[MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous vous sortons des sentiers battus pour cette dernière séquence du module 3 sur comment donner pour explorer les nouvelles frontières en matière de philanthropie. Durant les dernières décennies, des pratiques empruntant à la fois au don et à l'investissement ont émergé à l'initiative d'entrepreneurs et de financeurs soucieux de maximiser leur impact social. On les appelle capital-risque philanthropique, venture philanthropy en anglais, et l'investissement à impact ou impact investing en anglais. Le capital-risque philanthropique est né dans la Silicon Valley à la fin des années 90, lorsque des entrepreneurs et capital investisseurs ayant fait fortune dans les affaires songent à appliquer l'état d'esprit et les outils du capital-risque aux secteurs non lucratifs qu'ils considèrent par ailleurs insuffisamment efficaces. Ils proposent de sélectionner de manière très approfondie quelques organisations à fort potentiel d'impact social à qui ils apportent des subventions très importantes pendant plusieurs années, ainsi qu'un accompagnement managerial très rapproché afin d'aider l'organisation bénéficiaire à changer d'échelle et développer son impact. Le capital-risque philanthropique s'est développé en Europe dans les années 2000 en adoptant souvent une démarche plus humble, moins critique et plus complémentaire avec la philanthropie traditionnelle et les pouvoirs publics. La fondation AlphaOmega, créée par Maurice Tchenio, un des pionniers du capital-risque en France, applique ces principes. Elle sélectionne chaque année une association choisie de manière très approfondie pour sa capacité à apporter des réponses aux enjeux d'échec scolaire et de décrochage scolaire. La fondation accompagne chaque association sélectionnée pendant cinq ans, et lui apporte en tout un million d'euros dont 500 000 euros en dons financiers et 500 000 euros en conseil aux équipes dirigeantes, en stratégie, en levée de fonds, en marketing, en droit ou en fiscalité. La fondation AlphaOmega insiste pour ne pas financer des projets spécifiques, mais pour aider des associations bénéficiaires à renforcer leurs capacités organisationnelles et donc leur impact social. Elle travaille également à mesurer l'impact social généré par ces dons, comme les capital-risqueurs mesurent le retour financier de leur investissement. En Europe, l'émergence de ces nouvelles pratiques philanthropiques a donné lieu à la création de l'EVPA, European Venture Philanthropy Association, qui promeut cette approche et encourage le partage de bonnes pratiques entre financeurs. L'investissement à impact, lui, participe de cette même logique, celle d'appliquer à l'intérêt général certains des outils du secteur à but lucratif. On définit l'investissement à impact comme un investissement qui cherche volontairement à allier retour social et retour financier sur investissement. ces investissements sont donc réalisés dans des organisations qui, indépendemment de leur statut, on un modèle économique pérenne et ont un impact social avéré, comme par exemple des entreprises dans le domaine de la microfinance, des entreprises agissant dans le domaine de l'accès à l'énergie ou du recyclage ou dans celui de l'insertion par le travail. Différents modèles d'investissements à impact existent. Certains fonds souhaitent privilégier l'impact social avant tout, et se fixent des objectifs de retour financier faible ou nul, ne souhaitant que récupérer l'investissement initial. D'autres en revanche souhaitent privilégier le retour financier, parfois à des taux proches de ceux générés par des fonds d'investissement traditionnels, tout en garantissant un niveau minimal d'impact social. La pratique de l'investissement à impact implique en conséquence la nécessité de savoir estimer l'impact social créé par l'entreprise financée. C'est un sujet que nous aborderons en détail dans le module numéro 4 de ce MOOC. Alors, à la différence du capital-risque philanthropique qui verse des dons à des associations, les sommes versées étant définitivement abandonnées, l'investissement à impact est donc un investissement. Les fonds versés ont vocation à être à minima récupérées par l'investisseur. A ce titre, les bénéficiaires de l'investissement à impact sont principalement des entreprises à finalité sociale habilitées à recevoir des investissements, alors que les bénéficiaires du capital-risque philanthropique sont principalement des associations habilitées à recevoir des dons. Avez-vous une idée du montant investi à l'échelle de la planète dans l'investissement à impact? Ce montant est aujourd'hui estimé à 60 milliards de dollars, mais il est en forte croissance, et certains estiment qu'il atteindra 500 milliards dès 2020. On est donc sur une pratique en fort développement. En France, un exemple de fonds d'investissement à impact est le fonds Investir &+, créé en 2012 par des entrepreneurs et des investisseurs pour sélectionner et accompagner des projets à fort potentiel d'impact social. Pour bénéficier de l'accompagnement d'Investir &+, les entreprises doivent justifier d'un modèle économique marchand, d'une gouvernance démocratique et ouverte à l'accompagnement, d'un fort potentiel de croissance et d'une expérience de plus de 12 mois. L'accompagnement s'opère sur une durée de 5 à 10 ans, et comprend à la fois un investissement financier entre 300 000 euros et un million d'euros et un soutien humain sous la forme d'un réseau d'experts métier, et d'un accompagnateur qui épaule au quotidien l'entrepreneur. Pour les investisseurs, le fonds assure le suivi de l'impact social des projets et promet un retour sur investissement raisonnable d'environ 2,5 % par an. C'est ainsi qu'Investir &+ a financé HelloAsso, une plate-forme de crowdfunding qui offre une solution complète de collecte de fonds et de services pour les associations, ou dans Recyclivre, un site Internet de vente de livres d'occasion qui propose un service gratuit de récupération de livres à domicile. L'impact investing peut être pratiqué dans le cadre de fonds d'investissement dédiés, comme c'est le cas pour Investir &+, mais aussi par des fondations, lorsqu'elles cherchent à faire fructifier leur dotation en capital tout en restant cohérentes avec leur objet social. Un bon exemple d'une telle démarche est celle développée par la fondation Caritas France qui gère son capital au travers de trois outils différents. Des investissements prudents avec un rendement moyen mais garanti, des investissements de rendement investis dans un portefeuille d'actions pour partie choisi pour le respect de critères environnementaux et sociaux, et des investissements à impact social dans des entreprises sociales et solidaires. Ce fonds impact social de la fondation Caritas France choisit d'investir sur des durées de 5 à 10 ans dans la microfinance en Afrique, dans l'insertion par l'activité économique en France, et dans l'immobilier social, thématique cohérente avec la mission de la fondation. En 2016, environ un million d'euros étaient investis dans ce fonds, et le projet est de passer à un million cinq d'euros dès 2017. Alors, ces nouvelles pratiques restent encore limitées et leurs contours sont encore mouvants, mais elles montrent bien l'émergence d'un secteur hybride au croisement de la philanthropie et de l'investissement qui cherche à apporter de nouvelles réponses aux grands enjeux sociaux et environnementaux. D'autres outils sont en cours d'expérimentation, comme les obligations à impact social ou les social impact bonds, qui élargissent ainsi la palette des outils au service de l'impact social. Nous avons beaucoup parlé d'impact social dans ce module. Il est temps désormais de nous intéresser en profondeur à ce sujet dans le quatrième et dernier module de ce MOOC. [AUDIO_VIDE]