[MUSIQUE] [MUSIQUE] Pourquoi Kering a choisi de se lancer dans une démarche EP&L il y a quelques années déjà ? C'est d'abord par reconnaissance que notre responsabilité va au-delà des frontières de l'entreprise et du périmètre légal de Kering. Concrètement, ça veut dire quoi? Ça veut dire que Kering gère des marques, qui mettent des produits sur le marché, qui les vendent à des clients, et qu'on considère qu'on a une responsabilité presque morale dans la manière, dans les conditions dans lesquelles ces produits sont fabriqués. Et à partir du moment où on dit ça, on dit aussi qu'on ne peut pas se limiter au périmètre de Kering et au périmètre de l'entreprise pour mesurer nos impacts. Donc, il faut aller au-delà et en particulier remonter toutes nos chaînes d'approvisionnement, donc tout l'amont de l'entreprise Kering. Pour pouvoir gérer, il faut commencer par mesurer. Donc, on a étendu notre reporting environnemental qu'on appelle l'EP&L, d'ailleurs, ça va un petit peu plus loin qu'un simple reporting environnemental, on va le voir, à toute notre chaîne d'approvisionnement jusqu'à la production des matières premières qu'on utilise pour nos collections, pour la confection de nos produits. Alors, quand est-ce que tout ça a commencé? Ça a a commencé en 2010 avec un pilote exploratoire qui a été conduit dans l'une de nos marques, chez Puma, une marque de sport et de lifestyle, qui a conduit cette expérimentation sur un périmètre restreint de l'entreprise et qui a complètement convaincu de la pertinence de l'approche et du modèle, et qu'on a adopté ensuite au niveau du groupe. Donc depuis 2013, on couvre tout le groupe. On est monté progressivement en puissance et on couvre tout le groupe depuis 2013. Et depuis 2015, on rend publics nos résultats. On a publié en 2015 les résultats des années 2013, 2014, en même temps qu'on a rendu publique notre méthodologie, qu'on appelle maintenant une méthodologie open source, c'est un peu de jargon, simplement pour dire qu'on la partage et qu'on la rend publique. Et c'est important de souligner pourquoi on le fait. On le fait parce qu'on est absolument convaincu que face aux enjeux qu'on rencontre, Kering seul ne peut pas faire la différence, et qu'il y a besoin de bâtir des alliances et des coalitions avec les différents acteurs du marché dans notre industrie, mais dans d'autres industries également, peu importe, le plus large possible pour créer une émulation, une incitation à adopter ce type de démarches pour vraiment pouvoir faire bouger les lignes. D'abord, EP&L, c'est l'acronyme anglais de Environmental Profits and Losts, en français, compte de résultats environnemental. Ce n'est pas explicite comme terme. Concrètement, ça veut dire qu'on cherche à accorder une valeur aux services rendus par la nature qui sont aujourd'hui gratuits, qu'on considère comme illimités. Avoir un sol non pollué, avoir un air respirable, avoir de l'eau potable fraîche, etc., ce sont des choses auxquelles on ne pense pas, alors que ça sous-tend toute l'économie, toutes les activités de Kering et de tout le monde, et qu'on se rend bien compte que cette vision illimitée des services rendus par la nature bute aujourd'hui sur un principe de réalité, c'est que justement ce sont des services qui ont une limitation. Et donc, l'EP&L sert à mesurer les coûts et les gains pour les sociétés, pour les communautés locales, des impacts environnementaux qui sont générés par l'activité d'une entreprise tout au long de la chaîne d'approvisionnement, et en l'occurrence chez Kering, depuis la production des matières premières jusqu'à la distribution de nos produits en magasin. Une fois qu'on a dit ça, comment on s'y prend? On commence d'abord par faire un reporting environnemental, j'ai envie de dire, un petit peu classique dans ce qu'il mesure. En l'occurrence, on a six grands impacts. Les émissions de gaz à effet de serre, les pollutions de l'air, les pollutions de l'eau, les consommations d'eau, les productions de déchets et l'utilisation des sols. Donc, classique dans la mesure où il s'agit de collecter des données pour établir une performance environnementale sur ces six impacts. Mais bien sûr là où c'est novateur, c'est qu'on trace toute la chaîne amont, tout l'impact