[Musique] [Musique] [Musique] >> Pour conclure cette session, permettez-nous de rappeler les concepts importants que nous avons présentés. Dans notre exemple fictif, une femme avait été agressée sexuellement et par la suite tuée. Des traces de sperme, puis de l'ADN, avaient été mis en évidence. Des fibres textiles avaient également été retrouvées puis comparées avec la veste de monsieur S, soupçonné dans cette affaire. La thèse de monsieur S est qu'il n'avait aucun lien du tout avec cette affaire d'agression et de meurtre et qu'il ne connaissait même pas la victime. Des analyses d'intérêt forensique avaient été effectuées par différents experts, comme d'ailleurs cela est fait en routine dans des cas très importants. Regardons ensemble si les témoignages de ces scientifiques sont en accord avec les principes de l'interprétation, et pour cela, utilisons notre guide édité par le European Network of Forensic Science Institute pour les rapports dits évaluatifs. Alex, pourrais-tu nous rappeler ce que notre premier expert a dit dans le cadre de l'affaire, s'il te plaît? >> Oui, bien sûr, Franco, avec plaisir. Notre premier expert avait témoigné en ces termes, Plus de 7 000 fibres textiles de couleur verte ont été retrouvées sur la partie antérieure du pull de la victime. Ces fibres ne peuvent pas être différenciées des fibres qui constituent la veste appartenant à monsieur S. Ces observations sont donc compatibles avec le point de vue de l'Accusation. Ce témoignage est problématique pour plusieurs raisons. Premièrement, les résultats sont uniquement considérés sous la perspective proposée par le procureur. Cette façon de procéder n'est pas en accord avec les lignes directrices de l'ENFSI selon lesquelles le rapport doit spécifier au moins une paire d'hypothèses. Donc, affirmer que les résultats sont compatibles avec est une façon de s'exprimer qui n'est pas équilibrée et qui ne tient compte que d'un seul point de vue. On doit pouvoir considérer au moins une alternative comme souligné par les principes d'interprétation. Deuxièmement, notre expert ne quantifie pas la valeur de l'indice. Est-ce que nous nous attendons à trouver ce type de résultat si monsieur S n'a aucun lien avec cette affaire? Est-ce que ces fibres sont fréquentes ou rares? Est-ce qu'elles pourraient nous aider dans cette affaire? Quelle est la valeur probante? Cette dernière doit être attribuée en considérant le rapport des deux probabilités. Elle doit donc s'exprimer par la métrique connue sous le nom de rapport de vraisemblance. Cette métrique est le rapport entre d'un côté la probabilité d'observer ces résultats si monsieur S a commis les actions caractérisant le crime, et d'un autre côté, la probabilité d'observer ces résultats si monsieur S n'a aucun lien avec cette affaire. >> Le deuxième expert nous apporte un peu plus d'informations en se prononçant qualitativement sur la rareté des fibres textiles. En effet, il écrit que les fibres qui constituent la veste verte de monsieur S sont très rares. Cette expression est encourageante, mais elle ne nous offre pas encore une information précise sur la rareté de ces fibres ou sur la signification d'observer une telle quantité de fibres correspondantes sous les deux propositions d'intérêt. Donc, une fois encore, l'expert ne se prononce pas sur la valeur de l'indice. Le troisième expert nous donne la valeur des résultats en fonction de deux propositions. Ceci est exactement ce qui est préconisé par les principes de l'interprétation et dans le guide de l'ENFSI. En effet, il conclut en disant, Les résultats des examens effectués sur les fibres textiles sont 5 800 fois plus probables si monsieur S, portant sa veste, a agressé la victime plutôt que s'il n'a aucun lien avec le crime. On pourrait se demander s'il s'exprimait avec une quantification du type sont de l'ordre de 6 000 fois plus probables ne serait pas suffisant, mais cette discussion ouvre un tout autre débat que nous n'allons pas aborder maintenant. Ce qui est important, c'est que la valeur des observations est donnée en considérant deux propositions mutuellement exclusives représentant les deux points de vue. >> En ce qui concerne l'indice type ADN, nous avons également trois types de conclusions. Un expert nous dit que le profil génétique majoritaire correspond au profil de monsieur S. L'occurrence de ce profil dans la population masculine caucasienne est de 1 sur 15 milliards. Ici, une fois de plus, les résultats sont évalués en considérant seulement une seule proposition. Cette façon de formuler les résultats laisse