[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Bienvenue à cette seconde présentation consacrée à l'analyse forensique de l'ADN. Dans la vidéo précédente, nous avons vu les trois premières étapes nécessaires pour obtenir un profil ADN. D'abord, on a détecté et prélevé la trace, ensuite on a extrait et purifié l'ADN, puis on l'a quantifié. Maintenant, nous allons passer à la quatrième étape c'est-à -dire l'amplification ou la multiplication de notre ADN. L'extrait ADN est notre modèle, en anglais, notre template. Nous l'avons maintenant quantifié. Mais comme vous le savez, la molécule d'ADN est immense et on ne peut pas encore l'analyser en entier. Et on ne le veut pas vraiment non plus, comme on le verra. Ce que l'on souhaite, c'est se focaliser sur les endroits, c'est-à -dire les loci, qui sont les plus polymorphes, c'est-à -dire les loci où les individus vont montrer le plus de différences. On reviendra plus tard sur comment on cible exactement ces endroits. Traitons maintenant de l'amplification de l'ADN. Pour avoir une bonne détection et donc un bon profil, il nous faut des millions de copies d'ADN de l'endroit que nous avons choisi de cibler. Les scientifiques ont trouvé un moyen pour atteindre ce but. Non seulement on peut exactement cibler un endroit précis, mais en plus, en même temps, on peut amplifier l'ADN à cet endroit. C'est le rêve pour nous. Pour amplifier ou photocopier les endroits spécifiques de notre ADN, on va utiliser une sorte de photocopieuse ADN. On appelle cette photocopieuse ADN la PCR. La PCR est l'abréviation anglaise de réaction en en chaîne par polymérase ou polymerase chain reaction. En théorie, cela nous permet, à partir d'une seule copie de notre modèle ADN, notre template, de produire des millions de copies. Comme vous pouvez l'imaginer, les techniques sont donc extrêmement sensibles. Cela présente des avantages, mais il faut aussi faire très attention aux contaminations ou plutôt aux pollutions car on ne veut pas polluer notre extrait ADN avec un autre ADN. Comme pour la pâtisserie, on prépare tous nos ingrédients pour l'amplification, notre extrait d'ADN purifié, ce qu'on appelle les amorces, les quatres briques ADN, qui sont représentées par les lettres ATGC et la polymérase. Ne vous inquiétez pas, on reviendra plus tard sur tous ces ingrédients. On met tout ça dans notre préparation qu'on enfourne ensuite dans notre four ou plutôt notre thermocycleur qu'on appelle aussi notre appareil PCR. Revenons maintenant sur nos ingrédients. D'abord, on a notre extrait ADN. C'est notre modèle. Ensuite, on a les amorces. Ce sont des outils chimiques qui nous permettent de cibler les endroit précis sur l'ADN que l'on a décidé de copier. Ces amorces ont été élaborées par les scientifiques de manière à photocopier uniquement les endroits cibles que nous avons choisis. En plus, ce qui est génial c'est ce que ces amorces, comme une sorte de drapeau coloré, vont nous permettre de détecter les molécules et donc de visualiser notre profil ADN. On a aussi besoin de nos briques ADN, les nucléotides. Et le dernier ingrédient que l'on va rajouter est la polymérase. Son nom vous rappellera celui de la technique rRéaction en chaîne par polymérase ou PCR. On ajoute tous les ingrédients et on les mélange. Comme je vous l'ai dit, ce mélange est mis au four c'est-à -dire dans notre appareil PCR ou notre thermocycleur. Allons voir maintenant ce qui se passe exactement dans ce four. Comme vous le savez, l'ADN est une molécule à double brin, une double chaîne. Elle ressemble à une fermeture éclair. Pour copier chaque brin, on doit d'abord les séparer. Pour ce faire, il suffit d'augmenter la température aux alentours de 80 degrés. Une fois les deux brins séparés, on peut les copier en utilisant une réaction chimique qui construira les deux brins complémentaires. Comment? Vous voyez ces lettres