[MUSIQUE] [MUSIQUE] Ce deuxième module parle de la physique nucléaire, et dans cette vidéo, on va introduire les modèles qui permettent de mieux comprendre la structure du noyau, et, par cela, ses propriétés. Les buts de cette vidéo sont de vous faire connaître les principaux modèles de la structure nucléaire, vous permettre de pouvoir apprécier ce que chaque modèle décrit, et où sont ces limites, et, en particulier, connaître les noyaux dits magiques, et pouvoir expliquer leur spécificité. Alors à la fin de la dernière vidéo, Mercedes vous a introduits aux propriétés de la force nucléaire que l'on connaît ; qu'elle est de très courte portée, que l'énergie de liaison par nucléon est approximativement indépendante de la taille du noyau. Ce qui veut dire qu'ils interagissent avec leurs voisins tous proches, qu'elle est attractive et beaucoup plus forte que la répulsion coulombienne, et qu'elle a une composante, quand même, répulsive, qui ne permet pas au noyau de s'effondrer. Alors, basé sur ces propriétés simples, on peut faire un modèle statique simple du noyau, qui consiste à empiler des nucléons incompressibles à former le plus petit volume possible comme dans un cristal cubique, à faces centrées, que vous voyez ici. Alors, dans un tel dispositif, le rayon sera, en effet, proportionnel à la racine cubique du nombre de nucléons, et on obtient ce que l'on appelle le modèle de la goutte liquide, qui est un premier modèle phénoménologique pour décrire l'énergie de liaison et la taille des noyaux, en ignorant les détails de la force nucléaire et les propriétés quantiques des nucléons. Alors, dans un tel modèle, chaque nucléon sera entouré par une couche de nucléons à l'extérieur, et son énergie de liaison sera proportionnelle au nombre de ces nucléons, c'est-à-dire au volume nucléaire qui l'entoure. Ce qui nous donne un premier terme pour l'énergie de liaison, qui sera proportionnel au volume nucléaire qui est lui-même proportionnel au nombre de nucléons. Alors on obtient un premier terme négatif, parce que c'est un terme liant, qui est proportionnel à A. Il faut tenir compte du fait que les nucléons qui forment la couche extérieure du noyau sont un peu moins liés que ceux qui se trouvent à l'intérieur, parce qu'ils ont moins de voisins. Alors on rajoute un terme qui a le signe opposé, qui est positif, qui diminue l'énergie de liaison par nucléon, et qui va être proportionnel à la surface, c'est-à-dire proportionnel à A puissance deux tiers. Troisième terme, on va tenir compte de l'énergie de répulsion coulombienne à l'intérieur, qui est proportionnelle au carré du nombre de protons, et inversement proportionnelle à la distance moyenne entre deux protons, qui est proportionnelle à A puissance un tiers. Alors, il faut noter les signes de ces termes, ils sont négatifs pour ceux qui augmentent la liaison, et positifs autrement. C'est-à-dire que le premier terme est négatif, les deux autres termes, jusqu'ici, sont positifs. Jusque là, on a fait des considérations purement classiques il faut maintenant injecter un peu de physique quantique à l'intérieur. L'observation nous dit que les noyaux légers, avec un nombre égal de protons et neutrons, c'est-à-dire, N = Z, sont particulièrement stables. C'est-à-dire qu'ils ont une énergie de liaison plus négative que les autres. Il y a plus de noyaux stables, pair pair, c'est-à-dire avec un nombre N, pair, et un nombre Z, pair ; et très peu de noyaux, impair impair, en nombre de protons et de neutrons qui sont stables. On rajoute par conséquent deux termes empiriques pour obtenir ce que l'on appelle la formule de Bethe-Weizsäcker que voici. Alors, le premier terme ajouté, le terme numéro quatre, est appelé le terme d'asymétrie, il réduit l'énergie de liaison, si N n'est pas égal à Z. Et le dernier terme dit le terme de pair, a un signe positif pour les noyaux, impair impair, qui sont instables. Pour des noyaux, pair pair, le signe est négatif, et les noyaux plus stables. Pour toute autre combinaison, ce dernier terme est égal à zéro. C'est-à-dire pour tout A impair, a_5 est égal à zéro. La formule donne une réponse relativement juste pour les noyaux plus lourds, elle est relativement peu correcte pour les noyaux légers, surtout pour les noyaux exceptionnellement stables, comme par exemple l'hélium 4. Elle joue quand même un rôle important dans la compréhension de la fusion, et de la fission nucléaire, que l'on va introduire un peu plus tard dans ce module. Une approche beaucoup plus quantique est celle que l'on appelle le modèle de gaz de Fermi. Elle traite le noyau comme un système de nucléons qui est enfermé dans un puits de potentiel qui est généré par les autres nucléons. Alors les nucléons vont occuper des niveaux d'énergie quantifiés, et le potentiel est modélisé par un puits à symétrie sphérique dont l'origine n'est pas nécessairement spécifiée. L'étendue de ce puits de potentiel représente le rayon du noyau, et la profondeur est ajustée telle que on obtient des énergies de liaisons correctes. Vous voyez dans ce graphisme que la profondeur du puits est légèrement différente pour des protons et des neutrons, ceci tient compte du fait que il n'y a pas d'énergie coulombienne pour les neutrons. Comme n et p sont tous deux des