[MUSIQUE] Bonjour. Aujourd'hui, nous allons parler de mobilité, et plus précisément des choses qui fâchent, c'est-à-dire de la tarification de la mobilité. Faut-il payer pour se déplacer? Faut-il payer pour couvrir le coût des infrastructures? Justement, si peut-être il faut payer, c'est parce que les infrastructures ont un coût. Par exemple, un million de kilomètres de routes en France, 30 000 kilomètres de voies ferrées, plusieurs centaines de kilomètres de canaux, cela représente pour la collectivité une dépense d'environ 20 milliards d'euros par an, soit 1 % du produit intérieur brut. Faut-il de ce fait faire payer les usagers qui utilisent les routes, les voies ferrées et les canaux? Nous allons voir que la réponse est conditionnelle. Dans certains cas très fréquents, l'usage de l'infrastructure est gratuit. C'est le cas pour 980 000 kilomètres de route en France, soit 99,8 % du total. Mais dans d'autres cas, il va falloir faire payer les infrastructures essentiellement pour deux raisons. Soit parce qu'il y a un risque de surutilisation d'une infrastructure et donc de congestion. Soit au contraire parce qu'il y a un risque de sous-capacité, et qu'il faut dans ce cas-là financer un nouvel investissement. Commençons par parler de la tarification de la route. Première remarque, le plus souvent la route est gratuite, et cela depuis le début du XIXe siècle en France ou en Grande-Bretagne. Cela s'est fait à la demande de certains économistes, comme Adam Smith, l'écossais, ou comme Jules Dupuit, le français, qui ont expliqué que la gratuité des routes, c'était un moyen de maximiser l'utilité collective, tout simplement en maximisant le nombre d'utilisateurs. Il n'y avait pas de raison de rationner l'usage de la route, dans la mesure où la route existe. Le problème, c'est lorsqu'il y a trop d'utilisateurs. Et donc, quand il y a un risque de surutilisation, quand il y a un risque de congestion, à ce moment-là, il va falloir limiter le nombre d'usagers, et la tarification est un bon moyen de limiter le nombre d'usagers. La congestion routière est une réalité bien connue des automobilistes. Dans toutes les grandes villes, les grands axes sont saturés en heures de pointe. L'automobiliste pense que s'il allait plus vite, le débit pourrait augmenter. Or, ce n'est pas exact. Les ingénieurs de trafic américain ont montré dans les années 1920 qu'il existait une relation non linéaire entre le débit et la vitesse. Si les automobilistes veulent aller très vite, le débit sera faible. Ce que l'on appelle le régime laminaire est la situation où on peut augmenter le débit en baissant la vitesse. Et puis, on arrive à un point de congestion qui est le niveau de débit maximal, et si on veut encore augmenter le nombre de voitures sur l'infrastructure, on entre dans le régime forcé, où on aura à la fois la baisse de la vitesse et la baisse du débit, et si on pousse au maximum, tout le monde est à l'arrêt. Ce n'est plus une route, c'est un parking. La tarification de la mobilité est aussi nécessaire quand des infrastructures nouvelles sont nécessaires, et des infrastructures coûteuses. Par exemple, une autoroute qui va coûter plusieurs millions d'euros le kilomètre à construire, ou encore plus pour un ouvrage d'art tel un pont, ou un tunnel. Et donc, on va mettre en route cette tarification pour une infrastructure qui offre une qualité de service plus importante, ce que l'on pourra appeler une route de première classe. Donc, on va faire payer ceux qui utilisent l'autoroute parce qu'il peuvent gagner du temps, ils peuvent gagner en confort. Ils peuvent gagner en qualité de service, par exemple sur les aires de service des autoroutes, ce que nous n'avons pas sur les routes. La tarification est donc réservée à ces routes de première classe. Les automobiles consomment en même temps de l'espace et du temps. Les spécialistes ont donc créé un indicateur qui s'appelle les mètres carrés heures. Une automobile, quand elle circule, consomme un certain nombre de mètres carrés, pendant un certain temps. Comme on le voit sur la figure qui est à ma gauche, on voit bien qu'il y a une consommation minimale quand la voiture roule aux alentours de 30 km/h. Par contre, si la voiture veut augmenter sa vitesse et monter sur la partie de l'extrême droite de la courbe, jusqu'à des vitesses de 120 ou 130 km/h, là, la consommation en mètres carrés heures va augmenter, et c'est pour cela que le débit pourrait être conduit à diminuer quand on veut aller trop vite. C'est pour cela que sur les autoroutes, en heures de pointe, on nous demande de réduire notre vitesse, parce que c'est cela qui augmente le débit. Symétriquement, si les voitures vont extrêmement doucement, quand il y a une grande congestion, ce qu'on voit sur la partie gauche du graphique, là aussi, la consommation en mètres carrés heures est extrêmement forte, alors que la vitesse est extrêmement faible. Lorsque nous sommes dans la partie de la courbe de consommation de mètres carrés heures, dans la partie où la vitesse est extrêmement basse, on a donc une congestion très forte, ce qui apparaît sur le graphique ici. On voit que dans ces grandes villes d'un peu plus de cinq millions d'habitants, le temps moyen de parcours en période de pointe est souvent supérieur de 30 %, 40 %, 50 % à la durée normale du parcours en situation fluide. Donc, on voit bien que les zones urbaines sont fortement congestionnées, du fait d'une vitesse faible, du fait d'une très forte densité du trafic. Dans certaines de ces villes, on