sur notre fermeture éclair, ce sont nos briques ADN, les nucléotides. Quand les lettres complémentaires se mettent ensemble, elles forment notre fermeture éclair. Quand on augmente la température, la fermeture éclair s'ouvre et se sépare en deux brins. Ensuite, on baisse la température. Les cibles vont s'attacher à l'ADN exactement là où on l'a prévu. En effet, des amorces sont construites de telle sorte qu'elles se lient à l'ADN à un endroit bien spécifique. Une fois que les amorces se sont liées à l'ADN à l'endroit souhaité, la réaction chimique commence. Le brin complémentaire se construit grâce aux nucléotides ATGC qui sont nos briques ADN, et à la polymérase qui joue le rôle de maçon. Pendant le premier cycle, on va créer deux copies. Si on les ajoute à nos deux ADN modèles originaux, cela nous fait maintenant quatre modèles qu'on peut copier. Après le deuxième cycle, on aura créé quatre copies. Avec nos quatre modèles, cela fait huit modèles que l'on peut maintenant copier. Après le troisième cycle, on en aura fabriqué 16 copies, et après le quatrième cycle, on en aura créé 32. On voit donc que la PCR nous permet de copier ou d'amplifier notre ADN de façon exponentielle. Vous aurez peut-être noté que sur notre image, on peut lire locus ciblé sur les petites barres rouges. Ce sont, comme vous le savez, nos cibles. Mais quels sont ces endroits que l'on veut cibler? Vous vous souvenez que la molécule d'ADN est immense, n'est-ce pas? Sur cette immense molécule, on trouve des sections codantes, et non-codantes. Les sections codantes sont ce qu'on appelle les gènes. Comme les gènes sont essentiels à la vie, nous avons grosso modo tous les mêmes gènes afin de fonctionner normalement. Pour illustrer ce que sont ces sections codantes et non-codantes, imaginez que votre ADN soit un livre. Prenons une petite section de ce livre et focalisons-nous sur un endroit de notre ADN, par exemple le chromosome 16. En haut, vous voyez une partie du chromosome 16 ainsi que deux gènes. Comme on veut comparer notre ADN à un livre pour expliquer ce que sont ces sections codantes et non-codantes, on a mis en-dessous du chromosome 16 la partie d'un livre. Dans ce texte, vous pouvez voir tout de suite que certains mots ont du sens. Ils sont marqués en bleu. Et d'autres ne font pas beaucoup de sens. Les gènes sont représentés par les mots qui ont du sens. Par exemple, le gène 1 dit, ceci est une partie codante. et le gène 2 dit, bonjour. Ça doit être le gène de la politesse. Entre ces gènes, il y a ce qu'on appelle l'ADN non-codant. Ces parties dites non-codantes sont représentées par le texte en noir. À certains endroits dans ce texte, on peut constater que l'ADN a l'air de bégayer. Il y a des mots ADN qui se répètent plusieurs fois, comme ici le mot gata. On peut lire gata, gata, gata. On a marqué ces bégaiements en orange dans notre texte et aussi sur notre molécule d'ADN. Les scientifiques ont appelé cet endroit de notre ADN une région de bégaiement, en anglais stutter location, et ils ont donné le nom de locus D16S539. Il y a beaucoup d'endroits où notre ADN ne semble pas avoir de sens puisque à notre connaissance, seuls 2 % de notre ADN seraient codants. Comme on a généralement tous les mêmes sections codantes, en génétique forensique, on va analyser la partie qui ne semble pas signifier quoi que ce soit, c'est-à -dire la partie qui bégaie ici. La quantité de bégaiements dépendra de la personne, ce qui offre à la science forensique un moyen de différencier les personnes. On va cibler quelques régions non-codantes, par exemple 16, afin d'obtenir ce qu'on appelle un profil ADN. À chacun des endroits, à chacun des loci, on aura un type de bégaiement différent. À un endroit par exemple, on pourra avoir le mot gata, gata, gata, et à un autre endroit, à un autre loci, on aura taga, taga, taga. C'est important que l'ADN bégaie