[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans ce troisième épisode, nous faisons un focus avec nos témoins sur la mesure de la performance extra-financière au travers de quatre sujets. Un, les outils de reporting extra-financier. Deux, les indicateurs et référentiels. Trois, les enjeux de management. Quatre, l'anticipation des évolutions règlementaires. Commençons par les outils de reporting. Toutes les entreprises ne travaillent pas avec la même méthodologie, mais elles s'accordent à penser qu'il est important d'avoir un bon outil de reporting pour deux choses. D'abord, mesurer leur performance sociale et environnementale en définissant les bons indicateurs, ensuite et surtout, suivre leur évolution dans le temps. Alexandra Palt, Chief Sustainability Officer chez L'Oréal, nous le rappelle. Tout objectif de performance doit être mesurable et les objectifs sociaux et environnementaux ne font pas exception à cette règle. Joël Tronchon, Directeur RSE du Groupe SEB, ajoute que la mesurabilité des objectifs permet de challenger les différents métiers du groupe et de les impliquer dans la démarche de reporting. Il est ainsi important que l'outil de reporting puisse être accessible à tous les métiers de l'entreprise, dans la mesure où tous peuvent être concernés par la RSE de l'entreprise. Les ressources humaines, l'environnement, la santé, la sécurité, la logistique, le marketing. Les directions des métiers, patrons d'usines, tous doivent pouvoir contribuer au reporting via l'outil utilisé. Pour ce qui est du choix d'un outil de reporting par un groupe présent sur de nombreux sites, dans des métiers très divers un peu partout dans le monde, Sophie Flak, Directrice RSE d'Eurazeo, propose quatre critères importants. L'accessibilité via internet sans besoin d'installer des logiciels, la possibilité d'annoter les méthodes de calcul utilisées, d'adapter l'outil aux réalités de chaque site et enfin, de consolider les données récoltées. Les commissaires aux comptes attendent une représentativité des données de 60 %, ce qui signifie que le reporting doit couvrir 60 % des salariés, pour les données sociales et 60 % du chiffre d'affaires pour les données environnementales. On mesure bien la complexité de l'exercice pour une entreprise comme Eurazeo, qui consolide les données d'entreprises diverses, et l'importance d'avoir un outil de reporting commun qui permette la consolidation, mais aussi qui permette à chaque entreprise de récupérer l'historique de ses données, au cas où Eurazeo sortirait du capital. Sophie Flak précise que trop souvent, les données sont collectées de façon moins structurée que ce que l'on pourrait attendre de la part de grandes entreprises. Pour conclure ce point sur les outils de reporting, Victor Caritte, consultant senior du développement durable chez Deloitte, souligne que si certaines entreprises ont fait le choix d'acheter un outil de reporting, le reporting reste aujourd'hui très manuel. De manière générale, il nous explique qu'il y a une grande variété dans les stades de maturité des entreprises quant à leur reporting RSE, dépendant notamment de leur vision. Se conformer a minima aux obligations légales, ou bien déployer une stratégie RSE intégrée à la performance de l'entreprise. Après les outils de reporting, penchons-nous sur la question des indicateurs et des référentiels de reporting. Rappelons tout d'abord qu'en France, les entreprises travaillent souvent dans le cadre de l'article 225 de la loi Grenelle II et se réfèrent à des cadres de reporting internationaux comme celui de la GRI, Global Reporting Initiative. Celui-ci représente l'avantage d'être international et permet donc une harmonisation des pratiques mondiales, utile pour les entreprises à caractère multinational. Pilar Barea, la directrice RSE du groupe Atos, précise que le référentiel GRI est perçu au sein du groupe comme un langage commun avec l'environnement externe et les différentes parties prenantes. La GRI, qui est un des référentiels les plus utilisés au niveau mondial, facilite également l'exercice de benchmarking en termes de reporting extra-financier. Il est par ailleurs extrêmement détaillé en comparaison avec d'autres référentiels, tant pour ce qui est des indicateurs proposés que pour leur définition, et il est donc utile pour le choix des indicateurs par les directions RSE. Attention cependant, Sophie Flak insiste sur le fait que si ce référentiel est vaste, il est aussi très lourd et très généraliste à la fois. S'il n'est pas utilisé de façon pertinente, il risque de noyer les parties prenantes. Il doit donc être adapté par des entreprises pour mettre de côté certains indicateurs concernant des impacts peu matériels pour l'entreprise, et à l'inverse, développer d'autres indicateurs plus pointus, liés aux métiers de l'entreprise. C'est également l'approche adoptée par Atos. Victor Caritte évoque lui la question de l'exhaustivité et de la sincérité qui sont les deux dimensions essentielles d'un audit. Il revient sur le point clé de la matérialité des indicateurs. Si le Grenelle II mentionne 42 items, l'entreprise doit s'intéresser à ceux qui sont matériels pour elle et justifier pourquoi elle ne traite pas les autres. L'Oréal pour sa part a réalisé jusqu'en 2015 un rapport GRI qui, au vu du nombre d'indicateurs préconisés, représentait un travail colossal pour l'entreprise, qui n'a enregistré que neuf téléchargements au niveau mondial. Ceci montre la limite de l'exercice et l'intérêt d'aller vers une simplification. Le rapport RSE fait référence aux indicateurs GRI et fait le travail de correspondance entre le rapport RSE et le référentiel de la GRI, mais ne recherche pas l'exhaustivité. Concernant l'élaboration d'indicateurs spécifiques, Pilar Barea constate que la GRI propose très peu d'indicateurs autour de la satisfaction des employés. Ces indicateurs sont essentiels pour une entreprise de services comme Atos, au sein de laquelle satisfaction des employés et satisfaction des clients sont très souvent liées. Au-delà, comme il n'existe aucun référentiel spécifique pour le secteur de l'IT, en termes de reporting extra-financier, l'entreprise a développé ses propres indicateurs et elle échange de manière très ouverte avec des interlocuteurs de la GRI, afin de faire évoluer le référentiel. Toujours sur la question de la satisfaction des collaborateurs, c'est l'un des enjeux que Monoprix a choisi de mettre au cœur de sa stratégie RSE, comme nous l'explique Karine Viel, responsable du département RSE. Cette satisfaction est mesurée par le pourcentage de collaborateurs qui recommanderaient comme employeur à leurs proches, en se fixant un objectif de 80 %. Autre sujet prioritaire pour l'enseigne, les produits responsables, engagement suivi via un indicateur de parts du chiffre d'affaires, réalisé avec des produits bio, équitables, et écoresponsables. L'objectif est d'atteindre 10 % du chiffre d'affaires en 2020. Il faut noter que Monoprix qui a été pionnière dans la mise en place d'une politique de développement durable dès les années 90, puis dans celle d'un reporting sur le sujet dès l'année 2000, n'est pas soumise aux obligations des lois Grenelle. On voit, avec Atos et Monoprix, l'intérêt qu'il y a à mettre en place des indicateurs spécifiques. Victor Caritte encourage ainsi les entreprises à s'organiser par secteurs d'activités, comme l'ont fait par exemple la chimie ou l'immobilier, pour développer des méthodes de reporting pertinentes et de bonne qualité. Joël Tronchon met en avant un enjeu spécifique aux entreprises multinationales en matière d'indicateurs. Pour garantir la pertinence des données consolidées, il faut s'assurer que les différentes entités du groupe donnent bien aux indicateurs la même définition. Il donne l'exemple des accidents du travail, dont on peut aisément imaginer qu'ils peuvent ne pas être définis de la même façon, selon les pays. [MUSIQUE]