fermions, des particules de spin un demi, il y a deux particules qui peuvent remplir un niveau d'énergie, avec spins opposés. Le dernier niveau complet définit ce que l'on appelle le niveau de Fermi, il correspond au nucléon le plus faiblement lié, qui peut être le plus facilement enlevé du noyau. Alors la question se pose, combien de fermions on peut stocker dans un volume donné? Alors voici un petit calcul qui vous permet d'apprécier cela. On commence par l'équation de Schrödinger, avec des conditions de bord telles que les fonctions d'ondes disparaissent aux confins du noyau. Alors la solution est en effet factorisable, avec des trois termes en x, y et en z, et une amplitude commune et avec des contraintes sur les arguments des trois sinus, qui sont que, k fois a, doit être un nombre entier fois pi, tel que les conditions de bord sont respectées. Ceci est un système évidemment quantifié, avec trois nombres quantiques, n_x, n_y, et, n_z, dont la somme quadratique est égale au nombre quantique principal qui détermine le niveau d'énergie. Alors si l'on compte le nombre d'états possibles dans l'espace des impulsions, on trouve que, dû aux conditions de bord, pour chaque cube de côté, pi/a, il y a un seul point qui est compatible avec l'équation de Schrödinger. Alors le nombre de solutions avec un nombre d'ondes entre k et k+dk, est donné par le rapport entre le volume sphérique, correspondant à l'élément de volume (pi/a)^3. Le volume de la boîte est, a^3, tout simplement, mais on ne considère qu'un huitième du volume parce qu'il faut que tous les k_i soient positifs tels que les nombres quantiques sont tous des nombres entiers positifs. Dans l'état fondamental, tous les états, jusqu'à l'impulsion maximale, sont remplis, en intégrant donc le nombre de d_n, jusqu'à l'énergie de Fermi, ou l'impulsion de Fermi, on obtient, l'énergie de Fermi elle-même qui est à peu près 33 MeV et indépendante de A. Ce résultat est en effet valable pour n'importe quelle forme géométrique du volume de confinement Ce qui veut dire que les nucléons évoluent à l'intérieur avec une vitesse considérable, bêta de l'ordre de 0,4, mais quand même avec des vitesses qui ne sont pas tout à fait relativistes. Avec l'énergie de Fermi et tenant compte de l'énergie de liaison du dernier nucléon qui est de l'ordre des fameux huit méga électron-volts, on obtient une profondeur totale du puits de potentiel qui est E_f moins cette énergie de liaison, c'est-à-dire de l'ordre de 40 MeV. Ce modèle explique aussi d'une manière assez naturelle, le terme d'asymétrie de la formule de Bethe-Weizsäcker, parce qu'il considère que les protons et les neutrons remplissent les différents niveaux d'énergie d'une manière indépendante. En analogie avec le modèle en couche atomique, on peut aussi construire un modèle en couche un peu plus sophistiqué que le dernier. Il est décrit par le nombre quantique d'orbite n que l'on avait déjà rencontré auparavant, avec n couches de quantité de mouvement orbital l et m_l = 2l + 1 sous-couches de projection de l sur un axe défini. Ces sous-couches sont dégénérées en énergie à cause de la symétrie rotationnelle du potentiel de Coulomb. Et par cette couche, il y a deux états de spin par sous-couche pour m_s=±1/2 comme pour les électrons à l'intérieur de l'atome. Donc, un état peut être décrit par quatre nombres quantiques, n, l, m_l et m_s. Les noyaux avec des couches complètement remplies sont particulièrement stables. On a l'analogie encore une fois avec les éléments inertes dans le système atomique. Alors, ceci nous donne des premiers nombres magiques ou Z ou N est égal à 2, à 8, à 20, à 28, à 50 et ainsi de suite. Encore plus stables sont les isotopes où les couches des protons et des neutrons sont complètement remplies tous les deux. Ceci donne des exemples des noyaux dits doublement magiques, dont l'hélium 4, l'oxygène 16, le calcium 40, le calcium 48, le nickel 48, le nickel 56, le plomb 208 et ainsi de suite. La prédiction du spin des noyaux avec A impair est un des points forts de ce modèle en couche. Suivant le modèle, N et P remplissent des couches indépendamment avec deux de chaque par couches à cause du principe de Pauli. Le nucléon de valence qui n'est pas appairé avec un autre nucléon détermine donc le spin du noyau, ce qui est souvent en effet en accord avec ce que l'on trouve expérimentalement. La conséquence immédiate est que les états fondamentaux de tous noyaux pair-pair doivent avoir spin zéro, ce qui est en effet le cas. Le modèle en couche ne peut pas prédire le spin des noyaux impair-impair parce qu'il ne contient pas d'interaction entre les protons d'un côté et les neutrons de l'autre à l'intérieur de leur puits de potentiel séparé. Mais le modèle prédit aussi des moments magnétiques des noyaux qui sont importants pour le phénomène de la résonance magnétique nucléaire, on en parlera quand on traite des applications de la physique nucléaire. Il y a évidemment des modèles plus sophistiqués qui introduisent de l'interaction entre le système des neutrons et le système des protons, mais cela dépasse largement le cadre de cette introduction. Dans la prochaine vidéo, on parlera plutôt des propriétés des noyaux instables et de leur désintégration radioactive. [MUSIQUE]