[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans ce module, nos témoins se sont intéressés à trois dimensions fondamentales de toute démarche RSE. La prise en compte des parties prenantes, l'identification des impacts, et l'analyse de la matérialité. Sans ces trois éléments, aucune analyse extra-financière crédible ne pourrait voir le jour. Les parties prenantes d'une entreprise, au vu de leurs liens avec elle, sont en effet très bien placées pour aider l'entreprise à identifier ses impacts, et à les gérer au mieux, puisque ces parties prenantes en sont les bénéficiaires, ou les victimes, selon l'impact considéré. Ces parties prenantes sont donc intéressées, et concernées, au premier chef, par les rapports extra-financiers, produits par l'entreprise, elles doivent donc être au centre de la démarche de reporting. Les impacts d'une entreprise sur ses parties prenantes peuvent être de plusieurs ordres, économiques, financiers, sociaux, environnementaux, ou bien encore sociétaux. Et s'il est relativement aisé de mesurer ces impacts économiques et financiers, il est beaucoup plus difficile d'évaluer et de gérer les autres catégories d'impact. Et c'est là tout le sens d'une démarche de reporting RSE, quand même, a le rappeler le professeur Jacky Gallens. Enfin, l'analyse de matérialité permet à l'entreprise d'évaluer l'enjeu que constituent ces impacts. Nous reviendrons plus en détails sur cette notion, dans la suite de ce cours. Commençons par un zoom sur les parties prenantes. Lors d'une démarche de reporting RSE, les entreprises s'intéressent à leurs parties prenantes en trois grandes étapes. Un, il faut d'abord les identifier. Pour Karine Hillaireau, directrice de la communication, et performance RSE, et responsable des relations avec les agences de notation extra-financière, au sein du groupe PSA, cette étape est relativement simple pour un grand groupe, qui est au contact de ses parties prenantes, quotidiennement. D'autres entreprises, comme Eurazeo ou Sanofi, choisissent d'impliquer leurs collaborateurs, sous forme de groupes de travail, pour brainstormer, et établir une cartographie, ou mapping, de leurs parties prenantes clés. Ophra Rebiere, vice-présidente en charge de la RSE de Sanofi, nous explique que Sanofi a même complété ce premier mapping, par un mapping plus précis, établi avec l'aide d'une agence spécialisée. Généralement, on retrouve les mêmes grands groupes de parties prenantes chez les entreprises qui ont témoigné. Collaborateurs, clients, fournisseurs et sous-traitants. Médias, pouvoirs publics, ONG et associations. Communautés présentes sur le territoire d'implantation de l'entreprise. Il y a donc sur ce point une forme de consensus. Alors deuxième étape, après avoir identifié leurs parties prenantes, les entreprises engagent un dialogue avec elles, pour mieux comprendre leurs attentes, leurs besoins. Cette étape est fondamentale. Pour Sophie Flak, directrice RSE d'Eurazeo, c'est même elle qui donne la clé de la performance de l'entreprise. Pilar Barea, directrice RSE du groupe informatique Atos, rejoint cette position, en décrivant l'échange avec les parties prenantes comme un cercle vertueux et un avantage compétitif. Chez L'Oréal, les parties prenantes du groupe sont consultées à l'occasion d'un Stockholders Forum visant à collecter leurs ressentis et à leur soumettre différents projets, ou encore d'un panel of critical friends, invités à challenger les dirigeants. Le groupe Atos implique également ses parties prenantes dans la vie de l'entreprise à travers des événements, tels que le Stockholders day, ou encore des ateliers d'innovations. Ces événements se focalisent sur les attentes et les besoins des différentes parties prenantes, notamment des clients et des collaborateurs du groupe. Chez Sanofi, les parties prenantes sont, à la fois, interviewées sur Internet, et réunies en comités pour débattre des activités du groupe. Alexandra Palt de L'Oréal et Ophra Rebiere de Sanofi l'affirment clairement, l'important c'est de provoquer des rencontres, y compris physiques, avec ces parties prenantes, et surtout de faire se croiser