[MUSIQUE] Bonjour, bienvenue dans ce deuxième module intitulé: Les grands modèles de la conduite du changement. On parle beaucoup de conduite du changement, il y a des livres, des conférences, des formations sur le sujet, mais quand est-il exactement de ce concept? Quand est-il apparu? Comment a-t-il évolué au fil du temps? La notion de conduite du changement est apparue avec les travaux de Kurt Lewin dans les années 40. Ce psychosociologue américain avait travaillé pendant la Seconde Guerre mondiale sur le changement des comportements alimentaires. Ses travaux ont fait l'objet de communications dans les années 50. Il avait montré qu'il était plus facile de faire changer un groupe qu'un individu. Pourquoi? Parce que les membres du groupe échangeaient entre eux sur leur nouvelle manière de faire, sur l'intérêt de tester le changement, et le groupe faisait ainsi évoluer ce que l'on va appeler les normes, et permettait à celui-ci d'opérer le changement, à la différence de l'individu qui lui, pris isolément, n'a pas ce miroir de l'intérêt de changer. C'est ce que l'on appelle la fameuse expérience des focus group de Lewin. Cet auteur montre qu'il y a des résistances au changement, et que les personnes, en groupe, et en échangeant elles-mêmes sur les modalités de réaliser le changement, vont faire évoluer les normes et ainsi lever les phénomènes de résistance. On appelle cela le paradigme sociologique du changement. On comprend bien pourquoi. C'est le sociologue qui intervient, et la notion de changement est perçue comme une donnée sociologique, véhiculée au travers du fonctionnement du groupe. La notion moderne de conduite du changement est née à la fin des années 70, et au début des années 80, avec les travaux d'une auteur américaine qui est Rosabeth Moss Kanter. Cette auteur a un célèbre modèle qu'on appelle la roue du changement. Dans cette roue, on voit les principaux leviers de la conduite du changement : la communication, la formation, l'accompagnement... qui sont des actions que l'on va mener auprès des bénéficiaires du changement, pour leur expliquer le changement mais également pour les former à celui-ci de telle manière qu'ils puissent l'implémenter, le déployer dans leur pratique quotidienne. Ce modèle a été utilisé mais également généralisé par tous les grands cabinets de conseil qui ont vulgarisé la notion de conduite du changement dans les entreprises. Jusqu'il y a peu, la notion de conduite du changement était essentiellement réalisée par des consultants externes. Maintenant elle est réalisée par des consultants externes et aussi des personnes en interne, que ce soit des consultants interne ou la ligne managériale. Les travaux de Moss Kanter sur la route du changement, vulgarisés par les cabinets de conseil, ont permis l'émergence effectivement de la notion de conduite du changement. Dans les années 80 la conduite du changement était exclusivement réalisée par des consultants externes. Maintenant la conduite du changement est aussi bien réalisée par des consultants externes que des consultants internes et que la ligne managériale également. Cette méthode a été réalisée, effectivement, pour les grands projets informatiques de type ERP. Pour l'installation des progiciels de gestion intégrée, il était nécessaire d'accompagner les utilisateurs parce que ces outils, ces progiciels, modifiaient les processus et il fallait travailler avec les bénéficiaires, sur le design des nouveaux processus, et comment l'outil informatique allait les aider dans ces nouveaux processus. De là est née la notion d'accompagnement du changement. On accompagne le changement, on conduit le changement. Il y a un certain nombre de leviers assez simples : la communication, la formation et l'accompagnement des utilisateurs. On parle de conduite de gestion instrumentale pour désigner ce deuxième grand modèle. On comprend bien la notion instrumentale. Il y a des instruments pour la conduite du changement. La communication, la formation, l'accompagnement permettent effectivement de lever les résistances des personnes qui devront implémenter, déployer le changement. La démarche instrumentale de conduite du changement a une grande limite, qui a été démontrée en autre par des auteurs comme Kotter. La conduite du changement, instrumentale, vise à proposer des grands leviers, en mode projet. Mais quand est-il des managers et du relais que ces derniers font auprès de leur équipe des changements. Un auteur comme John Kotter a montré dès 1996 l'insuffisance des démarches instrumentales, qui n'embarquaient pas assez les managers dans les projets de changement. Et pour cela, il a proposé une démarche visant à former les managers à être des relais et des co-constructeurs du changement. On passe dès lors de la démarche instrumentale à la démarche managériale du changement, qui vise à former les managers, à être des relais du changement sur le terrain. Pourquoi cela? Kotter dit : la personne qui est la plus écoutée par un salarié, c'est son chef. Et dans un changement, le salarié ira obligatoirement vers son chef pour savoir ce que celui-ci en pense, et comment celui-ci voit le changement au quotidien. Donc, au lieu de penser