Nous allons maintenant voir comment la biréfringence des matériaux anisotropes que nous venons d'étudier va nous permettre de réaliser la condition d'accord de phase, c'est-à-dire de nous assurer que l'indice de réfraction vu par le faisceau fondamental à la fréquence oméga est égal à l'indice de réfraction vu par le faisceau doublé à la fréquence deux oméga. Considérons l'exemple d'un cristal non-linéaire très utilisé, le Béta Borate de Barium, ou BBO, dont vous avez la composition ici, et supposons qu'on envoie un faisceau fondamental à fréquence oméga dans ce cristal non-linéaire et qu'on cherche à produire de la seconde harmonique à la fréquence deux oméga. Vous avez ici la variation de l'indice de réfraction dans le matériau en fonction de la longueur d'onde et comme on s'y attend dans un milieu de dispersion normale, l'indice de réfraction va augmenter avec la fréquence, et donc il va diminuer avec la longueur d'onde. Vous voyez que naturellement, l'indice de réfraction à la fréquence oméga, j'ai pris ici une longueur d'onde de 0,8 microns, ne sera pas égal, on aurait souhaité qu'il soit à cette valeur-là pour deux oméga, mais en fait on aura un désaccord d'indice, à deux oméga l'indice ici sera supérieur de quelques centièmes par rapport à la valeur que l'on souhaiterait, et ça, ça va donner lieu à un delta k non-nul, et donc à une longueur de cohérence de l'ordre d'une dizaine de microns. Ce sera donc très insuffisant et on souhaiterait avoir un indice à la fréquence deux oméga qui correspondent précisément à ce point ici représenté en bleu. Le BBO est un cristal non-linéaire qui n'a pas été choisi au hasard, c'est un cristal non-linéaire qui, comme la plupart de ceux qui sont utilisés, en tout cas quand on utilise l'accord de phase par biréfringence, est un cristal biréfringent. Donc, on a également un indice extraordinaire qui est représenté ici en bleu. Vous avez sur cette courbe en haut, l'indice ordinaire, et en bas, l'indice extraordinaire. Ce qu'on va faire, c'est qu'on va polariser le faisceau fondamental de sorte que ce soit une onde ordinaire, c'est-à-dire perpendiculaire à l'axe optique qui est représenté en vert ici dans le cristal, et on va s'intéresser à la génération de seconde harmonique selon l'axe vertical qui va correspondre à l'onde extraordinaire qui se propage dans le cristal. Ce sera possible dans la mesure où le tenseur khi deux sera un tenseur non diagonal. On pourra donc très bien avoir la génération d'une onde selon un axe différent de celui du faisceau fondamental incident. Néanmoins, tel que c'est représenté ici, on est pas très avancé, parce que l'indice extraordinaire qui a cette valeur-là est encore plus loin de la valeur souhaitée. Mais, ce qui est important, c'est que la valeur souhaitée de l'indice se trouve précisément entre l'indice ordinaire et l'indice extraordinaire. Je précise qu'on est ici dans le cas du BBO dans le cas d'un matériau uniaxe négatif et donc, l'indice extraordinaire sera ici, donc on aura effectivement possibilité de trouver une valeur de l'indice de réfraction qui corresponde à la valeur souhaitée. Pour cela, je vous rappelle que si maintenant on incline l'axe du cristal par rapport à la valeur qu'on avait tout à l'heure, si on a un angle thêta entre le vecteur d'ondes, c'est-à-dire la direction du faisceau incident, et l'axe optique du cristal, on a vu que l'onde extraordinaire voyait un indice de réfraction qui est l'indice n e de thêta, qui obéit à cette relation-là, et qui va être intermédiaire entre l'indice ordinaire et l'indice extraordinaire. En fait quand thêta va varier de zéro à pi sur deux, on va varier continuellement entre ces deux courbes d'indice. Quand thêta est égal à zéro, évidemment on se retrouve avec une onde extraordinaire qui en fait correspond à une onde ordinaire, et donc on aura l'indice