peut citer Londres, qui est sur cet écran, on peut citer Singapour, des péages ont été mis en place, des péages de congestion pour faire payer ceux qui veulent circuler en heures de pointe. Parlons maintenant de la tarification des transports en commun. Remarquons d'abord que les transports en commun sont indispensables dans les grandes villes, et notamment les grandes villes où il y a de la congestion routière. Ils sont indispensables d'abord pour des raisons sociales. Tout le monde ne peut s'acheter une automobile, tout le monde ne peut pas circuler en voiture. Les transports en commun, c'est la possibilité pour tout un chacun de se déplacer en zone urbaine, et de se déplacer sur des grandes distances, ce qui est le cas dans le grandes villes. Les transports en commun sont également nécessaires pour des raisons environnementales, puisqu'ils sont en général très peu contributeurs à la pollution des villes, alors que les automobiles thermiques sont très largement responsables de la pollution en zone urbaine. Ensuite, les transports en commun sont nécessaires pour des raisons économiques. Il faut que les individus puissent se rendre à leur travail, et donc la dynamique économique d'une ville est liée à l'accessibilité pour tout le monde aux différents lieux de la ville. Donc, pour cela, on a besoin de transports en commun, et pour financer ces transports en commun, le plus souvent on va faire payer les transports en commun avec des systèmes de tickets, ou des systèmes d'abonnements. Les transports en commun, à la différence des routes, sont le plus souvent payants pour les utilisateurs. On va payer par différents systèmes, il existe des tarifications sociales qui permettent à certains de payer moins que d'autres. Il existe des systèmes de forfaits ou des systèmes spécifiques pour les touristes, mais les transports sont payants, pour des raisons évidentes, pour des raisons qui sont financières. Si dans les grandes villes, on retire la recette tarification, on va empêcher cette ville de moderniser son réseau, voire de l'entretenir, et on va même sans doute empêcher d'investir dans des nouvelles infrastructures, de nouvelles lignes de métro ou des nouvelles lignes de tramway. La tarification sert donc d'abord à financer le réseau et son exploitation. Mais la tarification, c'est aussi un signal prix qui va permettre d'éviter la surutilisation, d'éviter l'encombrement des transports en commun par des personnes qui profiteraient du coût nul de ces transports pour faire beaucoup d'aller-retours par exemple sur la même ligne. C'est pour cela que de façon générale, les transports en commun sont tarifés, mais il existe des cas où les transports en commun sont gratuits. La gratuité des transports en commun est souvent évoquée dans les journaux lorsque des villes, comme récemment Niort en France, un peu plus de 100 000 habitants, décident la gratuité des transports en commun. On voit sur ce graphique que plus de 20 villes en France ont adopté la gratuité des transports en commun. Si l'on regarde bien, il s'agit de villes de petite taille, 15 000, 20 000 habitants, pour lesquelles l'utilisation des transports en commun est faible, et est surtout le fait des clients captifs, les scolaires, les étudiants, les personnes âgées, ou les personnes sans permis de conduire. Dans ce cas-là, les recettes des transports en commun sont faibles et la gratuité est souvent préférable au coût que représenterait la mise en place de la billettique, ou la mise en place d'un contrôle. Par contre, on peut se poser des questions sur la gratuité dans des villes de plus en plus grandes, par exemple Aubagne, plus de 100 000 habitants, Niort, ou peut-être en 2018, Dunkerque, plus de 200 000 habitants, qui parle de gratuité dans les transports. On peut alors s'interroger sur le risque d'avoir un sous-financement du système, ou alors le risque de devoir augmenter très fortement les impôts, pour compenser l'absence de recettes, ou simplement le risque d'avoir un réseau qui va se dégrader, parce qu'on ne pourra pas investir suffisamment. Il semble donc que la gratuité des transports en commun soit limitée de préférence à des villes de petite taille. Les villes de grande taille ont absolument besoin des recettes tarifaires pour financer la maintenance et le développement du réseau. Pour conclure cette séquence sur la tarification des mobilités, rappelons-nous que les mobilités sont consommatrices de temps et d'espace. Se déplacer, c'est un coût en temps pour les individus. Se déplacer, c'est un coût en consommation d'espace pour la collectivité. Quand la tarification est nécessaire, c'est soit pour faire gagner du temps aux individus, ils vont donc gagner en temps ce qu'ils ont peut-être perdu en argent, ou gagné plus en temps ce qu'ils ont perdu en argent. C'est le cas d'une autoroute. La tarification est donc associée au gain de temps. D'une point de vue de la collectivité, la tarification est associée à une optimisation d'usage de l'espace. Grâce à la tarification, on va pouvoir réduire le nombre d'utilisateurs ou on va pouvoir optimiser l'utilisation, par exemple, des places de stationnement, parce qu'il y aura une plus forte rotation des voitures du fait de la tarification. Et donc, on voit bien que dans une gestion moderne des mobilités qui ont un coût financier pour les collectivités, la tarification est à la fois un moyen de dégager des recettes et un moyen d'optimiser l'usage du temps pour les individus, et l'usage de l'espace pour la collectivité.