différentes parties prenantes, qu'elles soient internes ou externes à l'entreprise. Enfin, troisième étape, il s'agit de prendre en compte l'apport des parties prenantes et d'intégrer leurs recommandations. Ophra Rebiere décrit ainsi comment Sanofi a mis en place certaines des suggestions de ses parties prenantes. Et parmi toutes les parties prenantes identifiées par l'entreprise, nos témoins s'accordent à dire que le client tient, évidemment, une place tout à fait particulière. PSA, par exemple, a rodé un dispositif, centré sur le client, pour anticiper et comprendre ses besoins, et ainsi innover dans la bonne direction. Pour autant Karine Hillaireau refuse de parler de hiérarchisation des parties prenantes, puisque toutes sont légitimes, et toutes doivent être prises en compte dans la stratégie RSE de l'entreprise, selon elle. Nos témoins se rejoignent sur ce point ; mais certaines entreprises choisissent tout de même de privilégier le dialogue avec une sélection de parties prenantes, qui leur semblent plus stratégiques. Ceci est clairement le cas pour le groupe Atos. Pilar Barea souligne ainsi que ce sont les clients et les employés du groupe qui sont placés au centre de l'attention, car ces deux groupes de parties prenantes touchent le cœur des métiers de l'entreprise. Pour nos témoins, le reporting RSE constituent une manière d'entretenir le dialogue avec les parties prenantes. Les reportings en ont plusieurs cibles, et peuvent même parfois donner lieu à plusieurs rapports. Ainsi Jean-Baptiste Léger, directeur RSE de Pepsico France, explique que, non seulement Pepsico s'efforce, dans sa politique RSE mondiale, de travailler avec des acteurs locaux pour comprendre les spécificités de chaque site, mais que le rapport RSE s'adapte à ces sites, avec un rapport grand public, et un rapport plus détaillé, établi avec l'aide de la GRI, pour les experts et les institutionnels. Et Jean-Baptiste Léger ajoute que le rapport RSE est une manière d'enrichir la relation avec les parties prenantes. En les engageant en amont et en aval de la démarche de reporting extra-financier, Pepsico sort d'une relation purement économique pour créer un lien plus humain, plus durable, et plus gratifiant. Après les parties prenantes, intéressons-nous au sujet des impacts de l'entreprises, comme les gaz à effet de serre, l'eau, les matières premières, la biodégradabilité, les déchets et l'éthique, l'inclusion de personnes fragiles, notamment dans le recrutement, qui constituent autant de facteurs d'impacts. Et d'impacts qui reviennent de façon récurrente dans les témoignages. Pour identifier et mesurer leurs impacts, nos témoins s'appuient sur les grands référentiels présentés dans le premier module, des indicateurs plus spécifiques, développés en interne, le ratio carbone sur EBITDA ou eau sur EBITDA chez Eurazeo par exemple, ou en une anticipation des évolutions que pourrait connaître la législation, parfois en s'inspirant des pratiques à l'international, ou bien encore le recours à des approches exigeantes, telles que celle de l'analyse de cycle de vie ou ACV, évoquée par L'Oréal, qui permet d'identifier et de mesurer l'ensemble des impacts d'un produit ou d'un service, du berceau à la tombe, de l'extraction des matières premières jusqu'à la gestion de la fin de vie du produit. Et enfin, l'entreprise peut également s'appuyer sur ses parties prenantes, qui, comme expliqué précédemment, constituent un précieux vivier d'informations, sur les impacts sociaux, sociétaux et environnementaux de chaque entreprise. Pour les grands groupes internationaux comme Pepsico, les parties prenantes locales permettent d'ailleurs de garder une vision fine des impacts du groupe car, comme le rappelle Jean-Baptiste Léger, les enjeux ne sont pas du tout les mêmes d'un site à l'autre. Alexandra Palt insiste sur un point, comme pour le business, l'entreprise doit se donner des objectifs ambitieux en matière de développement durable ; et c'est le propre d'une vision développement durable de donner un horizon qui ne résulte pas de ce qui est possible, au vu de tous les éléments disponibles, mais de