[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Bonjour, bienvenue au centre de l'École des sciences criminelles. Nous nous trouvons ici maintenant dans la salle dédiée à l'examen de cas impliquant des armes à feu, et c'est ici que nous débuterons notre cours. Durant cette première semaine, nous étudierons les concepts fondamentaux que nous utiliserons pour discuter de comment les scientifiques forensiques doivent s'exprimer au tribunal. Pour introduire ce concept, nous aimerions commencer par un cas, car, après tout, les cas sont au cœur de la science forensique. Alex, s'il te plaît, je te propose de commencer en discutant le cas de la femme retrouvée morte suite à une agression sexuelle. Nous avons quelques images de la scène, fictive rassurez-vous, que nous aimerions vous montrer afin que vous sachiez quels types de trace on peut retrouver et comment les résultats sont rapportés au tribunal. D'après les circonstances, parce qu'on soupçonne qu'il y a eu agression sexuelle, en tant que scientifiques forensiques, nous savons que les fibres textiles pourront s'avérer être des traces utiles. Dans un tel cas, on recommande de faire ce qui est appelé du one-to-one taping, et c'est ce que nos experts ont fait. Vous pouvez voir dans cette courte vidéo, qui a été tournée par nos collègues dans un but éducatif, comment on procède à un tel examen. >> La technique appelée one-to-one taping a d'abord été appliquée en Allemagne dans la fin des années 2000. Le one-to-one taping a également été appliqué dans d'autres pays, notamment au Royaume-Uni, en Suisse et en Belgique. Cette technique est mise en œuvre dans des cas graves, lorsque la police suspecte qu'il y a eu un contact physique entre la victime et l'agresseur. En effet, dans de tels cas, on s'attend à ce qu'un large nombre de fibres soit transféré des vêtements de l'agresseur aux vêtements de la victime, et vice-versa. Comme mentionné par Franco, cette vidéo a été tournée par nos collègues à des fins de formation. Ici, nous ne sommes pas, bien sûr, sur une vraie scène de crime. Il est essentiel qu'il n'y ait aucune pollution de la scène de crime. Afin de s'assurer de n'ajouter aucun matériel, les intervenants porteront des vêtements de protection appropriés. [BRUIT] Ici, on voit que nos experts fibre sont habillés d'une combinaison blanche afin de ne laisser aucune fibre de leurs vêtements. Ils portent également des protections sur leurs chaussures afin de ne laisser aucune trace de semelles ou de matériels indésirables tels que de la terre. Ils portent un masque, une charlotte et des gants afin de ne pas polluer la scène avec leur ADN, cheveux ou traces papillaires ou, dans le langage courant, des empreintes digitales. Cette étape est essentielle car on ne peut, en effet, exagérer l'importance de ne pas polluer la scène de crime. [BRUIT] Avant d'entrer dans la maison, qui a été sécurisée et protégée par les premiers intervenants, on prend des photographies pour fixer la scène de crime, d'abord l'entrée, puis la scène de crime et la victime. [BRUIT] [BRUIT] Pour prélever les fibres qui auraient pu être transférées des vêtements de l'agresseur à la victime, on applique sur les vêtements de petites bandes adhésives pré-étiquetées. Comme vous pouvez le voir, ces bandes ont été numérotées pour qu'on puisse savoir exactement où les fibres ont été retrouvées. La représentation schématique des fibres prélevées permet d'acquérir de l'information quant à la pertinence des fibres. Selon leur localisation et leur nombre, il sera plus ou moins probable qu'elles proviennent de l'agresseur. [BRUIT] Pour les fibres présentes dans les cheveux, on utilise un peigne dans les dents duquel on aura inséré de la ouate. Ce peigne est emballé et étiqueté. Comme auparavant, des photos sont prises afin de fixer le travail, et nos experts remplissent un formulaire avec les informations ad hoc. Les bandes adhésives sont collées sur des feuilles en plastique PVC qui sont étiquetées et stockées afin d'assurer la continuité de la preuve. Une fois que toutes les fibres ont été prélevées, on retourne la personne afin de prélever les fibres présentes sur le devant de ses vêtements. Comme auparavant, nos experts utilisent des bandes adhésives pré-étiquetées, prennent des photographies et mettent les bandes sur des feuilles en plastique afin de les préserver et de pouvoir les examiner au laboratoire. À des fins de comparaison, des fibres de l'ensemble des matériaux textiles environnant le corps, ici les fibres du canapé, sont prélevées avec des bandes collantes. Cela permettra de savoir quelles sont les fibres qui proviennent de l'environnement et quelles sont les fibres qui pourraient provenir de l'agresseur. Tous les objets, ici le tapis sur lequel on a retrouvé la victime, sont ensuite amenés au laboratoire en prenant les mesures appropriées. >> Un autre élément important est l'ADN. Dans cette introduction, nous nous concentrons sur deux types d'analyse. D'abord, l'examen des fibres textiles et, deuxièmement, l'analyse des traces d'origine biologique. Comme vous avez pu voir dans la vidéo, le taping one-to-one a été effectué sur le corps de la victime. Cela a permis de garantir la collection de toutes les fibres étrangères aux vêtements et de les localiser avec précision. À l'institut de