[MUSIQUE] [MUSIQUE] En ce début du XXIe siècle, la cosmologie est une science bien établie, basée sur la relativité générale et capable de décrire la majorité des phénomènes de l'infiniment grand. Par exemple, un siècle exactement après la prédiction de leur existence, les chercheurs ont observé les premières ondes gravitationnelles issues de la coalescence de deux astres compacts, confortant ainsi la théorie de la relativité générale. Nous disposons aujourd'hui d'un modèle cosmologique qui explique l'ensemble des observations de notre Univers au moyen d'environ 70 % d'énergie noire, 5 % de matière ordinaire et 25 % de matière noire. Avons-nous fait le tour de l'astrophysique et de la cosmologie? Certainement pas, car les points qu'il nous reste à éclaircir sont loin d'être des détails. Nous allons voir que de grandes questions restent en suspens et que les chercheurs travaillent dès maintenant pour y apporter des éléments de réponses. Première question, l'énergie noire. Si son existence semble dictée par l'accélération de l'expansion de l'Univers, rien encore n'indique sa nature, son origine, l'évolution qu'elle a pu connaître par le passé et qu'elle subira encore. La matière noire, quant à elle, bien qu'invoquée depuis près d'un siècle, n'est pas davantage comprise. De nombreux projets ont pour objectif d'éclaircir cette double énigme dans un futur proche. Voyons quelques exemples. Le LSST, ou Large Synoptic Survey Telescope, va se concentrer essentiellement, à partir de 2022, à l'étude de l'énergie noire. Son atout, la plus grande caméra numérique au monde, offrant des images couvrant une surface grande comme près de 50 fois la lune, au foyer d'un télescope de plus de huit mètres de diamètre dans les Andes chiliennes. Le projet collectera le plus grand jeu de données astronomiques au monde. Pendant 10 ans, une nouvelle image sera prise toutes les 15 secondes environ, produisant ainsi le premier film de l'Univers. Des centaines de milliers de supernovae donneront la mesure la plus précise de l'histoire de l'expansion de l'Univers et du rôle joué par l'énergie noire. D'autres phénomènes transitoires seront également répertoriés pour la première fois, comme par exemple des astéroïdes potentiellement dangereux car ayant une trajectoire croisant celle de la Terre. Comprendre l'énergie noire sera également l'enjeu du satellite Euclid, prévu pour un lancement en 2021. Il étudiera comment des structures massives proches peuvent déformer par effet gravitationnel les images de galaxies plus éloignées. Pour ce travail, la précision des images doit être telle qu'il faut s'affranchir de l'atmosphère terrestre, et donc recourir à un satellite. Autre approche encore, le relevé DESI, pour Dark Energy Survey Instrument. Ce relevé se consacre à partir de 2019 à obtenir la cartographie la plus précise des grandes structures de l'Univers à travers les âges. Ainsi, il nous permettra de remonter depuis la répartition actuelle des galaxies jusqu'à celle des filaments d'hydrogène présents dans l'Univers alors qu'il n'était âgé que d'un ou deux milliards d'années. Pour faire cette étude, le télescope de quatre mètres de diamètre, situé aux États-Unis en Arizona va être équipé dans son plan focal de 5 000 fibres optiques. Ces fibres seront positionnées automatiquement par des robots miniatures pour mesurer simultanément la lumière de toutes ces galaxies et de ces filaments. DESI n'a pas la cadence infernale du LSST, mais il a un atout de taille. En analysant précisément le spectre lumineux des objets étudiés, il pourra déterminer leurs distances. DESI établira ainsi la carte en trois dimensions des structures de l'Univers sur une vaste gamme d'échelles, ce qui donne des informations précieuses pour la cosmologie. En effet, les grandes échelles, celles des distances entre amas de galaxies, sont marquées par la composition de l'Univers en termes de matière et d'énergie noire. Les échelles plus petites, quant à elles, celles de l'ordre de distances intergalactiques, portent l'empreinte de la nature de la matière noire. Est-elle constituée de particules lourdes qui s'accumulent dans les régions les plus denses, ou au contraire de particules légères tels les neutrinos, qui vont freiner la formation des plus petites galaxies? On voit que le regard croisé des différentes approches est crucial pour s'assurer de la cohérence des résultats obtenus. Outre la composition de l'Univers, les chercheurs veulent comprendre des évènements spécifiques de son histoire. Que s'est-il passé exactement lorsque les premières étoiles se sont allumées? C'est là l'un des principaux objectifs du satellite JWST, James Webb Space Telescope de la NASA, le plus grand instrument spatial conçu à ce jour. Il aura un miroir