[MUSIQUE] [MUSIQUE] Vous êtes proche du but. Dans cette dernière vidéo, nous abordons un sujet important mais souvent oublié, l'impact des donateurs ou des fondations sur les organisations qu'ils financent. Lorsqu'on parle d'impact social, on pense généralement à celui des opérateurs, aux associations ou entreprises sociales qui agissent sur le terrain, mais on pense moins à l'impact des financeurs sur les opérateurs. Or, si les philanthropes veulent comprendre l'effet de leurs dons sur la société, par exemple, sur l'accès à l'éducation ou sur la protection de l'environnement, il est important qu'ils se demandent comment leur action impacte les organisations bénéficiaires de leurs dons. Il est essentiel pour les philanthropes de développer une relation fructueuse avec ces opérateurs, qui sont leur interface avec la cause qu'ils soutiennent. En d'autres termes, pour avoir un impact positif sur le monde, les philanthropes doivent d'abord avoir un impact positif sur les organisations qu'ils financent. Voici du coup quelques pistes pour y arriver. Première piste importante, les philanthropes ont la capacité, voire la responsabilité d'aider les organisations qu'ils soutiennent à devenir plus fortes et plus solides. Nombreuses sont les fondations qui refusent de financer les frais de fonctionnement, et limitent leur soutien au financement ponctuel de nouveaux projets. Insidieusement, de telles pratiques encouragent les associations à entrer dans une forme de course perpétuelle aux nouveaux projets pour lever des fonds, et les amène parfois à se détourner de leur cœur de mission. Une forme de mythe s'est développé autour de la notion de frais de fonctionnement, considérant qu'ils sont systématiquement illégitimes et indus, et qu'ils devraient à ce titre toujours être minimisés. Pourtant, il est très clair qu'une association ne pourra faire un travail sérieux et impactant sur la durée que si elle a investi dans des compétences humaines et dans des pratiques professionnelles adaptées, par exemple, en matière de finances ou de systèmes d'informations. Ces compétences et ces pratiques ont un coût, qui peut être considéré, s'il est bien géré, comme un investissement, car une équipe compétente et efficace aura d'autant plus de capacité à développer sur le terrain des activités de qualité et à développer un modèle économique pérenne, qui in fine aura un impact social plus fort. Ceci peut également aider l'association à moyen terme à devenir viable indépendamment d'un soutien philanthropique initial. À une échelle macroéconomique, les philanthropes peuvent ainsi contribuer au développement d'un secteur associatif plus robuste, plus efficace et plus pérenne, et donc ayant in fine un impact social plus fort. Le fonds de dotation Entreprendre&+ illustre une telle approche. Fondé par Arnaud de Ménibus, entrepreneur, ce fonds réunit aujourd'hui plusieurs philanthropes soucieux de mettre en commun leurs ressources et expertises pour soutenir le développement de l'entrepreneuriat social en France. Entreprendre&+ a choisi de soutenir exclusivement des organisations qui peuvent avoir un effet de levier sur le développement de l'écosystème de l'entrepreneuriat social, en accompagnant leur création, leur croissance et leur changement d'échelle. Ils ont ainsi soutenu le lancement et le développement de Ticket for Change, ou Unis-Cité et son programme Rêve et Réalise, deux programmes d'incubation pour de jeunes entrepreneurs sociaux. Un deuxième sujet important est celui de l'engagement des philanthropes dans le temps, et de l'anticipation de la fin de leur soutien. En effet, une association vit très différemment le fait de recevoir un don ponctuel ou un engagement de don sur plusieurs années. Si le don ponctuel fait bien entendu sens pour le philanthrope qui ne souhaite pas créer de relation de dépendance avec ses bénéficiaires, il ne permet de financer qu'une opération à court terme, à l'impact limité. Lorsqu'ils choisissent de soutenir financièrement des associations sur plusieurs années, les philanthropes permettent aux associations d'anticiper leurs ressources financières à venir, et de concentrer leur énergie à la mise en œuvre de leur mission, plutôt qu'à une levée de fonds permanente. À ce titre, les dons pluriannuels ont un impact très positif sur les associations bénéficiaires. Là encore, c'est le choix d'Entreprendre&+ qui accompagne ses bénéficiaires sur plusieurs années, financièrement et humainement, depuis l'idée de départ jusqu'au financement de leur développement. Une telle démarche de soutien sur la durée requiert cependant d'anticiper le jour où le don prendra fin, notamment par un phasage progressif de la sortie, permettant à l'association de mobiliser progressivement des ressources alternatives, par exemple, d'autres ressources philanthropiques, ou d'autres types de revenus comme les subventions ou des recettes d'activités marchandes. Pour finir, les philanthropes ont également un impact potentiel sur les organisations qu'ils financent au travers de leur implication dans la gestion, voire dans la gouvernance. Certains membres d'Entreprendre&+ ont par exemple rejoint le bureau de l'association Ticket for Change, dans une véritable logique de co-construction du projet. De plus en plus de philanthropes proposent à leurs associations bénéficiaires un accompagnement extra-financier au travers de conseils en organisation, en stratégie, ou en finance par exemple. Lorsque ces conseils permettent aux organisations bénéficiaires de monter en compétences, de développer leur vision stratégique, ou de mieux évaluer leur efficacité, ils peuvent avoir un impact très positif pour les associations. En revanche, lorsqu'ils ne prennent pas en compte la culture et les spécificités de l'organisation bénéficiaire, ces conseils peuvent avoir un effet déstabilisant. L'enjeu pour les philanthropes est donc de trouver le bon équilibre en implication et interventionnisme, entre confiance et contrôle, entre accompagnement et influence. Par leur action, les philanthropes peuvent donc impacter très positivement les organisations bénéficiaires, à condition qu'ils soient conscients des besoins et du fonctionnement de celles-ci et qu'ils en partagent les objectifs. L'enjeu est donc de passer d'une relation parfois asymétrique entre un philanthrope qui donne et une organisation qui reçoit, à une relation plus équilibrée entre deux partenaires qui poursuivent un même objectif, et unissent leurs forces pour y parvenir. Des partenaires également prêts à analyser avec objectivité leur réussite et leurs échecs, pour mieux apprendre et avancer ensemble au service de l'intérêt général. Ce MOOC, La Philanthropie, Comprendre et Agir, se termine aujourd'hui. Nous espérons sincèrement qu'il vous aura permis de mieux connaître la philanthropie, mais aussi de découvrir les enjeux liés à sa mise en œuvre. Pour aller plus loin, vous pourrez vous appuyer sur les productions et événements de la Chaire Philanthropie de l'ESSEC, ainsi que sur les activités et services proposés par la Fondation de France pour accompagner les philanthropes. Nous espérons surtout que ce MOOC vous a donné envie de passer concrètement à l'action et d'aller encore plus loin.