à penser que, vu son extrême rareté, le profil ADN observé est unique. >> La conclusion de notre deuxième scientifique n'est pas non plus compatible avec les principes de l'interprétation. En effet, il exprime une opinion sur la proposition et non sur les observations puisqu'il nous dit qu'il est établi avec un raisonnable degré de certitude scientifique que le sperme retrouvé dans les prélèvements intimes effectués sur la victime provient de monsieur S. Donner une opinion sur la proposition d'une des parties au lieu de s'exprimer uniquement sur les résultats observés n'est pas compatible avec les principes de l'interprétation et les lignes directrices de l'ENFSI. C'est un point essentiel à vérifier impérativement dans les rapports d'expertise dits de type évaluatif. >> Regardons maintenant ce que nous dit notre troisième scientifique. L'expert nous dit que les résultats sont de l'ordre d'un milliard de fois plus probable si monsieur S a eu un rapport sexuel complet avec la victime plutôt que s'il n'a aucun lien avec les faits allégués. Elle donne donc son opinion sur la valeur des résultats, ce qui est parfait. Par contre, comme nous le verrons plus tard dans notre cours, il convient d'être très prudent lorsqu'on utilise de si grandes valeurs numériques. Le choix des propositions hypothèses d'intérêt est également essentiel. >> Ceci nous amène au point essentiel que nous avons étudié cette semaine. Nous avons vu que la notion d'incertitude est présente dans les sciences forensiques et au procès. Pour raisonner face à cette incertitude, il existe une discipline scientifique, les probabilités, qui nous permet de raisonner et d'agir de manière logique et cohérente. Quand nous agissons en qualité d'évaluateurs, c'est-à-dire quand il y a deux parties qui ne partagent pas le même point de vue sur des événements d'intérêt, les scientifiques doivent utiliser un cadre de raisonnement qui soit logique, équilibré et transparent. Nous avons vu comment identifier les rapports dits évaluatifs. Ces derniers se focalisent généralement sur la personne mise en cause, un suspect, et cherchent à aider les mandants à répondre à des questions du type Est-ce que la trace provient de ce suspect? Est-ce que c'est le suspect qui a commis telle ou telle action? Si l'intérêt des parties est associé à l'une de ces questions, il est important de contrôler que les principes de l'interprétation soient suivis. Pour ce faire, on pourra utiliser le guide de l'ENFSI et vérifier si le rapport a été rédigé en respectant ou non ces principes. >> Rappelons que le premier principe affirme que l'interprétation se déroule dans un cadre de circonstances données. Il faudra donc vérifier si, dans le rapport évaluatif, il y a une phrase qui mentionne explicitement les circonstances du cas en examen. Le deuxième principe nous dit que il est nécessaire d'évaluer les résultats à la lumière d'au moins deux propositions ou hypothèses. Il conviendra donc de vérifier que ces deux propositions soient bien spécifiées. Le troisième principe dit qu'il faut considérer la probabilité des observations sachant la proposition et l'information. Il est crucial de vérifier si l'expert ou l'experte donne une opinion sur les résultats ou si les conclusions concernent les propositions elles-mêmes. >> Nous avons montré qu'il est nécessaire d'avoir un langage uniformisé afin d'éviter toute confusion dans le message véhiculé par les scientifiques face au tribunal. Les experts forensiques doivent donner et expliquer quelle est la valeur des résultats observés, comme recommandé dans le guide de l'ENFSI. Cette valeur s'explique par le rapport de deux probabilités qui est appelé rapport de vraisemblance. Le rapport de vraisemblance est donc le rapport entre d'un côté la probabilité des résultats observés sous la thèse proposée par le procureur dans un cadre circonstanciel donné, et de l'autre côté la probabilité des résultats observés sous la thèse proposée par la défense dans le même cadre circonstanciel. Ces deux probabilités dépendent des connaissances de l'expert, des informations pertinentes sur le cas et des données. Tout ce matériel doit être clairement spécifié. Si les scientifiques forensiques utilisent cette approche pour l'évaluation de leurs résultats, alors leurs rapports seront logiques, robustes, transparents et équilibrés. Nous verrons dans les prochaines semaines quels sont les autres points fondamentaux à vérifier dans les rapports évaluatifs, et ceci, à travers une étude de vrais cas. 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