primaire constitué de 18 fragments pour une surface équivalente à un miroir de 6,5 mètres de diamètre, et des panneaux solaires de plus de 20 mètres de long qui se déploieront dans l'espace après le lancement. Le JWST s'intéressera au domaine infrarouge. D'une part, il pourra ainsi observer des étoiles juste après leur naissance, lorsqu'elles sont encore enfouies dans un cocon de gaz et de poussières opaque à la lumière visible, mais que le rayonnement infrarouge peut traverser. D'autre part, le JWST pourra étudier des galaxies très anciennes. Du fait de l'expansion de l'Univers, leur lumière est en effet très fortement décalée vers les grandes longueurs d'ondes et donc vers le rouge. Prévu pour une durée de cinq à dix ans à partir de fin 2018, le JWST recherchera les premiers astres de l'Univers et nous éclairera sur les processus de formation des étoiles et des systèmes planétaires. L'Europe, de son côté se lance dans la quête des origines, origines des galaxies, des étoiles, des planètes et de la vie. L'ELT pour, Extremely Large Telescope, sera le plus grand télescope optique et infrarouge jamais conçu. Il sera installé dans le désert d'Atacama au Chili où il commencera ses observations vers 2025. Le télescope sera équipé d'un miroir primaire avec une surface 16 fois plus importante que celle des plus gros télescopes actuels. Il pourra distinguer deux objets séparés par la distance Terre-Soleil, mais éloignés de nous jusqu'à 600 années-lumière. L'ELT est l'instrument idéal pour rechercher, voire photographier des exoplanètes autour d'étoiles proches. Il permettra l'étude de leur atmosphère et il sera en mesure de détecter de l'eau et des molécules organiques complexes dont celle de la vie dans les régions de formation des systèmes planétaires. Peut-être trouvera-t-il ainsi la sœur jumelle de la Terre. Comment remonter plus loin encore dans l'histoire de l'Univers et sonder les tous premiers instants? Comment en particulier tester l'idée d'inflation, cette expansion prodigieuse de l'Univers qui se serait produite juste après le big bang? Le rayonnement du fond diffus cosmologique, même s'il est émis bien plus tard, peut contenir des informations précieuses en particulier dans la polarisation des photons qui le constituent. Plusieurs projets d'instruments sont aujourd'hui à l'étude dans le monde entier, certains au sol et d'autres dans l'espace. La comparaison de ces projets fait actuellement l'objet d'une activité intense dans la communauté scientifique. Et concernant les ondes gravitationnelles, maintenant que l'on a la certitude qu'elles existent, là aussi, un nouvel instrument est déjà planifié. Le satellite Lisa, dont le lancement est prévu pour 2034, est dédié à la détection des ondes gravitationnelles émises dans le cosmos. Ce satellite sera sensible à bien plus de phénomènes que les détecteurs terrestres LIGO et Virgo actuellement en fonctionnement. Ainsi, Lisa devrait pouvoir observer des fusions de trous noirs de plusieurs centaines à milliers de masses solaires, et pourra même détecter des systèmes binaires de trous noirs supermassifs de millions de masses solaires, situés dans des galaxies aux confins de notre Univers observable. Pas facile d'atteindre de telles performances. Pour y parvenir, Lisa est en fait constitué de trois satellites qui devront voler dans une configuration triangulaire stable, toujours séparés les uns des autres, par une distance rigoureusement contrôlée. Ces satellites reposent sur le même principe que LIGO et Virgo. En faisant interférer deux faisceaux laser qui se propagent dans des directions différentes, nous pourrons voir les petites modifications de distances que produit le passage d'une onde gravitationnelle. Mais ici, les bras feront non plus deux ou trois kilomètres comme sur Terre, mais 2,5 millions de kilomètres de long. C'est un véritable défi technologique que les ingénieurs du spatial tentent actuellement de relever. Nous l'avons vu, le futur est riche en projets pour répondre aux questions laissées en suspens par notre vision actuelle de l'Univers. Que ce soit des télescopes sur Terre ou des satellites dans l'espace, des détecteurs capables de percevoir différents types de lumières ou des messagers nouveaux comme les ondes gravitationnelles, les exemples que nous venons de voir ne sont qu'un échantillon des projets en cours d'élaboration. Les scientifiques ne manquent pas d'imagination pour mettre au point l'instrument qui répondra le mieux à chacune des questions que l'on se pose. Les idées, les échelles de temps et les coûts sont variables, mais la motivation est toujours présente. C'est le moteur du succès pour toujours mieux comprendre l'infiniment grand. 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