[MUSIQUE] John Kotter, né en 1948, est actuellement professeur à la Harvard Business School. Ses travaux font autorité en matière de conduite du changement, en expliquant les clés de réussite des grandes entreprises qui ont su gérer le changement. C'est surtout son best seller, Leading and Change, qui l'a fait connaître à travers le monde. Dans cet ouvrage, il expose son modèle en huit étapes pour conduire le changement, modèle qui est devenu une référence en la matière. Les huit étapes de son modèle sont issues d'un long travail de recherche conduit auprès d'une centaine d'entreprises dans les années 90. Ce panel est composé d'entreprises, agissant dans des secteurs d'activité différents, de tailles variées, implantées dans différents pays du monde et ayant connu des résultats très variables. Son étude conclut que 70 % de ces entreprises échouent dans leur effort de changement, notamment par manque de méthodologie en matière de conduite du changement. Pour construire son modèle, Kotter cherche avant tout à comprendre les résistances au changement des individus. En effet pour lui, les changements ne se font pas nécessairement dans les projets, mais plutôt par l'attitude adoptée par les individus et par les managers. Il a ainsi identifié quatre motifs de résistance au changement pour lesquels il a proposé des leviers d'action. Le premier motif relève de l'intérêt individuel. L'individu a tendance au cours des processus de changement à se concentrer sur son propre intérêt plutôt que sur l'intérêt collectif de l'organisation. Le deuxième motif traduit le manque de confiance de l'individu envers sa direction et la méconnaissance qu'il peut avoir des objectifs du changement. Ainsi, l'individu va s'appuyer sur ses expériences passées qui vont le pousser à résister. Le troisième motif relève de la peur des individus de ne pas être capables de développer les compétences et d'adopter les comportements attendus par leur direction. Dans le dernier cas, les individus résistent au changement parce qu'ils n'évaluent pas de la même façon que leur direction ou les managers les efforts qu'il est nécessaire d'engager pour changer. Sur la base de ces éléments et de son étude sur les projets de changement, Kotter identifie huit étapes qu'il organise chronologiquement pour conduire le changement. [AUDIO_VIDE] Les deux premières étapes permettent de préparer le changement en créant un sentiment d'urgence et une coalition pour changer. La création d'un sentiment d'urgence est nécessaire pour que les individus prennent conscience de la nécessité de changer. En l'absence de ce sentiment d'urgence, les individus risquent, aux premières difficultés rencontrées au cours du changement, d'opter pour une position de résistant. Ce sentiment d'urgence permet donc de mobiliser les individus autour de l'idée d'un changement bénéfique pour l'organisation. Il peut être engagé de différentes façons, en communiquant par exemple sur les menaces actuelles ou potentielles, en élaborant des scénarios catastrophes sur l'avenir de l'entreprise, notamment si elle ne change pas, ou en faisant intervenir des parties prenantes, telles que des clients ou des consultants. Pour Kotter, il est important de ne pas négliger cette étape, qui conditionne l'engagement des individus et donc la réussite des changements à venir. La seconde étape a pour objet de former une coalition. Selon Kotter, aucun dirigeant aussi brillant soit-il, ne peut conduire le changement seul au sein de son entreprise. Il doit aller chercher des ressources humaines pour l'aider à accomplir le changement. Pour cela, Kotter propose de former une coalition qui regroupe des personnes aux talents très divers, tels que l'expertise, le leadership naturel, la crédibilité ou encore le pouvoir. Ces personnes doivent non seulement avoir la volonté de changer, mais aussi la volonté de former une coalition très puissante. La première mission de cette coalition sera alors de maintenir le sentiment d'urgence et de continuer à propager l'idée d'un changement nécessaire. Si ces deux premières étapes permettent de planter le décor, c'est au cours de la suivante que le leader décide de ce qu'il va faire. Selon Kotter, il est impossible de mobiliser les individus sur un changement si celui-ci ne propose pas une vision ambitieuse et réaliste. Cette vision constitue l'avenir de l'entreprise et représente aux yeux des individus la promesse d'un avenir possible et envisageable. Elle va donc les motiver pour fournir l'énergie nécessaire à l'engagement dans le changement. Pour cette raison, cette vision doit être séduisante, attirante, mais surtout elle doit fournir les bases, les fondations de la stratégie à venir de l'entreprise. Si elle peut prendre la forme d'un slogan, elle doit surtout se décliner