ordinaire, et quand thêta est égal à pi sur deux, c'était la situation précédente, l'indice est égal à l'indice extraordinaire. Mais avec un angle thêta intermédiaire, on va être sur la courbe verte représentée ici. Vous voyez que pour réaliser la condition d'accord de phase, il suffira d'ajuster l'angle thêta pour que cette courbe d'indice n e de thêta corresponde exactement à la valeur souhaitée à la fréquence deux omégas. On aura donc dans ce cas réalisation de l'accord de phase et possibilité d'une génération efficace de seconde harmonique à la fréquence deux oméga. Ça c'est pour une onde donnée, pour 0,8 microns, donc on a un angle d'accord de phase qui est de l'ordre de 30 degrés, si je change la longueur d'onde du faisceau fondamental, il faudra évidemment à chaque fois ajuster la valeur de l'angle thêta, donc vous voyez ici que l'axe optique dans le cristal aura la valeur souhaitée. On peut remarquer au passage qu'il y a un point stationnaire ici, si je pars des courtes longueurs d'onde, on va avoir un angle thêta qui est assez important, ensuite l'angle thêta diminue, après il est stationnaire, puis il va augmenter à nouveau quand je vais vers des longueurs d'onde plus grandes. Cela est dû au fait que, si vous regardez les courbes d'indice que vous avez ici, elles sont en quelque sorte parallèles dans cette zone intermédiaire, puisque quand vous regardez la courbe d'indice en fait vous avez une courbure ici pour les courtes longueurs d'onde qui est tournée vers le haut parce que la réponse linéaire du milieu est dominée par les résonances qui se trouvent dans l'ultra-violet, alors que dans la partie plus infrarouge ici, la courbure est tournée vers le bas parce qu'on est dominé par les courbes d'absorption dans le domaine infrarouge, donc cette forme de l'indice de réfraction du BBO est conforme au modèle qu'on avait vu la première semaine de la réponse linéaire d'un matériau. Dans cette zone, on va avoir un point stationnaire, où l'angle variera assez peu pour une grande variation de la longueur d'onde. En pratique, pour réaliser cette condition d'accord de phase, on a évidemment pas moyen de tourner l'axe optique à l'intérieur du cristal, donc ce qu'il faudra, c'est si on souhaite faire du doublage de fréquence à une certaine longueur d'onde, par exemple 0,8 microns comme tout à l'heure, on va devoir calculer l'angle d'accord de phase et demander au fabricant du cristal de tailler le cristal avec des faces orientées de manière à ce que l'axe optique fasse l'angle souhaité pour un faisceau en incidence normale. Évidemment, il faut pouvoir calculer la valeur de l'angle d'accord de phase pour la longueur d'onde souhaitée, donc là on l'a fait graphiquement, on va le faire maintenant de manière plus détaillée. Pour ça, j'ai reporté ici l'expression de l'indice de réfraction extraordinaire de thêta, donc la fonction qui va évoluer continûment entre n o et n e, et je vous rappelle que la condition d'accord de phase, dans le cas d'un matériau uniaxe négatif, ce sera que l'indice extraordinaire de thêta à la fréquence deux omégas soit égal à l'indice ordinaire à la fréquence oméga. Ce qu'on va faire, c'est que dans la formule ici, se débarrasser de cosinus thêta pour tout exprimer en fonction de sinus thêta, c'est facile puisque cosinus carré thêta plus sinus carré thêta est égal à un, donc je vais pouvoir écrire le cosinus carré thêta comme un moins sinus carré thêta, donc j'aurai un sur n o au carré moins sinus carré thêta sur n o au carré et donc si je commence par écrire le terme qui est avec un signe plus, j'aurai un sur n e au carré moins un sur n o au carré multiplié par sinus carré thêta. Tout ça, c'est l'indice un sur le carré de l'indice de réfraction extraordinaire de thêta à la fréquence deux oméga, tous ces indices ici sont pris à la fréquence deux omégA, à la fréquence