[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] La réflexion sur l'efficacité philanthropique est plus ancienne qu'on ne le pense. Aux États-Unis elle date de la fin du XIXe siècle lorsque Andrew Carnegie pose les bases d'une philanthropie qu'il qualifie de scientifique, c'est-à-dire soucieuse de son efficacité. Critiquant fortement toute forme d'assistanat, il recommande alors aux plus riches d'aider les pauvres à s'aider eux-mêmes et de faire l'effort de comprendre les leviers permettant aux plus démunis de sortir de leur condition. Il était ainsi le premier à reconnaître l'importance d'une stratégie philanthropique, même s'il ne la nommait pas ainsi. Pour lui, les bonnes intentions ne suffisent pas. Le philanthrope a la responsabilité de réfléchir scientifiquement à la manière de traiter durablement les problèmes auxquels il souhaite s'attaquer. Depuis Carnegie de nombreux travaux ont porté sur ce sujet, et nous vous livrons ici quelques recommandations permettant de construire une stratégie philanthropique. Pour illustrer ce sujet de la stratégie philanthropique, prenons l'exemple de la Fondation Culture & Diversité et de la fondation d'entreprise RATP. Ces deux fondations, qui partagent le point commun de s'intéresser à la culture ont choisi d'agir de manière très singulière, avec des objectifs très différents. La Fondation Culture & Diversité a choisi de se spécialiser exclusivement sur le thème de la culture, et de monter elle-même des projets favorisant l'accès à la culture à des jeunes défavorisés. La fondation RATP a choisi la culture comme un sujet parmi d'autres et décidé de soutenir financièrement des projets portés par d'autres acteurs, associatifs notamment, sur les territoires dans lesquels l'entreprise intervient. Il est fort probable que du fait de leurs différentes stratégies philanthropiques, ces deux fondations ont, sur la société française et la cause de la culture en particulier, un effet assez sensiblement différent. Dans ce module, nous allons passer en revue les grandes composantes d'une stratégie philanthropique et guider les acteurs qui se posent des questions dans leurs principaux choix. La première étape essentielle de toute démarche philanthropique consiste en la définition des objectifs que l'on souhaite atteindre. Que l'on soit particulier, famille ou entreprise, la cause est souvent le moteur de l'engagement philanthropique, que ce soit l'expérience d'une maladie, la poursuite des activités d'un membre de la famille disparu, la valorisation d'une expertise donnée. Mais ce n'est pas toujours le cas, et il est important dans tous les cas de bien définir le périmètre d'action choisi. La définition de ces objectifs se trouve à l'intersection de deux grandes questions. Quelles sont les causes qui nous tiennent à coeur auxquelles nous avons envie de contribuer, et quelles sont des causes pour lesquelles des besoins importants et urgents existent et pour lesquelles une contribution philanthropique pourrait apporter une réponse. En effet, il serait assez contre productif de choisir une cause pour laquelle les besoins sont négligeables ou pour laquelle un financement philanthropique ne pourrait servir à rien. Et de la même manière, il serait dommageable de s'engager pour une cause dans laquelle on ne se sent pas personnellement investi. Une telle définition requiert donc à la fois un travail d'introspection et un travail d'analyse tourné vers l'extérieur. Le travail d'introspection diffère selon que le donateur ou fondateur est un individu ou une entreprise. En tant qu'individu, les questions importantes sont : qu'est-ce qui me tient à coeur? Quelles sont les valeurs que je souhaite partager ou transmettre? Quelle peut être ma valeur ajoutée? Qu'est-ce qui raisonne avec mon expérience, mon expertise? Alors qu'en tant qu'entreprise, les enjeux sont différents, puisque l'entreprise est un collectif. Les questions à se poser sont alors les suivantes : quels sont les moteurs de l'engagement de l'entreprise? Quelles sont ses valeurs distinctives? Quelles sont les spécificités de l'entreprise qui pourraient contribuer positivement à la société? Une expertise? Une présence territoriale? Des salariés particulièrement motivés? Le travail d'analyse sociétale permet, lui, de répondre aux questions suivantes : quels sont les besoins importants ou urgents? Quels sont les territoires sur lesquels ces besoins sont particulièrement présents? Quelles sont les autres réponses existantes? À part nous, quels sont les autres acteurs pertinents? En quoi sommes-nous bien placés finalement pour y répondre? Ces deux réflexions, elles sont à la fois difficiles et exigeantes. Il peut faire sens de s'appuyer sur l'expertise d'une fondation abritante ou de conseils experts extérieurs pour les mener à bien. Ces réflexions, elles doivent aboutir à une définition à la fois suffisamment large pour ne pas trop contraindre l'action, mais suffisamment étroite pour pouvoir guider l'action et la prise de décision. L'enjeu est finalement de parvenir à mettre en adéquation les moteurs personnels ou internes et les besoins sociétaux afin de définir des objectifs à la fois motivants et pertinents. Dans cette phase de définition, une autre importante question se pose, celle de la spécialisation. Faut-il choisir de se concentrer sur une seule cause ou s'attaquer à plusieurs causes? Certains philanthropes ont des centres d'intérêt très nombreux et peuvent avoir envie de contribuer à chacun d'entre eux. S'il n'existe pas de règle absolue en la matière, une forme de spécialisation reste recommandée car elle permet de développer une expertise approfondie sur le ou les quelques sujets choisis. Ainsi, les fondateurs appréhendent de manière fine le problème auquel ils souhaitent s'attaquer, ils connaissent les acteurs clés qui travaillent avec eux sur le sujet, ils comprennent les moyens d'agir efficacement pour apporter des réponses concrètes. Dans un contexte de ressources contraintes, la spécialisation, elle permet par ailleurs d'éviter la dispersion et le saupoudrage sur de nombreux sujets qui ne permet généralement pas d'apporter une contribution déterminante à un problème donné. C'est pourquoi il est recommandé au fondateur de choisir un nombre limité de causes, par exemple entre un et trois, afin d'obtenir sur chacune d'elles un effet aussi profond que possible. Prenons pour finir un peu de hauteur avec un petit quiz et regardons comment ces choix de causes se traduisent à l'échelle d'un pays. [AUDIO_VIDE]