[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Une fois la cause et les objectifs principaux définis, la deuxième étape importante d'un engagement philanthropique consiste en la traduction d'objectifs généraux en modalités concrètes d'action. Imaginons que vous souhaitiez agir pour la lutte contre le sida. Vous pourriez financer ou développer des campagnes de sensibilisation, vous pourriez financer de la recherche médicale pour trouver un vaccin ou des traitements plus efficaces ou vous pourriez aussi organiser ou financer des activités d'accompagnement ou de soutien à des personnes malades ou à leurs familles. Pour finir, il vous faudra choisir un territoire d'intervention : une région, un pays ou un continent donné. Sauf à disposer de ressources illimitées, ce qui malheureusement arrive rarement, il sera essentiel de choisir entre ces différentes modalités d'action et en fonction de ce choix, la fondation devrait alors développer des compétences et un réseau de partenaires très différents. Alors comment choisir entre ces différents types d'interventions? Comment définir les modalités concrètes d'action pour garantir la meilleure utilisation possible des fonds philanthropiques? Alors de telles décisions, elles recquièrent de développer une connaissance approfondie de la cause choisie et des leviers qui permettent d'agir efficacement et durablement sur celle-ci. Cela implique de comprendre les besoins spécifiques de cette cause, les acteurs intervenant d'ores et déjà dans ce domaine, les besoins actuellement non satisfaits par d'autres acteurs et les moyens permettant d'y apporter une réponse. Cette analyse, elle devra ensuite être mise en regard des ressources à disposition du fondateur, du philanthrope, incluant à la fois resources financières, expertise et réseau. On ne fera pas la même chose avec 50 000 euros ou avec 50 millions d'euros. On ne disposera pas des mêmes compétences ou des mêmes réseaux si on est médecin ou si on est entrepreneur. On fera les choses très différemment si on décide d'agir directement ou si on décide de soutenir financièrement des acteurs existants. Si nous reprenons l'exemple de la fondation créée pour lutter contre le sida, voilà quelques questions qu'il serait important de se poser. Quels sont les grands enjeux de la lutte mondiale contre le sida? Quelles sont les régions du monde les plus vulnérables? La prévention est-elle suffisante? Qui agit en matière de prévention? Quelles sont les avancées majeurs en matière de recherche? Quels sont les problèmes spécifiques rencontrés par les personnes malades et leurs familles? L'ensemble des réponses à ces questions devront bien entendu être contextualisées car les réponses ne seront pas les mêmes si on s'intéresse à la situation en France ou en Haïti par exemple. Les réponses à ces questions permettront à la fois de préciser les objectifs poursuivis et les changements souhaités ainsi que les modalités d'action les plus efficaces pour y parvenir. La démarche n'est pas simple, et du coup nous proposons un outil qui peut être mobilisé pour aider à formaliser cette réflexion. On l'appelle l'outil Théorie du changement. Il s'agit d'un outil méthodologique qui permet de visualiser, sur un schéma de relations logiques, le changement sociétal qui est souhaité. Généralement, la théorie du changement, elle aide à préciser les ressources philanthropiques disponibles, incluant les ressources financières, mais également les compétences apportées par le fondateur et ses réseaux, le changement visé à long terme, quels changements positifs souhaite-t-on induire dans la société? Ce projet de changement, il doit être relativement précis, idéalement pourrait être mesuré ou estimé. Les interventions, quelles sont les activités à mettre en oeuvre pour induire un tel changement. Faut-il agir soi-même ou donner à d'autres les moyens d'agir? Les résultats intermédiaires ou pré-conditions indispensables pour atteindre le changement à long terme. Formaliser une théorie du changement est un processus itératif qui peut aider au moment du lancement d'une initiative philanthropique à formaliser les objectifs de changement visés et les modalités d'action pour les atteindre. Mais une telle démarche peut également être utilisée comme un processus continu de réflexion permettant d'adapter les actions à l'évolution des ressources, des besoins et de l'environnement. Pour bien comprendre, rien de mieux qu'un exemple réel. Prenons la Fondation de la 2ème Chance, créée en France en 1998 et qui se donne pour objectif de lutter contre l'exclusion en faisant reculer l'assistanat. La fondation s'est appuyée sur un constat : de nombreuses personnes en France sont dans une situation de grande précarité et démontrent une réelle envie de rebondir sans disposer des moyens financiers adéquats. Une hypothèse, l'assistanat n'est pas la solution et seule une prise en main par les individus concernés eux-mêmes peut permettre un retour à l'emploi. Forte de ressources financières apportées par le groupe Bolloré, la fondation a choisi d'agir en attribuant à des individus âgés de 18 à 62 ans des bourses d'un montant de 5 000 à 8 000 euros. Ces bourses permettent d'aider les personnes à mener à bien un projet professionnel au travers de deux dispositifs : soit en suivant une formation qualifiante, soit en créant ou reprenant une entreprise. La fondation accompagne également professionnellement les bénéficiaires au travers d'un système de parrainage. Grâce à cela, la fondation prévoit que les bénéficiaires sortent de la précarité et que l'exclusion et l'assistanat reculent en France. Il faut noter cependant que partant d'un même objectif général, les fondations peuvent développer des théories du changement différentes. La fondation FACE, la Fondation Agir Contre l'Exclusion par exemple, créée en 1993 par 13 entreprises françaises s'est également donné pour objectif de lutter contre l'exclusion, mais elle choisit de le faire en accompagnant un réseau de 5 000 entreprises à développer leur politique de responsabilité sociale de l'entreprise, RSE, sur leur territoire pour aider des populations défavorisées à accéder à l'éducation, à l'emploi et à des droits, des biens ou des services fondamentaux au travers de projets co-construits localement par des entreprises, des associations, et des acteurs publics. Soutenir des individus, soutenir des réseaux ou soutenir des organisations existantes sont autant de moyens d'intervention différents pour contribuer à des changements sociétaux. On peut ajouter à ces modalités d'action le plaidoyer pour tenter d'infléchir les grandes politiques publiques liées à la cause. Alors il est important de noter à ce stade qu'il n'existe pas de théories du changement par nature bonnes ou mauvaises. En revanche, pour qu'elles soit efficaces, il est essentiel qu'elle permettent de mettre en adéquation les ressources à disposition du philanthrope avec les besoins sociétaux et les objectifs qu'il s'est fixés. Pour conclure, rappelons que formuler une théorie du changement peut être utile pour un philanthrope, à la fois pour définir une stratégie d'intervention pertinente et rigoureuse mais également pour faciliter le pilotage et l'évaluation des actions pour communiquer vis-à-vis de l'extérieur sur les actions de la fondation et aider ainsi les partenaires de l'action et le grand public à comprendre les objectifs et les modalités d'action de la fondation.