ce qui est souhaitable, pour répondre au mieux aux enjeux mondiaux. Charge à l'entreprise, ensuite, de se donner les moyens d'y arriver. Ceci a permis à L'Oréal de diminuer, par exemple, de 56 % son empreinte carbone, entre 2005 et 2015, malgré une augmentation de 26 % du chiffre d'affaire, et donc une augmentation très significative de sa production et de produits mis sur le marché. Penchons-nous à présent sur l'analyse de matérialité, qui met en lien parties prenantes et impacts. Karine Hillaireau, du groupe PSA, explique ainsi que l'identification des enjeux d'une entreprise provient d'un état des lieux, et d'une écoute de l'écosystème de l'entreprise, qui permettent de dégager les attentes des parties prenantes et donc les enjeux prioritaires de l'entreprise en matière d'environnement et de société. En effet, pour elle, ce qui est matériel pour une entreprise est ce qui compte pour les parties prenantes. La maîtrise de matérialité, qui croise les attentes des parties prenantes et le souci de performance économique de l'entreprise, est un outil utilisé par beaucoup de directions RSE pour classer leurs impacts, et les traiter en fonction de leur importance. Tous sont identifiés et pris en compte, mais certains donnent lieu à des indicateurs de suivi, et des plans d'action bien spécifiques. Ainsi chez Atos l'analyse de matérialité menée en 2010 avait fait émerger fortement le sujet de l'énergie et des gaz à effet de serre. Cela a été le point de départ d'un plan d'action très ambitieux qui a permis à l'entreprise de diminuer de 50 % ses émissions de gaz à effet de serre, et de prendre l'engagement de suivre la trajectoire dessinée par les scientifiques du Dgec pour rester en dessous des deux degrés d'augmentation de la température terrestre. Otto Kern, consultant au département développement durable de Deloitte, explique que la matérialité est au cœur des travaux de vérifications RSE. Les 42 thématiques sociales et environnementales analysées sont, dans une première étape, classées comme, non pertinentes, pertinentes ou matérielles, pour l'entreprise auditée. Il n'y aura pas d'attente d'informations sur les premières, peu sur les secondes, et c'est sur les thématiques dites, matérielles, que l'entreprise devra fournir données détaillées et éléments d'explications les plus précis possibles. Les éléments clés pour une analyse de matérialité sont le secteur d'activité de l'entreprise, ses territoires d'implantation, son processus industriel et son contexte économique. La matérialité d'une même entreprise pourra ainsi évoluer de façon conjoncturelle, les thématiques ressources humaines deviendront, par exemple, matérielles, dans un contexte de plan social. Enfin, il faut se dire qu'un sujet peut être suivi et analysé, même s'il ne représente pas un impact quantitativement très significatif, s'il apparaît comme essentiel à une partie prenante. C'est ainsi que la question des déchets a été retenue par Eurazeo, pour les entreprises dans lesquelles Eurazeo est actionnaire, parce que cet enjeu apparaissait comme prioritaire aux clients des hôtels. Pour conclure, on voit, au travers de ces témoignages, que les méthodes de prise en compte des parties prenantes, d'identification des facteurs d'impacts, de mesure des impacts, et d'analyse de leur matérialité, vont vers une sophistication et une complexité croissantes. Cette sophistication et cette complexification, disons aussi cette professionalisation des méthodes, sert notamment quatre objectifs. Un, avoir une vision globale de l'impact d'un produit ou d'un service sur son environnement social et naturel, ce qui implique de bien connaître son modèle de création de valeur. Deux, aller vers une ambition RSE, assumée et partagée à hauteur des ambitions business de l'entreprise. Trois, attribuer une valeur monétaire aux initiatives en faveur de l'environnement et de la société, pour faire la preuve de leur légitimité dans le cadre du business. Et enfin, quatre, contribuer à la création de valeur pour l'entreprise même, mais également pour ses parties prenantes, telles que les clients ou les fournisseurs. [MUSIQUE]