[MUSIQUE] [MUSIQUE] Un philanthrope qui se pose la question des conséquences de son don sur la société se pose en fait la question d'évaluer ce qu'est son impact social. Cette notion d'impact social n'est pas simple à définir mais est essentielle à comprendre pour pouvoir être ensuite estimée ou évaluée. Si on tente une définition, l'impact social peut être compris comme l'ensemble des effets positifs et négatifs induits par une action philanthropique directement ou non, intentionnellement ou non, à court, à moyen et long terme. L'évaluation d'impact est donc une démarche qui vise à analyser les actions d'une initiative philanthropique afin de comprendre, mesurer ou valoriser ses conséquences. L'objectif est donc celui d'évaluer les résultats, qu'ils soient attendus, inattendus, directs, indirects, positifs ou négatifs, induits par des réalisations. Une fondation finançant des formations par exemple, permet la réalisation, annuellement, de 1 000 heures de formation auprès de 100 participants. Le nombre d'heures de formation ou le nombre de personnes formées, cependant, ne renseigne pas sur les effets que cette formation a eu sur les participants. Ont-ils réellement appris au travers de ces formations? Cette formation leur a-t-elle permis d'améliorer leur situation? A-t-elle, in fine répondu au besoin social qui avait donné lieu à la formation? C'est donc à ces dernières questions que l'évaluation d'impact tente d'apporter des réponses à la fois pour valider l'efficacité d'une action mais également pour pouvoir l'améliorer si nécessaire. Évaluer un impact social est une démarche vraiment complexe et cela pour différentes raisons. D'abord, elle est complexe du fait du nombre et de la variété des éléments à prendre en compte pour analyser l'impact. Prenons l'exemple de dons destinés à financer des actions d'insertion professionnelle pour des chômeurs de longue durée. Ils peuvent avoir des conséquences sur le bien-être des personnes en insertion, leur accès au logement, le traitement d'un problème de dépendance, l'accès à un emploi. Mais ils peuvent aussi avoir un impact sur l'entourage de ces personnes en insertion. Meilleures conditions de vie pour leurs enfants, par exemple, mais aussi impact sur les dépenses publiques, générant ainsi des économies, par exemple, de prestations sociales. Avancer dans une démarche d'évaluation, forcément contrainte par le temps et les moyens requiert du coup de prioriser certaines informations que l'on considère comme plus importantes en fonction des objectifs que l'on s'est fixé. Évaluer l'impact social est aussi complexe du fait de la difficulté à identifier les liens de causalité. Comment s'assurer que le changement identifié est bien lié à l'intervention philanthropique évaluée et non à d'autres interventions? Par exemple, l'amélioration de résultats scolaires d'un élève pourra s'expliquer par la mise en place d'un programme de soutien scolaire dédié, financé par un philanthrope mais également par l'appui de ses parents ou bien l'émulation collective au sein d'une classe. Or, l'appui parental et l'émulation collective peuvent eux-mêmes être redynamisés par l'amélioration des résultats de l'élève. Analyser l'ensemble de ces relations du coup n'est pas évident. Toute démarche d'évaluation sera du coup aussi une démarche de simplification. L'évaluation d'impact social est également complexe car les changements sociaux induits par une action philanthropique sont scientifiquement difficiles à évaluer. Comment, par exemple, mesurer l'estime de soi ou la valeur de la biodiversité dans le cadre d'actions de protection de l'environnement? Toute démarche d'évaluation d'impact inclut nécessairement une part d'interprétation de la réalité sur la base d'hypothèses qu'il faut du coup expliciter. Pour finir, dernière source de complexité, évaluer un impact social est complexe du fait des valeurs qui le sous-tendent. Tout projet à vocation sociale est fondé sur un certain nombre de valeurs, une conception de l'homme, une vision de la société qui ne sont pas nécessairement partagées par l'ensemble des parties prenantes au projet. Et ainsi, différentes parties prenantes peuvent être en désaccord quant à ce que représente un impact positif ou négatif dans le cadre de ce projet. S'engager dans une démarche d'évaluation de l'impact social nécessite donc finalement de reconnaître que la démarche est complexe et intrinsèquement subjective, quelque part mais aussi d'accepter cette subjectivité et ces conséquences en termes d'incertitude, d'approximation et d'instabilité. Pour essayer de dépasser ces difficultés, une myriade d'outils et de méthodes d'évaluation d'impact ont été développés ces dernières années. Dans les pays anglo-saxons, on citera par exemple la base d'indicateurs Iris Impact Reporting and Investment Standards initiée par trois acteurs majeurs de la philanthropie américaine que sont la Fondation Rockfeller, Acumen Fund et B Lab ou bien encore l'approche du SROI, Social Return on Investment, retour social sur investissement qui propose de valoriser monétairement l'impact social. En France, le sujet de l'évaluation d'impact a également donné lieu à de nombreux débats et réflexions. On peut noter à ce titre les travaux développés au sein de l'Admical sur le sujet ou le développement de méthodes telle CERISE pour l'évaluation des activités de microcrédit. Des évaluations visant à estimer statistiquement le lien de causalité entre une action donnée et les changements observés ont aussi été développées. Des études dites aléatoires, randomisées ont aussi été mises en place notamment dans le cadre du Fonds d'Expérimentation pour la Jeunesse. Il n'est certainement pas évident du tout pour les acteurs de se repérer parmi ces outils qui répondent à des besoins et des objectifs souvent différents. Pendant un temps, on a espéré trouver le Graal de l'évaluation d'impact, la méthode magique qui permettrait de répondre à toutes ces questions. Le secteur philanthropique, aujourd'hui, est bien conscient que ce Graal n'existe pas et qu'il est important que chacun avance de manière pragmatique en fonction de ses ressources, de ses enjeux afin de générer des informations qui soient utiles pour la structure, à défaut d'être vraies. Comment s'y prendre concrètement sera l'objet de notre prochaine vidéo. [AUDIO_VIDE]