en œuvre quelques premiers principes énoncés dans les recommandations de l'ENFSI. Voici les circonstances d'un cas. Une femme a été retrouvée morte sur son lit. Selon le constat du médecin légiste, elle a été étranglée avec son écharpe. Très vite, la police en vient à soupçonner son fiancé. Derrière moi, vous pouvez voir les images d'un vrai cas de viol suivi de meurtre datant de 1907, qui viennent des archives de notre institut. Passons aux résultats forensiques. Ils sont les suivants, et là , nous revenons en 2016 avec les technologies de 2016. Un profil ADN a été obtenu à partir des prélèvements effectués sur le cou de la victime. Ce profil correspond en partie au profil du fiancé de la victime. Le fiancé indique qu'il n'est absolument pas impliqué dans les évènements sous enquête mais qu'il a visité sa fiancée deux jours auparavant. Selon lui, c'est à ce moment-là que l'ADN a été transféré sur le cou de celle-ci. Le guide invite à se poser les questions suivantes. Quelle est la question que le tribunal cherche à résoudre? Est-ce que le scientifique peut y apporter assistance? Dans quelle mesure les résultats sont-ils plausibles si les allégations de l'accusation sont vraies, et dans quelles mesure sont-ils plausibles si les allégations de la défense sont vraies? Finalement, ces résultats sont-ils plus probables dans une thèse par rapport à l'autre? Quelle est la question au cœur des débats pour le tribunal en rapport aux résultats ADN que nous avons évoqués? Dans ce cas, la source de l'ADN n'est pas disputée. Il est parfaitement admis par les parties qu'il a été laissé par le fiancé. La question critique porte sur la question de savoir comment l'ADN a été transféré, suite à l'agression ou suite à la visite de courtoisie deux jours auparavant. Le tribunal se focalise ici donc sur l'activité de l'étranglement et non sur la source de l'ADN. La question étant, est-ce que le fiancé a-t-il étranglé la victime, ou elle a été étranglée par une tierce personne inconnue. C'est dans ce cadre précis que on se pose la question de savoir si le scientifique peut assister le tribunal en exploitant les traces ADN. La réponse est oui, il le peut. Il le peut en évaluant les quantités respectives d'ADN auxquelles on peut s'attendre dans les deux scénarios. La quantité attendue si le fiancé a étranglé la victime en regard de la quantité attendue si le contact social est intervenu deux jours auparavant. Le scientifique devrait également considérer les attentes en matière d'ADN si une tierce personne était potentiellement impliquée. Étant donné les connaissances spécialisées nécessaires à une telle évaluation, il est du rôle du scientifique de se pencher sur ces questions et de considérer ces résultats ADN sous l'angle des activités alléguées. En pondérant les probabilités respectives des résultats, ici la quantité d'ADN, sous l'angle de la thèse de l'accusation puis sous l'angle de la thèse de la défense, le scientifique sera en mesure de s'exprimer quant à la force à attribuer aux résultats obtenus. Rappelons que dans notre cas, la question n'est pas qui a laissé l'ADN mais comment il est arrivé sur le cou de la victime. Cette manière de procéder permet au tribunal de savoir laquelle des deux thèses est soutenue par les résultats scientifiques et avec quelle force. Il sera alors du ressort d'intégrer cet élément dans le contexte global du cas et de prendre une décision quant aux accusations portées contre le fiancé. Le guide apporte donc une clarification des rôles respectifs, comme vous l'avez entendu dans le cadre de la présentation sur les principes de l'interprétation forensique. Le scientifique ne se prononce que sur les probabilités associées aux résultats des analyses, alors que le tribunal cherche naturellement à répondre aux questions ultimes. En conclusion, nous avons vu que le guide ENFSI pour les rapports évaluatifs est constitué de six parties, la définition du domaine d'application, la définition du rapport évaluatif, le cadre de travail standard, des notes explicatives, un glossaire et des exemples. Vous savez également maintenant que le guide ENFSI offre un cadre de raisonnement qui est applicable quelle que soit la discipline forensique. Ce cadre de raisonnement permet aux scientifiques de fournir des conclusions de façon robuste, logique, transparente et surtout équilibrée. Ce document offre également aux avocats et procureurs un audit template qui permet d'assurer que les principes d'interprétation sont respectés. Pendant le cours, nous reviendrons régulièrement sur ces recommandations et nous verrons comment elles peuvent aider les scientifiques à témoigner au tribunal. Sur ces mots, je vous dis au revoir et reste à votre disposition sur le forum si vous souhaitez poser des questions. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO VIDE] [AUDIO VIDE] [AUDIO VIDE] [AUDIO VIDE] [AUDIO VIDE]