parce que le nombre de répétitions va définir le profil ADN de la personne. Comme vous vous en souvenet et comme illustré sur l'image, on hérite la moitié de notre ADN de notre mère et l'autre moitié de notre père. On a donc deux copies pour chacun des endroits, une de notre mère et une de notre père. Si on prend ici le locus D16S539, notre individu a reçu une copie avec neuf répétitions de son père et une copie avec dix répétitions de sa mère. Comme on voit le spermatozoïde et l'ovule, on peut savoir de qui provient l'ADN. On dira que cet individu a les allèles 9 et 10 pour le locus D16S539. Ce locus se trouve à un endroit précis sur le chromosome 16. Sans les parents, on ne peut pas savoir quel est l'allèle maternel et quel est l'allèle paternel. Pour savoir qu'il y a neuf et respectivement dix répétitions, et donc pour obtenir ce fameux profil pour ce locus, il faut qu'on sépare les fragments d'ADN en fonction de leur taille, puis on doit les détecter. Vous avez peut-être noté, pour les endroits où on analyse l'ADN, les scientifiques ont choisi des noms bizarres comme D16S539. Cela n'a pas vraiment beaucoup d'importance pour nous, mais si vous êtes curieux, pour ce locus ou pour cet endroit, le D reprend le D de ADN, DNA en anglais, et le chiffre 16 est celui du chromosome 16. Mais maintenant, il est temps d'aller voir comment on obtient ce fameux profil ADN. [AUDIO_VIDE] Maintenant, nous avons notre ADN cible ou plutôt nos ADN cibles, vu qu'on cible plusieurs régions. Il faut les séparer par leur taille et leur localisation. Comment? Pour ce qui est de leur localisation, c'est facile. En effet, comme on les a marqués avec différentes couleurs grâce à nos amorces, on pourra lors de l'analyse reconnaître les molécules d'ADN et savoir de quels loci elles proviennent. Pour ce qui est de leur taille, on va utiliser ce critère et séparer nos cibles en utilisant une technique qui s'appelle l'électrophorèse capillaire. On injecte l'ADN dans un très petit tube qu'on appelle un capillaire. Ensuite, sous l'influence d'un courant électrique, l'ADN va migrer plus ou moins vite vers la sortie de ce tube. La vitesse de migration va dépendre de la taille des molécules. Pour expliquer le phénomène, laissez-moi utiliser l'allégorie que John Batler décrit dans son fameux livre Forensic DNA Typing Methodology. Imaginez que l'analyse d'ADN soit comme une course. On a nos ADN cibles. Ce sont nos participants. Grâce à leurs couleurs, on sait d'où ils viennent. En réalité, on a beaucoup de participants, mais ici sur l'image, pour simplifier, on se focalise juste sur quelques-uns. Vous pouvez voir nos cibles. Elles sont en bleu, vert, rouge et noir. Ce sont nos équipes. On peut voir quelques-unes de ces cibles qui se préparent sur la ligne de départ. Il y a les allèles bleus, 12 et 15 ; les allèles verts, X et Y, on reviendra sur eux plus tard ; les allèles noirs, 24 et 26 ; ainsi que les allèles rouges, 18 et 19. C'est l'heure du départ. On leur dit d'aller sur les starting blocks. Ça y est, le départ est donné. Les molécules d'ADN sont injectées dans le capillaire. Elles migrent à l'intérieur du tube et se dirigent vers la ligne d'arrivée. Les grands allèles sont moins rapides que les petits, et ce sont eux, les petits, qui arrivent les premiers. Regardons de plus près les allèles de l'équipe des bleus. L'allèle 12 est plus petit, et c'est le premier à être détecté par notre caméra, et qui se trouve sur la ligne d'arrivée. Aussitôt qu'il est détecté, son signal est enregistré, et on observe la présence du pic 12. Cela correspond à l'allèle 12 du profil pour cet endroit précis, notre locus D10S1240. L'allèle 15 est toujours dans la course. Le voilà qui arrive. On peut voir un second pic, le pic 15, aussitôt qu'il franchit la ligne d'arrivée. Comme on analyse l'ADN à de multiples endroits, parfois les allèles venant de