[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans de nombreux pays du monde, la philanthropie fait l'objet d'un traitement fiscal particulier qui avantage les donateurs comme les organisations bénéficiaires. Sous certaines conditions, les associations et fondations éligibles sont en effet exonérées de la plupart des impôts qui frappent les entreprises privées. Quant aux donateurs, particuliers ou entreprises, ils bénéficient d'un avantage fiscal plus ou moins prononcé selon les pays, ce qui rend le don attractif d'un point de vue fiscal. Deux types de mesures existent : une déduction d'impôts où le montant des dons et totalement ou partiellement déduit du revenu imposable, avec des plafonds qui varient d'un pays à l'autre. C'est le système le plus répandu, on le retrouve aux États-Unis, en Allemagne ou en Suisse, il a tendance à favoriser les contribuables dont le taux d'imposition est le plus élevé. Deuxièmement, une réduction d'impôts où un pourcentage du montant des dons peut être directement soustrait de l'impôt dû jusqu'à un certain plafond de revenu. Ce système, plus avantageux pour tous les contribuables, quels que soient leurs taux d'imposition, est en vigueur en France, en Belgique ou en Israël. On attend de ces mesures un effet de levier, qui se concrétise lorsque le coût pour l'administration fiscale est inférieur au bénéfice général pour la société que représente une hausse des dons à des organismes sensés agir efficacement pour des causes d'intérêt général. La recherche empirique en économie suggère que cet effet de levier existe, même s'il demeure limité et difficile à évaluer, car cela suppose un test contrefactuel, complexe à mettre en œuvre et en proie aux idéologies. En effet, qu'aurait fait l'État à la place si ce manque à gagner avait été taxé? Les avantages fiscaux sont un choix politique, qui permettent en quelque sorte au contribuable de flécher son impôt vers des causes et des organisations qu'il choisit lui-même, dans la limite imposée par la loi. Si certains pays comme le Royaume-Uni les ont adoptées il y a plus d'un siècle, la plupart de ces mesures d'incitations fiscales au don sont apparues ces dernières décennies. Qu'en est-il en France? En l'espace de 30 ans environ, nous sommes passés d'une quasi-absence d'incitations à un système de réduction d'impôts accordé au titre des dons parmi les plus généreux au monde. Avant de détailler les avantages offerts aux particuliers et aux entreprises, intéressons-nous d'abord à la qualité des organisations qui peuvent offrir ces avantages fiscaux à leurs donateurs. En effet, seules certaines organisations qui reçoivent des dons sont éligibles au régime de réduction d'impôts, celles qui sont d'intérêt général. Cette notion est centrale en droit public et fiscal français, même si elle n'est pas clairement définie dans la loi. Concrètement, pour être d'intérêt général et faire bénéficier à ses donateurs du régime fiscal de réduction d'impôts, une organisation doit respecter toutes les conditions suivantes. Exercer son activité en France ou dans l'espace européen, sauf exception comme les organisations d'aide humanitaire. Faire partie des nombreux organismes et domaines d'activité listés dans les articles 200 et 238bis du code général des impôts. Avoir un caractère non lucratif, ce qui suppose une gestion désintéressée et une absence de concurrence envers des entreprises du secteur lucratif ou si il y a concurrence, des conditions d'exercice de l'activité bien distinctes. Quatre, ne pas agir au profit d'un cercle restreint de personnes, c'est-à-dire au profit des intérêts particuliers d'une ou plusieurs personnes clairement individualisables. Lorsque l'organisation répond effectivement à l'ensemble de ces conditions très restrictives, elle est éligible et elle peut émettre des reçus fiscaux à ses donateurs afin qu'ils bénéficient d'une réduction d'impôts. Néanmoins, cet autodiagnostic peut être erroné. En cas de doute, il est recommandé de se faire accompagné par un professionnel ou bien de demander directement son avis à l'administration fiscale, c'est-à-dire ce qu'on appelle une procédure de rescrit fiscal. Concrètement, les conditions pour être d'intérêt général en France sont remplies par toutes les fondations, certaines associations seulement et la plupart des organismes publics. Sont donc exclues les entreprises, y compris les coopératives et les mutuelles, et les associations ne respectant pas les conditions citées, par