en objectif atteignable. Si la formulation de la vision est importante, elle ne peut prendre corps dans l'esprit des gens que si elle est communiquée. Cette communication est la première étape qui permet d'enclencher le mouvement de l'organisation. Mais il ne s'agit pas simplement de dire la vision, il s'agit aussi qu'elle soit partagée par ceux qui vont la mettre en œuvre. Le rôle du leader sera alors d'être en mesure de capter l'attention des personnes. Et pour cela, il faudra qu'il s'engage dans un véritable effort de communication et de dialogue. Et si le choix du message et des médias est essentiel, c'est surtout l'engagement du leader qui fera la différence, une façon pour lui de montrer l'exemple. La dynamique de changement ainsi enclenchée peut alors s'étendre lorsque les obstacles au changement se lèvent progressivement et que les résultats à court terme se dévoilent. Selon Kotter, il est important que le leader s'attache à lever rapidement les obstacles à la mise en œuvre du changement. La levée de ces obstacles doit permettre au manager et aux opérationnels de mener à bien le changement au sein de leur unité. Il sera alors peut-être nécessaire de faire évoluer un certain nombre d'éléments composant l'organisation, comme par exemple sa structure, ses processus, les modes d'évaluation du personnel, etc. Mais les obstacles peuvent aussi concerner les personnes encore hostiles au changement. Il s'agira alors d'engager des actions permettant à ces personnes de changer de vision sur le changement et de se faire une représentation du futur de l'organisation. Après la communication de la vision, la changement commence à s'opérer et il s'agit, selon Kotter, de marquer les premiers résultats obtenus. En effet à ce stade, il est important de maintenir la mobilisation des individus et donc d'obtenir des résultats visibles rapidement, même si ce ne sont que des résultats intermédiaires. Ces victoires rapides vont avoir pour vertu de montrer que "ça marche". Elles doivent être suffisamment symboliques et matérialisables pour avoir un effet de généralisation auprès de l'ensemble des collaborateurs. Le changement devient alors palpable, factuel pour l'ensemble des individus. Mais ces résultats à court terme, même si ils sont nécessaires, ne sont pas suffisants, il faut aussi persévérer. Pour Kotter, il est important de ne pas crier victoire trop tôt. Il faut consolider le changement et pour cela, il est important de l'accélérer. C'est alors l'occasion d'entretenir la dynamique de changement en lançant de nouveaux projets selon un rythme soutenu. Il faut alors élargir progressivement le changement à de nouveaux domaines et rechercher l'amélioration continue. Cette initiation sans relâche de projets permet progressivement à la nouvelle organisation de devenir une réalité. Il devient alors nécessaire de pérenniser le changement. Cette révolution ne peut se faire qu'à la fin du processus de changement, car les nouvelles valeurs ne peuvent que s'ancrer sur les nouvelles pratiques et les succès démontrés. À l'issue de cette étape, le changement devient la nouvelle norme, l'habitude. Six ans après son best seller, Kotter propose un nouvel ouvrage, The Heart of Change. Dans cet ouvrage, écrit avec Dan Cohen, il met en lumière un nouvel ingrédient à la réussite des changements, les émotions des individus. Il montre ainsi que les individus changent moins facilement quand ils font appel à leur logique, au calcul, que lorsqu'ils se fondent sur leurs expériences et sur leurs émotions. Plus récemment, son dernier ouvrage, Alerte sur la banquise, met en scène les huit étapes au sein d'une allégorie qui raconte l'histoire de pingouins sur la banquise. Cette colonie de pingouins qui vivait depuis des années sur cette banquise, n'avait aucune raison de changer. Jusqu'au jour où Fred, peut-être un pingouin un peu plus curieux que les autres, découvre que la banquise est en train de fondre. Il décide alors de faire part de ses inquiétudes à Alice, l'un des membres du Conseil des dix. La suite de l'histoire rend compte de leurs questionnements et de leurs efforts pour convaincre les membres de la tribu qu'il est nécessaire de changer leurs habitudes. Les héros de cette fable parlent de résistance au changement, d'action héroïque, d'obstacles insurmontables et des tactiques pour les déjouer. Pour conclure, Kotter avance que les changements ne se font pas dans les projets, mais dans la posture que les managers adoptent au quotidien. Avec son modèle en huit étapes, il met en avant le rôle structurant et hautement contributif du manager dans les processus de changement. Sa posture, sans s'opposer au projet, montre que celui-ci, s'il n'est pas suffisamment relayé par les managers n'aura que peu de chances de réussir. [MUSIQUE]