le changement en terme de grands leviers qui seraient déployés à l'occasion de projets, il faut aussi former les managers dans leur rôle. Cela a profondément modifié les pratiques de conduite du changement. Parce que là, on a vu aussi apparaître des acteurs qui étaient légitimes pour être ceux qui réalisaient la conduite du changement, c'est-à-dire les managers mais également ceux qui les formaient, comme les Ressources Humaines par exemple. Et dans ce modèle que l'on qualifie de managérial de la conduite du changement, on voit l'embryon de l'internalisation de la conduite du changement. Ce sont les managers en interne, qui déploient le changement auprès de leur équipe à partir de compétences sur ce thème. Et ces compétences sont fournies par des programmes de formation élaborés, entre autres, par les RH. A partir des années 2005, on voit apparaître un modèle qui suit le modèle managérial de la conduite du changement, qui est ce que l'on appelle le modèle Internalier la conduite du changement. Effectivement, les entreprises se dotent de cellules de conduite du changement, avec des spécialistes internes, spécialistes qui vont accompagner les projets, avec les grands leviers classiques de la conduite du changement, qui vont aussi former les managers, mais qui vont également s'intéresser à la dimension stratégique du changement. Comment cela? En élaborant ce que l'on va appeler des tableaux de bord de la transformation, qui visent à s'assurer comment les objectifs stratégiques d'une entreprise sont déployés en grands projets mais en transformation sur le terrain. Permettant ainsi de construire ce que l'on va appeler des 'iii', tel que la carte des transformations, le tableau de bord des transformations, qui permettent à des dirigeants de savoir où ils sont de leurs projets de transformation, de ce qui a été fait, de ce qui reste à faire, et également des zones difficiles à traiter. Donc on voit le modèle sociologique, le modèle instrumental, le modèle managérial, le modèle expérientiel, le modèle internalisé, une évolution des grands modèles de conduite du changement qui modifie profondément à la fois la définition même de la conduite du changement, mais également les outils qui sont mobilisés pour cela. Ces grands modèles ne sont pas opposés, ils se superposent. Ce n'est pas parce que l'on a de la conduite du changement internalisée que l'on a plus de conduite du changement instrumentalisée, et managériale. Et on voit, depuis peu, apparaître un autre modèle de conduit du changement. Une des critiques faites à la conduite du changement instrumentale, c'est qu'elle ne tient pas assez compte des phénomènes de co-construction avec les personnes sur le terrain. On dit souvent de la conduite du changement instrumentale, qu'elle produit une forme de rhétorique, de discours, d'injonction du changement. Il faut changer, c'est important de changer, voilà comment il faut changer... Mais cela ne suffit pas à embarquer des personnes qui se disent mais pour moi, qu'est-ce que ça change, concrètement? Ce dernier modèle est appelé le modèle expérientiel, qui vise à faire vivre des expériences du changement aux personnes de telle manière que celles-ci comprennent, au travers de cette expérience, à la fois l'importance du changement mais les modalités de mise en oeuvre. Ce qui lui permettra aux personnes qui vivent ces expériences de passer ce que l'on nomme un point de bascule, où d'un seul coup on se dit c'est possible, je comprends, je vois ce qu'il faut faire. Et ces points de bascule vont non seulement, entre guillemets, donner des manières opérantes au changement, mais créer de l'envie, de la motivation des parties prenantes à la réalisation du changement. De manière extrêmement simple, je ne vais pas vous faire de longs discours sur les qualités à la fois gastronomiques et gustatives du chocolat, mieux vaut le goûter et après votre point de bascule sera fait automatiquement. Par cet exemple très simple, vous voyez bien, je ne vais pas passer du temps à vous convaincre, je vais vous faire expérimenter quelque chose. Et ce dernier paradigme, ce dernier grand modèle du changement que l'on nomme modèle expérientiel, quels sont ses outils? On utilise beaucoup les ateliers participatifs, pour effectivement permettre aux personnes d'échanger entre elles, ou avec d'autres personnes sur l'importance du changement, sur les modalités du changement. Tout cela va permettre de la co-construction du changement, mais aussi de l'envie de changer, de l'enthousiasme de changer, qui est nécessaire pour réaliser quelque chose qui n'existe pas, de fait. Ces quatre grands modèles et le dernier, qui émerge de plus en plus, montrent que la conduite du changement n'est pas quelque chose de figé, c'est quelque chose qui évolue. C'est quelque chose qui évolue dans le temps, en fonction des besoins, mais aussi en fonction de la maturité des personnes à réaliser le changement. Et donc on voit très bien du modèle sociologique au modèle expérientiel, toute la richesse que l'on peut avoir, et toute la panoplie d'outils que l'on a, dorénavant, à disposition pour réalier la conduite du changement au quotidien. Merci. [MUSIQUE] [MUSIQUE]