[MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous venons de voir les deux premières caractéristiques de notre donateur type que sont l'âge et la richesse. Examinons sans plus tarder les deux autres traits qui complètent ce portrait robot du donateur. Le troisième élément clé concerne la religion. Dans la plupart des croyances, notamment les trois monothéismes, partager ses ressources avec les plus pauvres est une obligation morale explicite. Des études empiriques réalisées dans le monde entier montrent une relation statistique positive et robuste entre la croyance religieuse et le don d'argent tant en pourcentage qu'en volume. Ceci reste vrai pour les dons aux organisations séculières et pas seulement pour les dons aux lieux de culte ou aux associations religieuses qui sont massives dans certains pays comme les Pays-Bas où ils représentent 40 % des dons, les États-Unis 33 % ou l'Angleterre 17 %. La pratique religieuse régulière semble même accentuer la propension à donner régulièrement et les volumes donnés. Le chercheur René Bekkers a remarqué un aspect étonnant. Dans un contexte neutre de laboratoire, les personnes croyantes et pratiquantes ne semblent pas donner plus que les non croyants. Ce serait alors le contexte particulier des lieux de culte où le don est fréquemment sollicité et rendu public qui expliquerait en grande partie l'acte de don. D'autres chercheurs ont souligné que le lien social fort dans les communautés religieuses inciterait leurs membres à donner pour le bien de leurs communautés d'appartenance. En France, 68 % des donateurs se disent croyants, dont 57 % de catholiques. Être croyant en général et catholique en particulier accroît la probabilité d'être philanthrope. Contrairement aux Pays-Bas ou aux États-Unis, les Français ne donnent pas prioritairement aux lieux de culte, et préfèrent soutenir les organisations de lutte contre la pauvreté, d'aide et de protection de l'enfance et de recherche médicale. Néanmoins, la présence du Secours Catholique ou des Apprentis d'Auteuil dans le top 10 des organisations qui collectent des dons et des legs rappelle la présence diffuse du don catholique en France, en particuler dans certaines régions comme l'Alsace et le nord. En Occident, les grands donateurs et fondateurs semblent préférer les causes séculières même si les personnes croyantes sont nombreuses chez les philanthropes, comme le montre en France le succès de fondations abritantes à caractère confessionnel comme la Fondation CARITAS France ou la Fondation du Judaïsme Français. En Asie, et en particulier dans le monde musulman, la religion reste une caractéristique de l'action des philanthropes les plus fortunés. Enfin, le quatrième élément est le niveau d'éducation. Comme pour la religion, un nombre très conséquent d'études empiriques ont démontré la relation positive et significative entre le niveau d'éducation mesuré en nombre d'années d'études et les comportements de dons. Plus on fait des études longues, plus on est susceptible de donner et plus les montants donnés sont importants, quels que soient par ailleurs ses revenus. Les faits varient néanmoins selon les causes, avec un impact fort sur les dons aux causes séculières et plus limité en ce qui concerne le don religieux. Comment expliquer ce facteur éducation? Quelques études ont trouvé un lien significatif entre les capacités cognitives des individus et leur comportement de dons. L'hypothèse serait qu'une meilleure capacité à comprendre la complexité du monde et ses problèmes inciterait à donner. Une autre hypothèse est que les études longues permettent aux individus de nouer de nombreuses et riches relations sociales et d'être ainsi plus exposés aux sollicitations que les autres. On le voit en particulier dans le don des anciens élèves à leur établissement d'origine, notamment sous la forme de class gifts où les promotions se mobilisent pour donner ensemble. Néanmoins, ces hypothèses n'ont pas été prouvées et les chercheurs n'ont à ce jour pas trouvé d'explications entièrement convaincantes. En France, les études sur les sujet sont très rares. Le baromètre annuel de France Générosités montre que 80 % des personnes ayant au moins un bac+3 affirment donner de temps en temps, contre 51 % des personnes ayant étudié jusqu'au Baccalauréat. Pour conclure, deux remarques. D'abord il est évident que de nombreuses autres caractéristiques ont été testées sans aboutir à des résultats aussi probants que les quatre facteurs que nous venons de présenter. Ainsi, le genre, le statut conjugal ou l'origine ethnique ne semblent pas avoir d'influence significative sur la philanthropie. Si certaines études ont par exemple montré que les femmes donnent plus souvent que les hommes, l'effet disparaît lorsqu'on prend en compte l'âge, les revenus ou le niveau d'éducation. La deuxième remarque tient aux nombreux biais qui entourent les études empiriques citées. Elles ne prennent pas en compte tous les dons effectués ni le nombre de sollicitations reçues pour chaque don déclaré. Attention également à ne pas confondre corrélation et causalité. La majorité de ces études sont statiques et transversales. Elles ne peuvent expliquer les liens de causalité ni les processus dynamiques. Nous venons de dresser le portrait robot des individus qui s'engagent dans la philanthropie. Afin de continuer la conversation dans les forums, j'aimerais vous poser quelques questions. Si vous découvrez la philanthropie, avez-vous été surpris, ou ce portrait robot correspond-t-il à ce que vous imaginiez? Si vous donnez régulièrement, vous êtes-vous reconnu ou votre profil est-il plus atypique? Si vous travaillez auprès de donateurs, retrouvez-vous ces caractéristiques parmi vos donateurs? Voyez-vous des profils nouveaux apparaître? Dans les vidéos suivants, nous allons nous plonger dans les sept familles de motivations qui incitent les personnes à s'engager dans la philanthropie. [AUDIO_VIDE]