[MUSIQUE] Dans ce premier épisode, nous nous sommes intéressés via les acteurs interviewés à ce que le reporting extra-financier apporte aux entreprises, au cadre réglementaire et aux référentiels à leur disposition pour faciliter la mise en oeuvre, et enfin aux grandes tendances qui se dessinent en matière de pratique de reporting RSE. Tout d'abord donc, que disent nos témoins sur les apports du reporting extra-financier pour les entreprises? Aujourd'hui, nombreuses sont les entreprises qui se sont lancées dans une mesure de leur performance environnementale, sociale et sociétale au-delà d'une évaluation purement économique et financière de leur activité, et hors obligation légale. Ainsi Christophe Vernier, directeur RSE du Crédit coopératif, explique qu'il est du devoir de cette banque coopérative d'évaluer ses impacts extra-financiers et de communiquer sur les résultats de cette évaluation à trois titres. Au titre d'acteur économique bien sûr, mais aussi au titre de banque dont l'activité notamment de financement n'est pas neutre pour la société, et enfin au titre de coopérative puisque les propriétaires de l'entreprise sont en fait ses clients ou sociétaires. Rendre compte de ses impacts extra-financiers est donc une obligation particulièrement forte. C'est plus largement le cas de toute entreprise qui s'engage à avoir un impact positif sur la société et/ou l'environnement au travers de son activité. Ainsi, Logeo, entreprise de logement social de 350 collaborateurs, a tout intérêt à suivre sa performance extra-financière pour piloter son activité efficacement et pour la valoriser auprès de ses parties prenantes, dont notamment les collectivités locales et l'Etat. La dimension sociale est en effet au coeur de son activité, ainsi que l'exprime l'appellation logement social, et il y a donc là une forme de nécessité. Chez Atos, grand groupe informatique côté en bourse, et qui ne revendique a priori aucune dimension sociale à son activité, le reporting extra-financier s'inscrit depuis 2009 dans la stratégie globale de l'entreprise. La RSE et le développement durable sont perçus comme un levier de changement pour créer de la valeur comme la directrice RSE Pilar Barea vous l'a expliqué. Le reporting extra-financier est donc nécessaire pour suivre la politique RSE en tant que telle, mais aussi pour évaluer les progrès réalisés en termes de création de valeur pour l'entreprise. Au fil des témoignages, il apparaît que le reporting RSE a une valeur ajoutée réelle pour les entreprises, au-delà de l'obligation légale à laquelle les plus grandes entreprises sont soumises. Parmi les bénéfices que les entreprises peuvent retirer, on peut citer, un, améliorer la transparence de l'entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes. Deux, se questionner sur ses impacts et mieux les connaître. Trois, mobiliser les collaborateurs autour d'un sujet gratifiant et fédérateur. Quatre, se distinguer des autres acteurs sur le marché grâce aux champs et registres retenus pour le reporting extra-financier. Et cinq, finalement, améliorer la performance de l'entreprise. En effet, certains rapports RSE intégrés au rapport financier de l'entreprise permettent même de faire un lien direct entre performance sociale et/ou environnementale et performance économique et financière. Attention cependant à ne pas multiplier les rapports RSE. Alexandra Palt, Chief Sustainability Officer chez L'Oréal, nous met en garde contre l'éparpillement des reportings extra-financiers qui ne doivent pas se substituer au métier de la RSE. Au contraire, ils sont supposés constituer un moyen pour mener des politiques RSE plus efficaces. La réalisation et la formalisation des reportings prend du temps, nous rappelle Stéphane Dulon. Et ce temps ne doit être consenti que s'il est utile à l'action in fine. Pour remplir ce rôle stratégique, le reporting doit s'inscrire dans une démarche de dialogue avec les parties prenantes de l'entreprise. Alexandra Palt notamment souligne qu'une bonne démarche de reporting, après avoir permis de mieux appréhender les sujets sociaux, sociétaux et environnementaux auxquels se confronte l'entreprise, doit déboucher sur un dialogue avec les parties prenantes concernées. Peter Karsten, senior vice-president en charge des ressources humaines au sein du groupe Atos, souligne également l'importance d'entrer en contact avec les différents groupes des parties prenantes. Atos utilise par exemple des questionnaires de satisfaction auprès de ses clients et de ses employés afin d'intégrer leurs retours dans le reporting extra-financier du groupe. Christophe Vernier du Crédit coopératif ajoute que les rapports de développement durable ne valent rien sans un engagement de terrain véritable qui se fait justement avec les parties prenantes. Ce sont elles les plus qualifiées pour faire remonter les enjeux stratégiques de la banque. Venons-en à présent au cadre légal et aux référentiels existants. En France, le reporting extra-financier est encadré par l'article 225 de la Loi Grenelle 2. Depuis 2010, des indicateurs RSE et développement durable doivent être intégrés dans les rapports annuels des entreprises côtées sur un marché réglementé, et dans les entreprises de plus de 500 salariés, celles-ci devant être auditées par un organisme tiers indépendant, Deloitte par exemple, qui en vérifie l'exhaustivité et la sincérité. Pour aider les entreprises à se conformer à la loi ou à se lancer dans une démarche de reporting volontaire, certains grands référentiels sont fréquemment utilisés. Le Global Compact et la Global Reporting Initiative, GRI, publient régulièrement des grilles d'indicateurs et des lignes directrices internationales en matière de rapports extra-financiers. Certains secteurs d'activité ont même développé leurs propres référentiels. Le secteur de la finance par exemple s'est organisé pour élaborer des indicateurs adaptés, ce qui permet à des entreprises comme Eurazeo de viser plus juste dans ces rapports RSE ainsi que nous le dit Sophie Flak. Et Christophe Vernier évoque le référentiel GABV, du nom d'un collectif international de banques qui souhaitent s'inscrire dans une perspective de banques durables. Ce référentiel amène les banques à calculer des indicateurs spécifiques comme par exemple la part des financements qui vont aux secteurs à fort impact social et environnemental. Il convient de noter qu'il appartient à chaque entreprise d'adapter ses référentiels aux réalités de son activité. L'exercice du reporting demande beaucoup de souplesse pour adapter les cadres existants aux impacts réels de l'entreprise. Sophie Flak nous l'explique. La loi Grenelle 2 repose sur un principe, Complain or explain, qui autorise les entreprises à ne pas communiquer sur certains sujets non pertinents pour leur activité à condition d'expliquer et justifier de façon précise et argumentée ce choix. Ainsi, il est important de se concentrer sur ses impacts les plus justes et les plus pertinents pour éditer un rapport RSE qui ait du sens. L'esprit critique est donc indispensable pour juger de la pertinence de chaque indicateur, mais aussi pour s'approprier les méthodologies de calcul de ces indicateurs, sur l'impact carbone par exemple. Les cabinets d'audit peuvent d'ailleurs jouer un rôle dans cette flexibilisation du reporting en aidant leurs clients à adapter les principes directeurs de l'ONU par exemple aux activités de chacune des entreprises. Pilar Barea, directrice RSE du groupe Atos, précise que les référentiels internationaux ne constituent pour le groupe qu'un point de départ. Au sein d'Atos, on vise à aller au-delà des normes et lois existantes afin de consolider la position de leader du groupe dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. Cette position a été confirmée par la bonne notation d'Atos dans le cadre du Dow Jones Sustainability Index, DJSI. [MUSIQUE]