exemple les associations au service de leurs membres ou celles qui ont un caractère de lucrativité. Passons maintenant aux avantages fiscaux pour les donateurs. Sous réserve que leurs dons soient bien versés à des organismes d'intérêt général, les particuliers en France bénéficient de réductions d'impôts significatives. Premièrement, pour les particuliers, une réduction de l'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant des dons, dans la limite de 20 % du revenu imposable, et même de 75 % pour les dons aux organismes d'aide aux personnes en difficulté. Si le plafond des 20 % des revenus est dépassé, les particuliers peuvent reporter sur cinq ans leurs dons et bénéficient ainsi d'un étalement de la réduction sur plusieurs années. Deuxièmement, pour les particuliers assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, une réduction supplémentaire de 75 % du montant de leurs dons peut être réduits du montant de leur ISF, dans une limite de 50 000 euros par an. Attention, la liste des organismes éligibles est encore plus restreinte, les associations et les fonds de dotation n'en font pas partie et seuls certains types de fondations sont éligibles. Outre ces réductions d'impôts, le législateur français a prévu d'autres incitations fiscales pour développer la philanthropie. Les donations temporaires d'usufruit, l'exonération des droits de mutation ou une partie des droits de succession sur les libéralités. Et il est même possible d'obtenir une réduction d'impôts pour les dons en nature, par exemple pour le don d'œuvres d'art ou d'objets de collection présentant un intérêt artistique ou historique. Pour en savoir plus, consultez un expert juridique et fiscal ou rendez-vous sur le site très complet du Centre Français des Fonds et Fondations. Des avantages fiscaux existent aussi pour les entreprises qui effectuent des dons à des organismes d'intérêt général, elles ressemblent à la réduction d'impôts sur le revenu offerte aux particuliers. Une entreprise peut ainsi réduire son impôt sur les sociétés de 60 % du montant des dons consentis, dans la limite de 0,5 % de son chiffre d'affaires hors-taxe. Là encore, si le plafond des 0,5 % est dépassé sur une année, ou si le résultat de l'exercice en cours est nul ou négatif, l'entreprise mécène peut reporter l'excédent sur les cinq années suivantes. Deuxièmement, il existe quelques autres incitations fiscales pour les entreprises, notamment pour l'acquisition de trésors nationaux, c'est-à-dire des biens artistiques d'un intérêt majeur pour la patrimoine français. Pour terminer, un mot sur les contreparties. Vous le savez désormais, le don se caractérise par sa gratuité, c'est-à-dire une absence de contrepartie pour le donateur. Pourtant, il est courant que l'organisme bénéficiaire exprime sa gratitude sous la forme d'une lettre de remerciement, d'une invitation à un évènement ou d'un petit cadeau. Les contreparties sont donc tolérées, à condition qu'elles demeurent limitées. L'administration fiscale française en a tenu compte pour fixer des plafonds de valeurs pour les contreparties offertes aux donateurs. Pour les particuliers, un double plafond doit être respecté pour les contreparties matérielles, 25 % du montant du don, sans dépasser la somme de 75 euros. En revanche, il n'y a pas de limitations pour les contreparties symboliques et immatérielles. Pour les entreprises, les contreparties ne doivent pas excéder 25 % du montant du don, avec un principe de disproportion marquée entre les sommes versées et la valorisation de la prestation rendue, sans impact direct sur les activités marchandes de l'entreprise. Sinon, ça sera requalifié en opération de sponsoring. En France, la philanthropie est donc stimulée par un ensemble de leviers fiscaux avantageux pour ces principaux acteurs. Comme nous le verrons dans la deuxième partie de ce MOOC, ces incitations fiscales ont tendance à pousser les donateurs existants à donner plus et plus souvent, plutôt que d'élargir le vivier des donateurs. En effet, la carotte fiscale n'est pas l'unique déclencheur du don qui répond à un ensemble de motivations profondes et complexes. L'effet de ces incitations fiscales est néanmoins tangible et se ressent sur les chiffres nationaux de collecte dont nous disposons. Dans une prochaine vidéo de ce chapitre, nous verrons en quoi ces incitations fiscales font encore débat et les risques qu'une instabilité du cadre juridique et fiscal peut avoir sur la philanthropie.