[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour. C'est un grand plaisir pour moi que de vous accueillir à cette session sur les principes d'interprétation en sciences forensiques. Le but de cette vidéo est de vous exposer les principes d'interprétation qui permettent d'assurer que les critères de la logique, de la transparence et de l'équilibre, soient remplis. Ces principes sont les suivants. Le premier principe dit que l'interprétation doit se faire en considérant le canevas de circonstances. Le deuxième principe est que l'on doit évaluer les résultats à la lumière de ce que disent les deux parties, à la lumière de l'information. Et le troisième principe dit que les scientifiques doivent se prononcer sur la valeur de leurs résultats et non sur ce que disent les parties, c'est-à-dire se prononcer sur la valeur des propositions. Nous allons donc discuter ici des trois principes que devraient respecter les scientifiques lors de l'interprétation de leurs résultats forensiques. Mais qu'est-ce qu'on entend exactement par interprétation des résultats? En introduction, avec Franco et Alex, vous vous souvenez que des fibres avaient été retrouvées sur la victime et qu'elles avaient été comparées au gilet de monsieur S? L'interprétation des résultats dans cet exemple consiste à déterminer la valeur des fibres, et donc à savoir si les résultats soutiennent plutôt l'hypothèse de la défense ou l'hypothèse de l'accusation, ou aucune des deux hypothèses. Interpréter ses résultats consiste donc à déterminer la valeur de l'indice pour aider le tribunal à prendre une décision concernant les faits allégués. Comme vous l'avez vu avec Alex dans sa vidéo sur l'incertitude au procès pénal, le cadre formel que nous devons utiliser pour l'interprétation doit posséder des critères donnés. Il doit être basé sur la logique, être équilibré ou équitable, c'est-à-dire tenir compte des deux points de vue. Il doit être également robuste et transparent. Ici, nous allons nous focaliser sur les critères de la logique, de la transparence et d'équilibre. Nous devons la publication de ce concept fondamental au groupe de recherche sur l'interprétation de l'ancien service forensique de l'Angleterre et du Pays de Galles connu sous le nom de Forensic Science Service of England and Wales. Cette publication par Ian Evett, Graham Jackson, Stella McCrossan et Jim Lambert constitue une étape clé voire cruciale. C'est à mon avis la contribution la plus importante et la plus utile dans le domaine de l'interprétation. Elle représente une étape essentielle qui assure que nos rapports sont transparents, équilibrés et conformes aux règles de la logique. Vous verrez, comme toutes les grandes idées, le concept est simple mais fondamental. Si les scientifiques forensiques respectent ces trois principes d'interprétation, alors les rapports d'expertise fournis au tribunal seront transparents, équilibrés et conformes aux règles de la logique. Vous vous rappelez sans doute que nos probabilités dépendent de ce que l'on sait, de ce que l'on nous dit et de ce que l'on présuppose. Ceci constitue le premier principe. Ce que l'on sait, ce que l'on nous dit et ce que l'on présuppose conditionnent la façon dont on évalue nos résultats. Le premier principe d'interprétation nous dit donc que l'évaluation ne peut se faire qu'en tenant compte des circonstances propres à l'affaire. Il y a beaucoup d'informations qui n'auront aucun impact sur la valeur des résultats. Mais certaines informations auront de l'impact. Il est donc essentiel de reconnaître quels sont les aspects de l'information non-scientifique qui influencent la valeur des résultats. Prenons un exemple. Imaginez qu'il y ait eu un meurtre durant lequel les deux personnes impliquées sont blessées. On retrouve du sang en grande quantité sur les lieux du crime, notamment sur le chemin emprunté par le meurtrier ou la meurtrière lors de sa fuite. Un témoin ayant assisté à la scène décrit la meurtrière comme étant une femme d'apparence européenne, donc quelqu'un qui me ressemble. Quelques heures plus tard, je suis arrêtée par la police. Il va sans dire que je suis innocente, et que naturellement, je ne suis aucunement impliquée dans cette affaire. La personne qui évaluera la valeur des résultats forensiques devra tenir compte de l'information selon laquelle la meurtrière était une femme d'apparence européenne. L'expert devra aussi tenir compte du fait que je dis ne pas être impliquée dans cette affaire. En particulier, lors de l'évaluation des résultats ADN, le scientifique devra tenir compte de l'information que si le sang n'est pas le mien, alors c'est celui d'une femme inconnue d'origine eurasienne ou européenne de quelqu'un qui me ressemble. Cette information est pertinente car elle influence la valeur des résultats. En effet, un profil ADN peut être plus commun dans une population