doublée, et je veux que ça, ça corresponde à l'indice ordinaire à la fréquence oméga, donc il faudra que ce soit égal à un sur n o de oméga au carré. Ça me permet d'en déduire la valeur de sinus carré thêta : sinus carré thêta, ce sera ce terme-là moins celui-ci, divisé par cette différence du carré des deux indices. Donc, j'aurai un sur n o de oméga au carré moins un sur n o au carré divisé par le terme qu'on a ici, c'est-à-dire, pardon, j'ai oublié de mentionner ici que évidemment n o doit être pris à la fréquence deux oméga. Je divise donc par le terme qu'on a ici, c'est-à-dire un sur n e de deux oméga au carré moins un sur n o de deux oméga au carré. Ça, ce sera sinus carré thêta. Je vais en prendre la racine carrée, et l’arc sinus pour avoir la valeur de thêta. Voilà comment on peut calculer pour une fréquence donnée l'expression de l'angle d'accord de phase. Dans le cas du BBO, on obtient la courbe représentée ici où on retrouve que pour 0,8 microns, on a un angle d'accord de phase qui est de l'ordre de 30 degrés, et puis cette courbe qui admet un extremum au point que je vous avais indiqué, où les deux courbes d'indice sont à peu près parallèles. Voilà, donc vous voyez que dans cet exemple simple, c'est pour un matériau uniaxe négatif, pour un uniaxe positif ce sera un peu différent, il faudra ici inverser le rôle des axes ordinaires et extraordinaires, mais vous voyez comment on peut calculer l'angle thêta en fonction de la longueur d'onde. Si on a besoin de faire un doublage de fréquence à une longueur d'onde spécifique, il suffira de faire fabriquer un cristal avec des faces qui soient polies selon la bonne orientation, ensuite on pourra légèrement accorder la longueur d'onde à laquelle peut se produire le doublage de fréquence en changeant l'angle d'incidence du faisceau sur ce cristal, mais on sera assez vite limité parce que en faisant des lois de Descartes, l'angle interne qui est celui qui compte va finalement varier assez peu quand on varie beaucoup l'angle externe et évidemment il peut être ennuyeux d'avoir un cristal très incliné parce que dans ce cas-là vous allez étaler la tâche de votre faisceau sur votre cristal, et donc ça présentera différents inconvénients. Il existe une solution très élégante pour palier ce problème, dont je vais vous parler maintenant. Cette méthode pour pouvoir varier l'angle thêta sur une grande plage de variation sans être gêné par l'étalement du faisceau dont je parlais tout à l'heure consiste tout simplement à utiliser un cristal de géométrie cylindrique ou sphérique comme représenté ici. C'est une méthode brevetée par Benoît Boulanger et ses collaborateurs en 2005, et vous voyez que si je prends ce cristal de forme cylindrique et je tourne tout simplement le cristal, je vais pouvoir changer l'angle thêta entre le faisceau incident et l'axe optique du cristal, et ce sans aucune limitation sur la valeur de cet angle. Ça permettra à la fois d'étudier de nouveaux cristaux en faisant varier l'angle thêta sur toutes les plages possibles de variation et puis ça permettra aussi une accordabilité sur de grandes gammes de longueurs d'onde. Voici un exemple de cristal de forme sphérique qui est monté sur une platine goniométrique qui va permettre de faire varier l'angle thêta comme on le souhaite. Voici un exemple de résultat obtenu à l'aide de cerre méthode qui a été obtenu dans un cristal utilisé pour doublé des longueurs d'ondes infrarouges, le CDSIP2 où vous avez les points de mesure ici en bleu obtenus pour une grande plage de variations de l'angle thêta, qui vous permet de doubler un faisceau fondamental dans l'infrarouge moyen, pour des longueurs d'onde qui vont de trois à huit microns. C'est un travail qui a été publié dans la revue Optics letters en 2011, et auquel a participé Vincent lors de son doctorat à l'institut Néel à Grenoble.