médecine légale, des prélèvements vaginaux ont été effectués sur la victime. L'ADN de ces prélèvements a été ensuite analysé au laboratoire. >> Il me semble que suite à l'enquête, monsieur S a été arrêté chez lui, trois mois après la découverte du corps de la victime. Du matériel de comparaison a été saisi, ses vêtements ont été prélevés et puis son ADN collecté. Pourrais-tu, s'il te plaît Alex, me rappeler quels étaient les résultats des examens forensiques? >> Selon le rapport du laboratoire, les prélèvements vaginaux de la victime montrent qu'il y a la présence de spermatozoïdes. Ils ont utilisé le test que l'on appelle Christmas Tree test. Sous le microscope, on peut voir les têtes de spermatozoïdes en couleur rouge et les queues en vert. Le profil ADN obtenu après analyse montre qu'il semble y avoir du matériel génétique de plus d'une personne. Une partie du mélange ADN correspond au profil de la victime, et une partie correspond au profil de monsieur S. Concernant l'examen des fibres, plus de 7 000 fibres vertes ont été retrouvées sur le pull de la victime. Elles ont été comparées aux fibres de la veste de monsieur S, que vous pouvez voir à l'image. Les fibres ont été observées sous le microscope en utilisant différentes conditions d'éclairage. Dans les trois images, vous pouvez constater que les fibres retrouvées ne sont pas différentes des fibres de la veste de monsieur S. Le one-to-one taping montre que la plupart des fibres se concentrent sur le devant du pull. Sur le schéma, on peut voir en vert foncé les endroits où la concentration des fibres est supérieure à 4 par centimètre carré. >> Là, alors, on a vraiment des indices très probants, n'est-ce pas? >> Ici, ce qui est difficile, c'est la façon dont les experts ont rapporté leurs résultats. J'aimerais donner ici trois exemples. Pour les fibres, voici ce qu'a dit le premier expert. Plus de 7 000 fibres vertes ont été retrouvées sur le devant du pull de la victime. Ces fibres ne peuvent être distinguées des fibres de la veste de monsieur S. Ces résultats sont donc compatibles avec la thèse de l'accusation. Le deuxième expert, quant à lui, a écrit, Les fibres de la veste de monsieur S sont très rares. Et le troisième expert a, quant à lui, dit que Les résultats des fibres sont 6 000 fois plus probables si monsieur S, portant sa veste, a agressé la victime que s'il n'est pas impliqué dans l'affaire. Pour l'ADN aussi, on a ici trois types de conclusions selon quel expert on choisit. Pour le premier expert, il dit que le profil de la fraction spermatique correspond au profil de Monsieur S. La probabilité de coïncidence fortuite de ce profil dans la population caucasienne est de 1 sur 15 milliards. Le deuxième expert nous dit, il est établi avec un degré raisonnable de certitude scientifique que le sperme retrouvé sur les prélèvements intimes de la victime provient de Monsieur S. Et le troisième expert dit, les résultats sont de l'ordre d'un milliard de fois plus probables si Monsieur S a eu un rapport sexuel complet avec la victime plutôt que si Monsieur S n'est pas impliqué du tout. >> Bien. On voit donc qu'il n'y a pas d'harmonisation au niveau des conclusions. Certains experts donnent le résultat brut, de façon un peu factuelle, d'autres parlent de sources de fibres ou de l'ADN, et d'autres considèrent les activités ayant mené aux traces. Ceci peut amener une confusion quant au message donné par les experts au tribunal. Qu'est-ce qu'un degré raisonnable de certitude scientifique? Qu'est-ce qu'on entend par le terme rare? Qu'est-ce que ça veut dire 1 milliard de fois plus probable? >> Oui, tu as raison. C'est troublant que toutes les conclusions sont différentes. Il ne semble pas y avoir une approche avec des critères uniformément appliqués. Certains mentionnent des probabilités et d'autres sont plus catégoriques. De plus, comme vous le verrez plus tard dans ce cours, certains de ces rapports ne sont pas conformes avec les recommandations du réseau européen des laboratoires forensiques, en anglais c'est le terme European Network of Forensic Science Institutes, ENFSI. Pourtant, c'est une référence dans le domaine des sciences forensiques. >> Ceci m'amène à introduire les objectifs de cette première semaine, démontrer qu'il y a de l'incertitude dans le procès pénal et en science forensique, expliquer les critères que nous devrions adopter pour raisonner face à l'incertitude, distinguer les rapports évaluatifs des autres types de rapports forensiques, résumer les bonnes pratiques en matière d'évaluation ou d'interprétation des résultats forensiques, expliquer comment se déterminer sur la valeur des résultats forensiques, prendre conscience que nos probabilités dépendent de nos connaissances et de l'information à notre disposition, clarifier les différences entre le rôle du tribunal et le rôle des experts. >> Ces thèmes sont développés dans les vidéos suivantes. La première, la science forensique et les rapports évaluatifs, la deuxième, l'incertitude dans le procès pénal, la troisième, les principes d'interprétation des résultats forensiques, et la quatrième pour finir, les recommandations européennes sur les rapports évaluatifs. >> Merci à Alex. Nous vous remercions de votre attention et à bientôt. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]