que dans une autre. Les caractéristiques génétiques dépendent en effet de l'origine ethnique de la personne. Considérons maintenant un autre cas. Imaginons qu'il y ait eu un cambriolage avec bris de vitres. J'ai moi-même cassé quelques vitres, pour la recherche évidemment. D'ailleurs, ça me manque un petit peu. On va en casser une ensemble? Allez, on y va, il n'y a personne. Maintenant on est dans la salle de recherche de traces, mais c'est aussi la salle où on va faire des expériences par exemple sur le transfert de bris de verre. Donc ce que je vais faire ici, nous avons ici une vitre dans un dispositif spécialement fait pour nous, et puis j'ai mon marteau avec lequel je vais briser la vitre. Évidemment, c'est très important de respecter les consignes de sécurité, donc je vais mettre un casque et aussi des gants et une veste pour me protéger. Une fois que j'ai brisé la vitre avec le marteau, eh bien on recherchera les fragments de verre sur mes vêtements, et comme c'est moi qui brise la vitre, ce sera Alex qui fera cette recherche de traces pour nous. Donc la recherche de traces se fait tout simplement en utilisant un cône. On va secouer les vêtements au-dessus de ce cône et récupérer les fragments de verre éventuels dans une boîte de plastique. Maintenant je crois qu'on est prêt et on peut faire l'expérience. [BRUITS] [BRUITS] Comme vous avez vu vous-mêmes, lorsqu'on brise une vitre, si on est proche, donc si on brise la vitre avec un marteau, alors il y a généralement une grande quantité de fragments de verre qui seront projetés donc transférés sur la personne. Selon la distance, le nombre de fragments projetés sera différent. Par exemple, lorsqu'on brise une vitre avec un outil, alors on pourra s'attendre à retrouver une douzaine de fragments de verre transférés sur le vêtement supérieur. Par contre, avec une pierre, ce nombre sera nettement inférieur et il n'y aura que quelques fragments transférés, parce que la distance est différente. Si sur une scène de crime, l'investigateur observe que la vitre a été brisée avec un outil, cette information sera très importante pour nous déterminer sur la probabilité de retrouver un grand nombre de fragments suite au bris. Cette information, la distance ou le mode de bris, est pertinente pour attribuer ce qu'on appelle les probabilités de transfert, c'est-à-dire dans notre cas, la probabilité de retrouver un grand nombre de fragments, sachant l'activité alléguée. Le premier principe d'interprétation nous dit que l'information qui pourrait avoir un impact sur nos attentes quant au matériel forensique retrouvé ou sur les résultats de la comparaison est nécessaire. Donc dans le cas où une vitrine est brisée, j'aurai besoin d'informations quant à ses activités alléguées. Typiquement, il est utile de savoir si la vitre a été brisée au moyen d'un marteau ou d'un outil, ou au moyen d'une pierre. Le temps écoulé entre le bris et la saisie des vêtements de la personne, le type de vêtements, sont également des éléments qui sont importants. Un dernier élément qu'il ne faut pas négliger, est ce que dit la personne. Il est essentiel de savoir si monsieur X, notre suspect, est par exemple vitrier, ou s'il a brisé récemment du verre. Pour le cas où j'étais suspectée de meurtre, on aura besoin d'avoir de l'information quant à l'auteur. Si ce n'est pas moi, comme je l'affirme, qui est-ce? Cela serait une femme ayant la même apparence que moi. Juste? Parce qu'on a besoin de cette information, pour être transparents, les scientifiques forensiques doivent souligner cet élément dans leur rapport d'expertise. Il est également important d'alerter les personnes à qui sont destinés ces rapports. Si l'information change, alors l'évaluation des résultats pourrait également changer. Si par exemple l'information change et qu'on me dit que cette pierre a été retrouvée sur les lieux, alors cet élément impactera mon évaluation, car dans ce cas, je m'attendrai à retrouver moins de fragments de verre. En effet, plus on est loin d'une vitre, moins on retrouve de fragments. Dans ce cas, on doit tenir compte de cette nouvelle information, car cela change ma détermination des probabilités de transfert. Toutefois, il y a de l'information que je ne souhaite pas avoir, car cela pourrait biaiser mon jugement. C'est ce que j'appellerais l'information non-pertinente du point de vue forensique. Un exemple typique d'information non-pertinente qui est non seulement inutile mais également potentiellement nuisible est l'information du cas qui aura un impact sur la décision du tribunal, sur l'innocence ou non de la personne jugée. Par exemple, nous ne voulons pas savoir que la personne a été reconnue par la victime. Cette information est totalement inutile pour le scientifique. Cet élément, par contre, est pertinent pour le tribunal. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]