[MUSIQUE] Au-delà des outils, des indicateurs et des référentiels de reporting, une question clé apparaît au travers des témoignages. Celle des enjeux de management liés au reporting extra-financier. Vous l'avez compris, cet exercice de reporting est ardu, assez périlleux, et il peut vite se transformer en tâche rébarbative s'il n'est pas réalisé et utilisé avec finesse. Alexandra Palt, CSO de L'Oréal, ne manque pas de nous mettre en garde contre le danger de faire du reporting une corvée pour tous les collaborateurs. Nos témoins insistent donc sur l'importance d'utiliser les résultats du reporting extra-financier comme un moteur de challenge et d'innovation. Chez Eurazeo, les résultats sont ainsi présentés une fois par an aux dirigeants des entreprises dont Eurazeo est actionnaire pour encourager une dynamique d'amélioration continue. Les indicateurs sont mis en perspective à l'aide d'éléments de benchmark, par exemple via des données de l'INSEE et ils sont financiarisés. La consommation d'eau ou d'énergie sera exprimée dans son unité de référence, mètre cube ou kilowatt heure, mais aussi en euros, ce qui permet la mobilisation du management et une mesure économique des progrès dans le temps. Chez Seb aussi, Joël Tronchon insiste sur l'importance de débriefer avec les métiers qui ont été impliqués dans le reporting pour valoriser leurs actions, mais aussi pour leur expliquer à quoi elles servent et comment elles peuvent accroître la performance du groupe. Ainsi pour lui, le reporting intégré est indispensable pou faire des retours chiffrés et ainsi amener les métiers à aller plus loin. Peter Karsten, senior vice-president en charge des ressources humaines au sein du groupe Atos va dans le même sens. Les données collectées n'ont de sens que si elles sont utilisées pour prendre des décisions et déclencher des actions. Pour lui, il faut aborder le reporting extra-financier selon une approche top-down. La stratégie générale de l'entreprise doit toujours constituer le point de départ afin de ne pas perdre la vue d'ensemble. La stratégie générale est ensuite déclinée en actions avec pour fil conducteur la question, quelles actions voulons-nous mettre en oeuvre pour apporter une plus value à nos clients? Le reporting extra-financier est alors développé en fonction des réponses apportées à cette question. Les actions menées sont ensuite suivies au travers d'indicateurs comme nous venons de le rappeler, et les résultats comparés avec des objectifs définis dans le cadre de la stratégie générale de l'entreprise. Et de cette manière, un cercle vertueux peut être mis en place. Dernier enjeu de management, la sensibilisation et l'accompagnement des personnes en charge de la saisie des données. Karine Vial nous l'explique très clairement. Quand Monoprix veut consolider un indicateur de part de chiffre d'affaires réalisé avec des produits responsables, cela n'est possible que si l'ensemble des produits ont bien été identifiés comme tels dans le système d'information. On mesure donc bien l'énergie que doivent dépenser les équipes RSE pour aller toujours vers plus de fiabilité des données. L'anticipation des évolutions réglementaires sera notre dernier point. Pour Victor Karic, il ne fait aucun doute que les entreprises qui se sont inscrites dans une démarche volontariste de reporting, avant même toute obligation légale, sont restées leader dans ce domaine. Et la meilleure attitude à adopter est donc de se positionner en amont de la loi. D'ailleurs, la loi évolue. Mieux vaut donc anticiper. Joël Tronchon nous explique que les décrets sortis en 2016, venant amender et décliner l'article 225 de la loi du Grenelle 2 vont amener les entreprises à prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre qui surviennent lors de l'usage du produit, et non plus seulement pendant la phase de fabrication. La loi donne dans ce cas une prime aux innovateurs, aux acteurs économiques qui comme Seb ont travaillé dans le cadre d'analyses de cycle de vie de leurs produits et ont intégré des démarches d'éco-conception à l'élaboration de leurs nouveaux produits. De plus en plus, la question n'est plus seulement d'impliquer les métiers de l'entreprise de façon positive et proactive, mais aussi d'intéresser à ces problématiques les autres parties prenantes, dont le grand public, ce que permet par exemple ce sujet de l'usage. En matière d'anticipation et d'innovation sur le sujet de la RSE, les entreprises peuvent bien sûr se tourner vers les cabinets de conseil. Olivier Fourcadet, professeur à l'ESSEC et expert des stratégies de développement durable des entreprises, nous parle d'un autre acteur dont les entreprises peuvent avoir intérêt à se rapprocher. Il s'agit des agences de notation extra-financières. En effet, ces agences ont vocation à avoir un temps d'avance sur les pratiques. Elles vont donc permettre aux entreprises de décrypter les actions possibles sur des champs sur lesquels elles sont novices et les aider à faire une projection de la valorisation financière potentielle de ces actions. Concrètement, quelle prime un investisseur sera-t-il prêt à payer pour prendre en compte telle ou telle action? L'agence de notation aidera aussi l'entreprise à se poser la question du périmètre qui est pertinent pour elle, avec une question qui est, qu'est-ce qui peut m'être imputé sur le sujet? Prenons le sujet de la biodiversité. Le périmètre d'action d'une banque ne sera pas le même que celui d'une entreprise de distribution. Et là où la première se posera la question marginale de mettre des ruches sur son toit à La Défense par exemple, la seconde devra se poser la question de l'action qu'elle peut avoir sur ses fournisseurs de rang un, les industriels de l'agro-alimentaire, voire de rang deux, les producteurs. [MUSIQUE]