amont de l'entreprise. Donc, on remonte jusqu'à vraiment là où les matières sont produites. Les champs de coton, les élevages bovins, l'extraction minière, etc. Et, on redéroule depuis les matières premières jusqu'à leurs premières transformations et la fabrication des produits et la vente tous les impacts environnementaux qui sont associés. Donc, on collecte des données réelles, on complète là où il n'y a pas de données, où on n'a pas accès à la donnée avec des analyses de cycle de vie et des modélisations économiques, et on bâtit un reporting environnemental en tonnes de CO2, tonnes de Nox, de Sox, de mètres cubes d'eau, etc. Et la deuxième forte innovation de l'EP&L, c'est qu'on transforme ces indicateurs de performance environnementaux en valeur monétaire. On leur accorde une valeur monétaire très étroitement liée à la localisation des impacts. Et c'est vraiment un point clé dans l'EP&L, c'est que en fonction, mis à part les gaz à effet de serre qui eux ont un impact global et unifié, pour tous les autres impacts, selon là où se produisent ces impacts, ils ont une valeur différente. Pour vous donner un exemple très clair, très simple, l'eau potable. Si vous prélevez 10 000 mètres cubes d'eau potable pour vos activités de coloration, de filage, de tannage, etc., ça peut être absolument sans problème si vous êtes dans des bassins versants où il n'y a aucun stress hydrique, ça peut être très problématique si vous le faites dans des régions où l'accès à l'eau potable est un problème pour les populations. Et donc, la valeur monétaire qui va être accordée à ces mètres cubes d'eau ne va pas du tout être la même selon que vous êtes dans le premier ou dans le deuxième cas. Comment s'y prend-on pour faire le calcul, concrètement, comment convertit-on ces impacts environnementaux en valeur monétaire? Alors là , le champ d'investigation est très large parce que vous comprendrez bien qu'entre de l'eau douce, de la pollution par des métaux lourds des rivières, de l'émission de polluants, l'émission de gaz à effet de serre, on a des domaines scientifiques qui sont assez différents même si tous traitent de l'écologie, et que donc, on a accès à des études, des modélisations économiques qui sont très différentes selon les sujets qu'on traite. Donc, on s'associe en particulier avec PricewaterhouseCoopers avec qui on a codéveloppé la méthode, à des modélisations économiques qui permettent concrètement de dire que l'émission d'une tonne de Sox dans telle localisation du monde va générer pour les populations locales un accroissement des maladies respiratoires, une perte de productivité des terres agricoles, et que tout ça se monétarise. Quel intérêt de passer par une valeur monétaire? Finalement, pourquoi on ne se limite pas à nos tonnes, nos mètres cubes, nos hectares de sol utilisé? Ca a plusieurs intérêt. Le premier intérêt, c'est que ça mobilise l'attention des acteurs et principalement des gens qui ne sont pas de la partie environnementale, ou qui n'ont pas une connaissance fine des enjeux écologiques. Ca attire leur attention de manière beaucoup plus rapide et prégante. Si je vous dis, ce projet a utilisé, encore une fois mon modèle d'eau, ce projet a utilisé 100 000 mètres cubes d'eau, c'est bien, ce n'est pas bien, ça aurait dû, on aurait dû faire moins, on aurait dû faire mieux, vous n'en savez rien. Si je vous dis que ça représente 400 000 euros, là tout à coup, vous avez une façon d'appréhender le problème qui est assez différente. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose en interne qui est clé pour cette valorisation, sur cette valorisation monétaire, c'est que aujourd'hui, si je dois comparer deux projets, si je dois hiérarchiser mes projets et mon plan d'action en matière de stratégie environnementale, si on me propose un projet qui émet 100 tonnes de CO2 et un autre qui économise 100 mètres cubes d'eau, lequel choisir? Où est-ce que c'est le mieux? Je ne peux pas comparer des impacts environnementaux qui expriment des choses totalement différentes, alors qu'en passant par une valorisation monétaire, j'ai vraiment une façon de hiérarchiser et de prioriser mes actions qui est rendue possible par cette unification de la valeur de comparaison. [MUSIQUE]