différents endroits ont la même taille. Mais ce n'est pas un problème car nous avons différentes couleurs pour nos différentes cibles. Si maintenant on regarde nos participants de l'équipe bleue et de l'équipe verte, on voit que l'allèle vert X est tout près de l'allèle bleu 12, même s'il arrive un peu après. Mais vu qu'ils ont une couleur différente, c'est très facile de les distinguer. Après, c'est l'allèle bleu 15 et l'allèle vert Y qui arrivent. Leur temps est très proche, mais encore une fois, on peut facilement les séparer basé sur leurs couleurs. Pour chaque endroit ciblé, on peut voir deux pics. Ce sont les deux allèles provenant des parents de la personne. Pour le locus D10S1240, la personne est 1215. Vous vous rappelez que je vous avais dit qu'on reviendrait sur les lettres X et Y. Eh bien à cet endroit, on peut savoir si la personne est un homme, XY, ou une femme, XX. Ici, on voit que la personne à l'origine de l'ADN est un homme, car il possède l'allèle Y pour le locus qu'on appelle amélogénine. Parfois, on ne verra qu'un seul pic. C'est le cas par exemple si les deux parents transmettent le même allèle. Par exemple, les femmes ont deux chromosomes X. Elles seront donc XX. Elles ne présenteront donc qu'un seul pic pour le locus amélogénine. Cela peut arriver pour n'importe quel locus. Au début des analyses de génétique forensique, avec cette méthode, on ciblait six endroits ou six loci. Maintenant, la plupart des laboratoires en utilisent au moins 15, si bien qu'on peut différencier la plupart des personnes qui ne sont pas apparentées. Bien sûr, on ne pourra pas différencier des jumeaux univitellins. Les frères et sœurs quant à eux partageront en moyenne la moitié de leurs caractéristiques génétiques. Revenons sur le profil qu'on a vu au début. Vous savez maintenant que les chiffres en bas du profil se réfèrent aux allèles de la personne. Vous savez également que les mots au-dessus des pics bleus, D10, vWa, D16, D2, ou sur la seconde ligne dans le vert par exemple amélogénine, ces mots se réfèrent à un endroit spécifique sur l'ADN. Ce sont nos loci ou nos marqueurs. On peut ensuite utiliser ce code alphanumérique pour comparer des profils ou faire une recherche dans la base de données nationale. Maintenant, nous sommes à la fin de ce long processus. Contrairement à ce qu'on peut voir dans les séries télé, c'est un processus qui est assez long, comme vous l'avez vu. Ce n'est pas seulement en quelques heures qu'on va pouvoir obtenir notre profil. Ça va prendre jusqu'à quelques jours, un ou deux jours. Mais maintenant, enfin, ça y est, on a notre profil. [BRUIT] Je pense que vous avez maintenant une bonne idée de ce qu'on fait au laboratoire. Vous voyez que c'est un peu plus long que dans les séries télévisées. Vous connaissez les six étapes essentielles nécessaires à l'établissement d'un profil ADN, un, détecter et collecter la trace ; deux, extraire et purifier l'ADN ; trois, quantifier l'ADN ; quatre, amplifier, photocopier cet ADN ; cinq, séparer et détecter l'ADN ; et six, observer le profil qu'on a obtenu. Vous savez aussi qu'il faut prendre d'infimes précautions à chacune des étapes afin de ne pas polluer notre ADN modèle. Vous savez ce qu'est un profil ADN, et vous pouvez expliquer ce qu'est le tableau près du profil, comme sur l'image ici. Vous savez aussi que l'on n'analyse qu'une partie de la molécule d'ADN. Par conséquent, des personnes différentes peuvent avoir le même profil ADN, même si, avec 15 loci, c'est vraiment très rare. Parfois, la comparaison de profil peut être très simple, mais comme l'ADN n'est pas toujours parfait, cela peut vite devenir complexe. Dans ce cas, la valeur d'un profil ADN est plus petite que s'il s'agissait d'une trace simple, de bonne qualité. Mais ça, c'est un autre sujet. Merci de votre attention. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]